L’Afrique n’est pas pauvre. L’Afrique est un continent riche habité par des gens pauvres. Une fois que le problème des gens sera réglé, tout le reste va se mettre en place. Dans cet article, je partage ce que je considère être les 10 plus gros problèmes qui affectent la capacité des personnes à s’améliorer elles-mêmes, et ensuite à prendre le contrôle de leur destin.
1. La pornographie de la pauvreté
Les organisations humanitaires comme l’Unicef ou Médecins sans frontières, ont fait plus de dégâts à l’Afrique que l’impact positif marginal qu’elles sont censés avoir eu. Afin de recueillir des fonds pour leurs opérations, ces organismes se sont engagés dans un «porno de la pauvreté», représentant l’Afrique avec les images les plus dégradantes et humiliantes. La dignité des peuples africains n’est pas quelque chose qui les intéressait. Les énormes panneaux publicitaires et les photos de magazines montrant la pire face de l’Afrique emplissent maintenant l’esprit de milliards de personnes à travers le monde, et, malheureusement, ces gens ne peuvent pas s’empêcher de penser à l’Afrique uniquement à travers ces images. (Dans le même temps, les médias ne montreront pas la photo d’un soldat américain ou anglais mort, parce que c’est choquant, et ça ne respecte pas la dignité humaine). La pire conséquence de cette «publicité gratuite» est la façon dont elle a profondément touché les Africains dans la perception de soi et l’image de soi. Par exemple, il est commun en France pour les immigrants africains qui ont des problèmes avec leurs adolescents de les menacer : «Si vous continuez à vous comporter de cette façon, nous vous renverrons en Afrique», ce qui signifie «Nous allons vous envoyer dans l’enfer que vous avez vu à la télévision ou dans le journal». La «pornographie de la pauvreté» des Ong, des organisations humanitaires et des médias occidentaux est le problème numéro un, car il sabote l’image des Africains, affaiblit leur confiance en eux, et a largement contribué à la haine et au racisme auxquels les Africains sont confrontés partout dans le monde.
2. L’aide internationale
Si l’aide étrangère développait les régions, l’Afrique serait le continent le plus développé au monde. L’aide internationale est en train de faire plus de mal que de bien à l’Afrique. Elle est devenue le principal outil utilisé par les gouvernements étrangers et les organisations pour corrompre l’élite africaine, et les amener à se comporter de façon irrationnelle envers leurs propres populations et l’intérêt de base de leur pays.Outre la corruption et la criminalité, l’aide internationale est la racine de la maladie de la colonisation à 5 étoiles qui paralyse l’élite africaine qui n’aime pas la responsabilité et le sacrifice de soi nécessaire lorsque l’on est aux commandes du destin d’une nation. Autant ces élites apprécient le statut offert par leurs positions, autant elles n’ont jamais aimé les responsabilités exigées par leurs emplois. Par conséquent, elles utilisent les programmes d’aide internationale comme substituts à leurs responsabilités. Si l’Afrique a besoin d’une aide, le plus urgent est de se débarrasser de l’industrie de la corruption de 40 milliards de dollars (appelée aide internationale) qui enchaîne sa jeunesse et son élite, cultivant et entretenant une mentalité de mendicité. Comment un pays peut-il se développer quand le rêve de la majorité de sa jeunesse et de l’élite n’est pas l’esprit d’entreprise, l’innovation, l’éducation et l’autosuffisance, mais le rêve d’avoir un emploi au sein d’un organisme humanitaire ou d’obtenir le financement de leur projet par une Agence d’aide internationale ou par procuration ?
3. Les médias internationaux
Un de mes amis m’a dit récemment que le «système de mensonge mondial» (en référence aux médias occidentaux couvrant l’actualité africaine) est l’une des plus grandes menaces pour la paix et le développement en Afrique. Les tribus africaines sont créées à Londres, Bruxelles et Paris par des journalistes. L’héritage colonial de ces journalistes (sauf s’ils sont chargés de le faire) leur fait voir l’Afrique seulement comme une collection de tribus. Ils concentrent leur couverture médiatique sur ce qu’ils appellent les questions tribales. Ils créent de nouvelles réalités comme les «gens du Nord» par rapport à «des gens du Sud» ou aux «gens de l’Ouest». Ils inventent de nouvelles divisions avec une imagination créatrice, comme les Belges ont faussement créé les tribus «Tutsi» et «Hutu» au Rwanda qui ont finalement conduit au génocide en 1994. Les médias occidentaux semblent suivre un programme qui divise davantage les nations et les populations africaines avec leur cadrage constant de l’Afrique par la lutte entre les tribus, les religions, la géographie, etc. Cela doit cesser avant que les Africains puissent s’unir pour régler leurs problèmes. L’influence des médias occidentaux en Afrique est très négative, et pourrait être considérée comme faisant partie des problèmes de l’Afrique. Le second effet le plus négatif des médias occidentaux en Afrique, c’est qu’ils ont tendance à concentrer leur attention sur ce que les Européens ou les Blancs font en Afrique ou pour l’Afrique, et sur comment ils sauvent l’Afrique, donc à continuer de créer la fausse impression que l’Afrique est un endroit sans espoir avec des gens paresseux qui ne peut être sauvé que par l’homme blanc. Ce que l’on voit souvent, c’est un homme blanc qui aide l’Afrique ou un étranger qui réalise un changement en Afrique. C’est mauvais. Et cela perpétue le sentiment que les Africains sont incapables de résoudre leur problème par eux-mêmes, et renforce dans l’esprit des jeunes la mentalité «l’homme blanc vu comme un sauveur». Très mauvais !
4. Les frontières coloniales
Les frontières actuelles des pays africains sont des absurdités. Une étude réalisée dans les années 70 a montré que le commerce intra-africain était moins élevé qu’avant la colonisation (Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique). La situation n’a pas beaucoup changé depuis. Il n’y a pas de solution immédiate, mais des initiatives comme le passeport ou le Visa africain amélioreraient grandement la circulation des personnes et augmenteraient le potentiel d’échanges intellectuels et commerciaux.
5. L’ignorance des livres de Machiavel, de Hegel et du Darwinisme
L’élite occidentale qui domine actuellement le monde dispose de 3 grandes influences intellectuelles :
Machiavel : Comment diriger les gens avec cynisme et tromperie,
Hegel : Utiliser la dialectique hégélienne de l’histoire qui considère la civilisation occidentale comme la « fin de l’histoire » et,
Darwin : La survie appartient à l’espèce la plus convenable, donc la race blanche doit rester au sommet et se prononcer sur les autres races.
Celui qui veut comprendre les principes intellectuels qui façonnent notre monde actuel, devrait comprendre en profondeur les trois auteurs ci-dessus et leur influence sur l’élite occidentale. Maya Angelou conseille toujours l’élite afro-américaine de lire Le prince de Machiavel, parce que, dit-elle, sans une bonne compréhension de ce livre, vous ne comprendrez pas l’élite occidentale. Le Prince est leur livre de chevet. Il contient le principe fondamental qui s’applique à tout impérialiste : «Si vous voulez contrôler le peuple, séparer les gens et vous pourrez les exclure. Divisez-les et vous pourrez les vaincre». L’ignorance par l’élite africaine des principes par lesquels l’élite occidentale pense et agit est une cause majeure de leur naïveté permanente et de leur incompétence.
6. La mentalité de subalterne riche
Il existe deux types de personnes en Afrique, ceux qui n’arrivent pas à gagner leur vie indépendamment de combien ils y ont investi, et ceux qui ont un train de vie somptueux et des privilèges même en contribuant très peu. Le premier groupe est composé de ceux qui n’ont pas de contact avec les gens «blancs», et le second est composé de personnes qui sont en contact avec des personnes «blanches». Si vous vivez en Afrique ou connaissez certains personnes africaines, faites une liste de 10 personnes que vous connaissez ou dont vous avez entendu parler qui ont une «bonne vie» et des privilèges sociaux. Vous allez vite découvrir que 90 % de ceux qui ont une bonne vie sont des gens qui travaillent pour le «blanc» ou avec le «blanc». Ils servent des sociétés appartenant ou contrôlées par des étrangers, des organisations ou des Ong étrangères en Afrique. Ils ont de grandes maisons, de belles voitures, du personnel de maison, et jouissent d’un statut social élevé et de privilèges. Je les appelle les «subalternes riches» ou les «subalternes sélectionnés». («Blanc» en Afrique est utilisé pour «Européen», «Chinois», «Libanais», «Américain», etc. Dans le cadre de cet article, il pourrait facilement être remplacé par «Etranger»). Quel est le problème ? Le problème est que vous ne pouvez pas développer un pays ou un continent dans lequel la majorité des gens qui ont le potentiel de devenir des leaders sont élevés comme des «bons sous-officiers» pour réussir. Les jeunes aspirent à imiter les modèles les plus réussis dans leur société, et maintenant le seul modèle visible et tangible disponible est le modèle de riche subalterne. Il n’y aurait pas de problème avec le modèle des subalternes riches si ce groupe de la population n’était pas principalement composé de personnes «non productives» travaillant à des postes de cadres intermédiaires. Les cadres intermédiaires dans le bureau ne créent pas des entreprises, ils ne créent pas de valeur, ils ne créent pas d’emplois, ils n’inventent pas, n’innovent pas et n’agissent pas en position de leader avec le pouvoir de changer les choses.
7. L’absence de formation locale en leadership
L’Afrique n’est pas pauvre, l’Afrique a un problème de leadership. Pour qu’une société prospère, il doit y exister un système endogène d’identification, de formation et d’encadrement de ses futurs dirigeants. Certains pays le font à travers leurs services militaires, certains le font par le biais des écoles d’élites, et d’autres le font par le coaching informel et les organisations d’aide ou les sociétés secrètes. Le principal problème sur le leadership en Afrique n’est pas la qualité de ses individus, mais la qualité de ses groupes d’individus. Individuellement, il y a beaucoup de gens brillants, mais collectivement, ils ne parviennent pas à travailler ensemble harmonieusement sur une vision à long terme, ni à s’engager avec intégrité et loyauté envers leur pays ou sur une vision à long terme. La raison derrière cet échec est que la plupart de ces dits dirigeants sont formés en dehors de leur pays et de son contexte, par des personnes qui n’ont pas la connaissance du contexte dans lequel leurs compétences en leadership s’appliquent. En outre, étant donné l’hétérogénéité des systèmes dans lesquels ils ont formés, il est difficile de les faire bien travailler ensemble.
8. Manque de formation en Sciences & Ingénierie
Une étude réalisée il y a quelques années à l’université de Stanford (j’ai du mal à trouver ma source) a démontré comment les puissances coloniales ont tendance à réduire considérablement l’étude de la science et de l’ingénierie dans les pays qu’ils ont occupés. Ils seraient favorables à la littérature et autres études subalternes qui rendraient les diplômés juste assez bons pour les aider dans la gestion des colonies ou des pays occupés. Résultat : l’Afrique a beaucoup de «beaux parleurs», des personnes à prouesse oratoire. Maintenant, nous n’avons pas besoin de plus d’avocats, de sociologues, de philosophes, mais plus de scientifiques et d’ingénieurs.
9. Manque de réseau de renseignement international
La connaissance du monde de l’Afrique est très limitée. La plupart de mes compatriotes africains ont une idée limitée du monde dans lequel ils vivent, particulièrement sur les forces et les tendances qui le façonnent. Ce manque d’intelligence est mauvais, car il laisse le continent ignorant des événements et des changements qui pourraient l’affecter.
10. La mentalité du crabe
Si vous mettez plusieurs crabes dans un seau, et si l’un d’eux commence à ramper sur le côté, un ou plusieurs des autres crabes le poussent vers le bas pour l’empêcher de fuir. Cela s’appelle la mentalité du crabe. C’est une bonne métaphore pour que nous, Africains, puissions s’unir et créer des réseaux forts qui se soutiennent mutuellement, tout en évitant les chèvres de Judas.
Mawuna Remarque Koutonin est un activiste social, éditeur de SiliconAfrica.com