Les failles du dossier de Fatou Bensouda (Cpi contre Gbagbo

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La procureure près la CPI n’en finit pas de se ridiculiser et de prouver aux personnes de bonne foi ayant une bonne connaissance de la Côte d’Ivoire et une bonne intelligence des concepts que l’institution dans laquelle elle officie est un jouet idéologique aux mains des puissances occidentales. Et non une juridiction digne de respect.

Est-ce le signe d’un léger mouvement de panique ? En tout cas, alors que le bureau du procureur près la Cour pénale internationale (CPI) basée à La Haye avait fondé toutes ses charges contre l’accusé Laurent Gbagbo autour du concept de «coauteur indirect» de crimes contre l’humanité, il change brutalement de braquet en s’appuyant sur l’article 25-3-d du statut de Rome. C’est en tout cas ce qu’il est donné de voir dans la version publique expurgée du «document amendé de notification des charges» datée du 25 janvier dernier, et rendue publique hier.

«Jusqu’ici, Laurent Gbagbo était poursuivi pour crimes contre l’humanité en qualité de co-auteur indirect des meurtres, viols, actes inhumains et persécutions commis, sous ses ordres, par ses partisans. Désormais, le procureur a ajouté une nuance à ses accusations, en poursuivant aussi l’ex-chef d’Etat ivoirien pour sa responsabilité directe dans la mise à exécution des crimes. Cette nuance – juridiquement très technique – vise, pour le procureur, à augmenter ses chances d’obtenir la mise en accusation de l’ancien chef d’Etat», explique le site Internet de la BBC. Il semblait en tout cas curieux d’emblée qu’un «coauteur indirect» soit la seule personne à comparaître devant les tribunaux internationaux alors que les «auteurs directs» désignéspar laCPInes’y trouventpas… et que certains d’entre eux, comme Philippe Mangou, chef d’état-major des Forces de défense et de sécurité au moment des faits et nouvel ambassadeur de Côte d’Ivoire au Gabon, ont même été promus…

Mensonges, omissions, légèretés…

L’audience de confirmation des charges devra permettre de répondre à une question: ya-t-il eu une «politique»,un «plan commun» de nature criminels mis en place par Laurent Gbagbo pour «rester au pouvoir» par tous les moyens ?

D’ores et déjà, on peut imaginer que le prouver sera particulièrement difficile pour le procureur. Qui tentera d’impressionner les juges et de leur dire, en substance : «C’est vrai que je n’ai pas la preuve absolue de mes allégations. Mais avec toutes les accusations qui viennent de partout contre cet homme, mieux vaut juger au fond, et ne pas prendre le risque de relâcher ce Gbagbo contre qui les Nations unies et Human Rights Watch ont écrit des choses aussi graves.»

En tout cas, le document de notification des charges que défendra Fatou Bensouda est, par endroits, particulièrement léger. «Gbagbo était déterminé à rester au pouvoir. Quelque temps avant l’élection de 2010, aidé par des membres de son entourage immédiat, parmi lesquels Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé, il a adopté une politique visant à attaquer son rival politique Alassane Dramane Ouattara (Ouattara) ainsi que des membres du cercle politique de celui-ci, ainsi que des civils considérés comme ses partisans, dans le but de conserver le pouvoir y compris par la force létale», écrit Bensouda. Comment se fait-il que dans ce contexte, Ouattara et ses proches ont pu faire campagne librement dans le Sud du pays contrôlé par les Forces de défense et de sécurité (FDS), tandis que Gbagbo et ses lieutenants, agresseurs désignés, ont fait les frais de violences inouïes de la part des victimes désignées ? Mystère.

« Avant l’élection, Gbagbo a pris des dispositions dans la poursuite de la Politique pour faire ensortede se maintenir au pouvoir en cas de défaite électorale. Il a consolidé son autorité absolue ainsi que le contrôle qu’il exerçait sur les Forces de défense et de sécurité ivoiriennes (FDS)», écrit Bensouda. En quoi le renforcement du lien entre l’armée et le chef supérieur des armées, auquel la Constitution donne l’autorité absolue sur les troupes nationales, estil la preuve d’un plan de refus anticipé du verdict des urnes ? Dans les démocraties avancées, le chef de l’Etat distend-il ses relations avec les militaires avant l’élection présidentielle ? Les mesures sécuritaires prises par Laurent Gbagbo n’étaient-elles pas tout simplement liées à la situation particulière de la Côte d’Ivoire,qui allait aux urnes avec une rébellion qui n’avait pas désarmé et qui constituait un véritable danger pour la Nation, au-delà d’un quelconque pouvoir ? Les accusations de Bensouda traduisent un prisme partisan frappant…

Cette manière de présenter les faits de manière totalement biaisée est omniprésente dans le document de Bensouda. Qui annonce que le président du Conseil constitutionnel était «un allié» de Gbagbo sans noter que celui que la Commission électorale indépendante était un cadre de la coalition soutenant Ouattara.« Les deux candidats se sont proclamés simultanément Président de la Côte d’Ivoire», ment Bensouda. Qui a pourtant affirmé plus haut que c’est le Conseil constitutionnel qui a fait prêter serment à Gbagbo (comme le veut la Constitution), tandis que Ouattara a prêté serment par écrit (ce qui n’a aucune valeur juridique).

Au point 10 de son document, Bensouda écrit :« Dès l’annonce des résultats provisoires de l’élection par la CEI, Gbagbo a donné l’ordre à ses forces armées d’assiéger l’hôtel du Golf et ses résidents». Cette affirmation est rigoureusement fausse. La liberté d’aller et de venir de l’hôtel du Golf était garantie jusqu’à la marche insurrectionnelle du 16 décembre 2010, qui visait à conquérir militairement la RTI.

Gbagbo aurait  ciblé  les  communautés de l’Ouest, «traditionnellement» favorables à Ouattara !

En son point 14, le document de Bensouda situe le début du conflit armé entre FDS et FRCI pro-Ouattara au 25 février 2011. Sur quelle base cette date a-t-elle été choisie ? Bensouda refuse catégoriquement deciter le «commando invisible» parmi les forces pro-Ouattara en dépit des déclarations d’officiels – y compris le ministre des Mines et de l’Energie dudit Ouattara – revendiquant la paternité de cette milice armée meurtrière.

En son point 21, ce texte, tout à son «enthousiasme» orienté, finit par dire que «les nombreuses communautés de l’ouest de la Côte d’Ivoire» sont «traditionnellement acquises» à Ouattara, ce qui fait qu’elles ont été ciblées par Gbagbo. Doit-ons’attendre à ce que demain, la CPI nous apprenne que les massacres à caractère génocidaire de Duékoué ont été commandités par Gbagbo ? A l’allure où vont les choses…

En son point 21, Bensouda prétend que les maisons des pro-Ouattara et des membres des ethnies considérées comme telles «étaient souvent marquées, soit avec les lettres D (Dioula) ou B (Baoulé) soit avec une croix peinte en noir, pour que les assaillants puissent les identifier».

Volonté objective de tromper ! En réalité, ces mentions sont le fait des agents du ministère de santé, qui les utilisaient dans le cadre des campagnes de santé publique, pour signaler les maisons déjà visitées. Tout le monde le sait en Côte d’Ivoire, mais Fatou Bensouda compte sans doute sur le fait que ce sont des étrangers qui ne savent rien aux réalités ivoiriennes qui jugeront Gbagbo. Mais qui peut sérieusement croire que l’ange de la mort écrit avec de la craie blanche, alors qu’il suffit d’un peu d’eau pour faire disparaître ses marques ?

Le reste du document accusatoire produit par Bensouda est à l’avenant. Le procureur près la CPI additionne bavures réelles des FDS, méfaits imaginaires et témoignages confus pour les attribuer en vrac à… Gbagbo. Elle confond allègrement mesures de protection du territoire et attaques ayant pour but de tuer. Elle tente ainsi de criminaliser les dispositions prises pour «empêcher tout accès à la RTI» le 16 décembre 2010. Elle ose dire, en dépit des nombreuses vidéos disponibles, que les manifestants pro-Ouattara qui allaient prendre la RTI n’étaient pas armés.

Après avoir fini de lire le document de Bensouda, l’on est tenté de dire que, par son interprétation violemment partisane et volontairement manipulatrice de l’histoire récente de la Côte d’Ivoire, la justice internationale et les Nations occidentales qui la téléguident participent à rendre impossible la réconciliation nationale en Côte d’Ivoire.

Et à convaincre les vainqueurs du moment, qui se livrent en toute impunité à des crimes contre l’humanité,du bien-fondé de leurs forfaits. N’ont-ils pas affaire à des monstres ? La CPI a-t-elle un jour écrit dans un quelconque document qu’ils avaient fait quelque chose de mal ? Non, et c’est là tout le drame.

Philippe Brou

Le Nouveau Corrier

 

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