Les faces cachées de la présidentielle 2010 au Togo

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« Les institutions ne suffisent pas pour faire une démocratie, il faut que cette dernière s’inscrive aussi dans les mœurs de la classe politique et du peuple », déclarait en Avril 2008 Karl De Gucht  à l’époque ministre des Affaires Etrangères de la Belgique. Celui-ci parlait ainsi de l’état des lieux du processus démocratique en Afrique.

Tout compte fait, la démocratie est loin d’avoir acquis son droit de cité sur le continent. Elle se fait appliquer au gré des humeurs et intérêts non seulement des populations encore engluées dans des considérations tribales mais aussi de la classe politique qui, quoiqu’on dise ne fait pas assez d’efforts pour aider à asseoir une vraie culture démocratique dans les rangs de leurs militants, sympathisants et de la population. Les politiques sont plus pressés pour le pouvoir.

Sur ce plan, le cas du Togo reste préoccupant à plus d’un titre. La dernière présidentielle qui vient de se dérouler à prouver aux yeux de l’opinion nationale et internationale que, quoiqu’on dise, le pays reste divisé et que la démocratie a encore des années devant elle pour s’enraciner dans la culture nationale. La présidentielle 2010 vient consacrer une fois encore la fracture nord-sud et ce, avec un Nord favorable au RPT et le Sud très lié  à l’opposition. Même si cette fois, les affidés du candidat du parti au pouvoir  disent que leur champion a fait des percées dans des milieux acquis à la cause de  l’opposition, il faut reconnaître que la division du pays demeure profonde. Parlant de division, il convient de souligner que la classe politique y a une grande part de responsabilité. C’est elle qui tire souvent sur la corde sensible en exacerbant les clivages ethniques et régionalistes à travers de malsains propos teintés de mépris et de haine. A ce sujet, le Togo est loin de sortir de l’auberge.

  Dans un autre registre, relevons que l’observation électorale nationale n’a pas comblé les attentes des uns et des autres. Parmi les organisations de la société civile qui se sont faites enregistrer pour observer la présidentielle, peu ont pu accomplir leur mission dans les règles de l’art. Les autres, la majorité d’ailleurs,  ont tout simplement fait preuve d’une légèreté notoire. Elles n’étaient que des plaisantins qui ne s’y connaissaient guère. Ces dernières avaient déployé sur le terrain des observateurs qui n’ont aucune expérience en la matière. Quel résultat pouvait-on attendre de telles organisations qui avaient leurs objectifs ailleurs ? Conséquence, le RPT a saisi l’occasion pour frauder subtilement. Beaucoup de moyens frauduleux ont été déployés dans la partie septentrionale du pays où les observateurs se faisaient aussi rares que les larmes d’un chien. Tous se sont agglutinés à Lomé et dans les principales villes en oubliant les hameaux les plus reculés.

Certes, la démocratie ne se décrète pas et n’est ni un prêt-à-porter.  Arriver à instaurer la démocratie dans un pays est une œuvre  de longue haleine qui s’étale sur des générations. L’Etat de droit n’est pas pour demain au Togo. Beaucoup reste encore à faire pour changer les mentalités et des habitudes. Les populations ont pour l’heure du mal à composer avec un système politique qui n’est pas du tout facile à adopter. Parlant par exemple du vote, il faut retenir que l’on vote ici  plus
pour une personne que pour son programme. Il devient difficile dans ces conditions de dire que, le candidat qui a recueilli le plus grand nombre de voix est celui qui a présenté un bon projet de société,  le meilleur en quelque sorte. Le scrutin du 04 mars dernier aura consacré le retard du pays en matière de culture démocratique.

Les politiques qui devraient aider les populations pour la plupart analphabètes, à maîtriser les rudiments d’un Etat de droit, se montrent beaucoup plus préoccupés par le pouvoir. Ils sont si pressés de monter au trône qu’ils ne font pratiquement rien pour amener la masse populaire à arrimer leurs comportements à ceux de citoyens vivant en régime démocratique. L’une des preuves de cette insuffisance, c’est le fort taux d’abstention enregistré dans la  partie méridionale du pays où les populations ne se sont pas aussi senties concernées par l’élection. Or, cette présidentielle a une importance capitale dans leur destinée. 

Mabizo Kiri Lynx.info

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