Les citoyens militaires sont-ils supérieurs ou ont-ils plus de droits que les autres Togolais? [Par Samari Tchadjobo]

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Décidément les réseaux sociaux comme WhatsApp, malgré la mauvaise presse qu´ils ont de véhiculer des histoires à dormir debout et de publier des informations difficilement contrôlables, peuvent servir, si on les utilise intelligemment, de sources d´informations pour l´utilisateur averti. Et ces fameux réseaux sociaux peuvent également servir de plateforme pour diffuser gratuitement des informations à l´intention du grand public. Et ce n´est pas le bureau de l´aniit CHU-SO qui nous démentira après avoir profité de WhatsApp pour publier son communiqué d´indignation relatant l´humiliation qu´a fait subir un médecin militaire à l´un de leurs collègues.

«Le bureau local se mobilise en collaboration avec le bureau national et les syindicats du secteur de la santé représentés au CHU-SO pour se faire entendre sur cette question et vous demande de rester mobilisés pour des actions concrètes le moment venu… Aussi il vous demande humblement de l´aider en donnant votre avis sur la conduite à tenir, afin de faire prendre conscience à ceux qui pensent être nos patrons que nous sommes tous humains et aspirons à la même dignité.» Voilà l´extrait  du communiqué d´indignation publié à Lomé vendredi 29 janvier 2021 par le sécretaire de la section locale CHU-SO.

Ce qui se serait vraiment passé selon le communiqué:

Un de leurs collègues exerçant à la clinique médico-chirurgicale au pavillon militaire arrive au service le dimanche 24 janvier 2021 pour un service de 24 heures et aurait garé sa moto dans un garage non immatriculé où un médecin militaire a l´habitude de stationner sa voiture. Le médecin militaire, ayant constaté le lundi matin qu´une moto y était garée, serait devenu fou furieux et aurait envoyé un gardien pour chercher le propriétaire de la moto qui aurait mis du temps à arriver à cause du travail. Ce qui a suivi, même un directeur d´école, de collège ou un proviseur de lycée, aurait eu plus d´indulgence face à un élève fautif et n´aurait jamais pensé à une telle humiliation. Mais comme nous sommes au Togo où la force a depuis longtemps pris le dessus sur le droit, notre militaire de médecin aurait tout d´abord agressé verbalement l´infirmier avant de le mettre à genoux devant l´entrée du pavillon militaire pendant plus de quinze minutes. Cerise sur le gâteau, le malheureux collègue était obligé d´assister impuissant au démolissement  de son engin de déplacement par notre roi de médecin militaire qui avait en ce moment le droit de vie et de mort sur lui. Mais on est où là?

Le malheureux, n´ayant pas pu supporter cette humiliation, aurait craqué et se retrouverait à la clinique médicale sous surveillance du psychiatre.

« Le bureau de l´aniit CHU-SO condamne avec la dernière rigueur ces agissements indignes des personnes prétendues instruites qui font subir aux infirmiers, qui ploient déjà sous la charge du travail, les caprices de leur humeur. » Un deuxième extrait du communiqué du syndicat qui dit tout sur des comportements qui n´honorent pas son auteur, vu le niveau d´instruction qu´il  prétend faire prévaloir. Plus haut on est situé sur l´échelle sociale, plus grande devrait être notre responsabilité à servir de modèle aux supposés moins instruits en donnant partout et toujours le bon exemple. Et le seul fait d´ajouter le mot militaire à sa qualification ne devrait pas servir de quittus pour bâillonner ses concitoyens, surtout dans un lieu si sacré que l´hôpital, où le respect de sa profession, des malades et de ses collègues devrait être de mise.

Nous savions tous que notre pays le Togo ploie sous une dictature militaire depuis plus d´un demi-siècle; où toutes les libertés sont abolies. Liberté de manifester, liberté de s´organiser en partis politiques, en associations, si vous ne chantez pas les éloges des oppresseurs, liberté de constituer des syndicats, de manifester, de faire grève  pour réclamer ses droits; et le dernier exemple est l´actuelle persécution des enseignants qui ne font que réclamer leurs droits et qui sont arrêtés, enlevés nuitamment, humiliés et jetés en prison comme des bandits, alors que ceux qui volent chaque jour des milliards de nos francs sont connus de tous. Mais ce que nous ignorions, c´est que notre pays soit devenue cette jungle sauvage où aucune loi pour la protection du citoyen ne fonctionne. Les puissants peuvent impunément faire ce qu´ils veulent de leurs compatriotes supposés plus faibles.

Sinon nous ne pouvons  expliquer autrement le comportement d´un autre âge de ce médecin militaire, supposé avoir acquis un certain bagage intellectuel pour ne pas tomber si bas. Il a sévèrement agressé verbalement celui qui reste son collègue, même si ce dernier est de rang inférieur; les plus grands professeurs de médecine ont besoin d´infirmiers, de sages-femmes et du personnel de ménage pour faire leur travail, sinon ils n´y arriveront pas seuls. Il l´a fait s´agenouiller, bref, il l´a humilié pour lui montrer que c´est lui le plus fort et qu´il ne peut absolument rien, et qu´il n´y a personne en ce moment précis pour le sauver. Ça s´appelle de la bassesse humaine et intellectuelle.

Notre infirmier humilié ne pouvait-il vraiment rien faire pour sauver son honneur? Contre les agressions verbales, il ne pouvait rien, certes. Mais était-il vraiment obligé d´accepter de s´agenouiller? Non seulement il s´humilie en s´agenouillant, tremblant comme un petit écolier en face du directeur d´école, mais il humilie sa profession qui consiste à sauver des vies humaines. Garer sa voiture ou sa moto sur un parking privé ne saurait être un crime de lèse-Majesté. Ici en Allemagne si vous allez au commissariat ou à la mairie et vous garez  par mégarde sur le parking du commissaire ou du maire, on vous appelle poliment pour enlever votre voiture; sauf si vous êtes introuvable pour longtemps, alors votre engin sera dégagé par les services compétents à vos frais. Ici personne n´injurie personne, il n´y a pas d´agression physique, ni d´humiliation sous quelque forme que ce soit. Nous pensons que nous devons changer de mentalité et nous armer d´un peu de courage et comprendre que la révolte populaire doit naître de la révolte individuelle si nous voulons vraiment faire partir ce régime qui nous tiend en étau. À la place de notre ami infirmier, nous aurions refusé de nous mettre à genoux, nous aurions dit la vérité à ce médecin qui n´a rien compris à sa fonction, à son rang, nous aurions fait du bruit pour ameuter d´autres collègues et si tous comprennent que c´est eux tous et leur  profession qui sont humiliés, tous les infirmiers auraient montré leur solidarité en cessant immédiatement le travail et exiger que ce médecin, même militaire soit renvoyé de l´hôpital.

Samari Tchadjobo

31/01/2021

Allemagne

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