Hommes d’affaires véreux, avocats et magistrats indélicats, tortionnaires … envahissent les loges
Par essence, la franc-maçonnerie est une société où des hommes de toutes conditions, de toutes origines et de toutes religions, croyances ou philosophies se témoignent la plus sincère amitié et où ils conjuguent leurs efforts en vue de la construction du Temple idéal de la Vérité, de la Justice et de la Concorde. Compte tenu des valeurs proclamées, n’y entre pas qui veut. Mais en Afrique et plus particulièrement au Togo, la franc-maçonnerie est devenue le lieu de refuge des hommes d’affaires véreux, des tortionnaires, des avocats et magistrats excellant dans les affaires louches, des sicaires, des trafiquants de tout acabit, des jeunes voulant s’enrichir, etc. Ainsi, les francs-maçons ont pris en otage tout le pays et oeuvrent pour la pérennisation de la dictature monarchique au Togo en vue de se protéger et protéger leurs intérêts.
Franc-maçonnerie, son origine et ses valeurs
Selon les recherches effectuées sur la toile, la franc-maçonnerie est une société initiatique et philosophique. Elle prodigue un enseignement ésotérique, progressif à l’aide de symboles et de rituels. Ses origines se perdent dans la nuit des temps. Les manuscrits les plus anciens datent du 14ème siècle mais la tradition maçonnique remonte jusqu’aux sociétés et écoles de mystères de l’antiquité. Ses débuts modernes, cependant, datent de 1717 alors que quatre loges londoniennes se donnèrent une structure administrative (appelée Grande Loge) afin d’organiser plus efficacement l’évolution du mouvement. Dès lors, débuta une expansion phénoménale de l’Ordre, d’abord en Europe, ensuite dans les colonies et à travers le monde.
La Franc-maçonnerie demande à ses membres d’agir sur le monde en vue d’y incarner les valeurs maçonniques qui le rendront plus juste et plus fraternel. Elle propose une éthique basée sur l’autonomie de la conscience, la volonté de pratiquer la fraternité dans un esprit d’égalité, l’ouverture aux autres, l’écoute et la compréhension, la tolérance qui permettra l’expression de toutes les opinions sincères et désintéressées, la remise en question permanente, l’honnêteté avec soi-même, le libre examen, l’esprit critique, le rejet de tout dogme, l’ouverture aux idées nouvelles dans un esprit d’humanisme multiculturel et universel, la foi dans le progrès et la perfectibilité de l’homme. L’adhésion à ces valeurs, l’acceptation de la méthode initiatique et la pratique de la discrétion qui en est la condition de réussite, constituent, en fait, le seul engagement qui est demandé aux francs-maçons, apprend-on.
Fort de ces valeurs humanistes, les francs-maçons ne doivent pas vivre en marge des difficultés de leur temps et de leur pays. « Le franc-maçon se doit de participer à l’amélioration de la société dans laquelle il vit. Le Rite Opératif de Salomon incite chaque franc-maçon à œuvrer « sur le forum », c’est-à-dire dans la vie de tous les jours, mais laisse à chacun des Sœurs et Frères le choix de son action. La Loge est un creuset de vitalité mais l’utilisation de cette vitalité pour l’amélioration de la condition des hommes relève de la responsabilité de chaque Franc-maçon », écrit l’Ordre initiatique et traditionnel de l’art royal sur son site Internet (oitar.info). Selon les informations, c’est la franc-maçonnerie qui aurait organisé en sous-main la Révolution française de 1789 dont toute la planète entière continue de savourer les retombées. Il ressort en outre de nos recherches que de très nombreuses personnalités ont appartenu à la franc-maçonnerie. Les plus connues et les plus souvent citées sont Benjamin Franklin, Voltaire, initié quelques semaines avant sa mort, Frédéric II, Goethe, Mozart, George Washington, Jules Ferry, Théodore Roosevelt, Simon Bolivar ou le duc de Kent.
Franc-maçonnerie en Afrique
La première loge en terre africaine a été créée en 1781 à Saint-Louis du Sénégal par le Grand-Orient de France. « A l’époque, les populations locales, qui étaient assujetties, ne pouvaient guère se retrouver dans ce type de «cercle». Et pour les colons, il s’agissait surtout de prolonger le mode de vie européen sous les tropiques », décrit « slate.fr ». Mais avec le temps, elle s’ouvre peu à peu aux colonisés. C’est ainsi que l’émir algérien Abd El Kader fut reçu maçon en 1864 au Grand Orient (GO), lequel voulait lui manifester la reconnaissance des Français pour la protection qu’il avait accordée, dans son exil syrien, aux chrétiens de Damas lors des massacres de 1860. Et avec les indépendances, la franc-maçonnerie a commencé à se répandre sur le continent. « Pourquoi la franc-maçonnerie a-t-elle prospéré en Afrique noire? On peut avancer sans doute que les sociétés secrètes sont familières aux Africains : il en existe dans la plupart des communautés villageoises, où, selon des ethnologues comme le Père Eric de Rosny, elles représentent un contrepoids efficace à la puissance des chefs traditionnels. Il est probable aussi que, à l’époque coloniale, les Africains qui « entraient » en maçonnerie – et qui appartenaient, pour la plupart, à l’intelligentsia – y voyaient un moyen de promotion sociale, puisque leur admission dans une loge les plaçait à égalité avec les Blancs au sein de l’obédience », explique le journaliste français Claude Wauthier dans un article publié en 1997 dans « Le Monde diplomatique ».
Au Bénin, c’est la franc-maçonnerie qui a été à l’origine du renversement du marxisme maladroit de Mathieu Kérékou et de la Conférence nationale qui a ouvert la voie à la démocratisation du pays. Dans le même sillage, à en croire le journaliste Wauthier, les francs-maçons du Togo ont tenté, en 1993, de réconcilier le Rassemblement du peuple togolais (RPT) du président Eyadema et ses opposants lors d’une rencontre organisée à Paris au siège du Grand Orient. Une négociation qui avait lamentablement échoué comme ce fut le cas entre Pascal Lissouba (GO) et Denis Sassou Nguesso qui appartenait à une loge sénégalaise affiliée à la Grande Loge nationale française (GLNF).
En dehors de ces petites missions, le reste du tableau est noir. La franc-maçonnerie est devenue le socle des nombreux régimes répressifs qui écument le continent africain. « Tous les jours, une loge maçonnique ouvre ses portes sous les tropiques, avec à sa tête, un Pol Pot noir, dont les mains sont totalement recouvertes de sang. Au lieu de livres philosophiques, ils préfèrent méditer sur des mémentos dans lesquels on apprend à trafiquer les constitutions des républiques bananières, afin de se maintenir ad vitam æternam au pouvoir […] Aucun dictateur Africain franc-maçon, toute loge confondue, n’a jamais été exclu de sa loge, à cause d’abominables souffrances infligées à son peuple. Je ne vois donc pas où est l’humanité ou la fraternité, dont se réclament les francs-maçons », dénonce l’historiographe et chercheur congolais Ngombulu Lascony dans une réflexion publiée en 2009 sur la franc-maçonnerie. Et à « slate.fr » d’ajouter : « En Afrique plus qu’ailleurs, l’existence même d’une maçonnerie dite «élitiste», ne peut que renforcer la confiscation du pouvoir, et son corollaire, l’accaparement des richesses. […] Une autre conséquence de cet «élitisme maçonnique», c’est par exemple l’idée selon laquelle le népotisme et le clientélisme seraient dus à la franc-maçonnerie. Beaucoup finissent donc par penser que pour réussir, il faut impérativement être franc-maçon. C’est notamment à partir de là que naissent les fantasmes les plus fous ».
Le Togo, otage de la franc-maçonnerie
« Pour devenir franc-maçon, il faut être majeur ainsi que libre et de bonnes mœurs, se traduisant parfois par l’examen du casier judiciaire. En plus, une sérieuse enquête de moralité est faite. Mais aujourd’hui au Togo, c’est « Monsieur ou Madame tout le monde » qui rentre dans les loges. Les gens y vont désormais pour avoir une bonne situation sociale », déplore un ancien cadre de banque qui affirme s’être mis en retrait depuis quelques années. Soit dit en passant, il existe au Togo le Grand Orient et La Grande Loge nationale togolaise (GNLT) proche de la Grande Loge nationale française (GLNF).
« J’ai lu beaucoup de livres sur la franc-maçonnerie mais ce qui se fait dans notre pays pose un réel problème, confie un enseignant de philosophie au lycée. Je connais très peu de francs-maçons togolais qui s’imprègnent des valeurs que professe leur obédience, à savoir, la fraternité, la solidarité, l’honnêteté. En plus, aucun signe de sagesse et de maturité n’est perceptible chez la plupart d’entre eux. Ils excellent plutôt dans la vanité, l’arrogance, le mépris, le mensonge, les coups bas, etc. Et comme ce sont eux qui contrôlent tous les leviers du pouvoir, ce n’est pas aujourd’hui que le Togo prendra son envol ».
En réalité, les valeurs humanistes développées par la franc-maçonnerie sont galvaudées. Ici, est maçon qui veut. Si la cooptation est de coutume, chacun est cependant libre de déposer sa candidature. Mais il se pose la question de savoir ce que gagne un « frère de la lumière » en ayant un plus grand nombre de personnes cooptées. Tant, certains versent dans le harcèlement, renforçant ainsi les a priori que les profanes ont de la chose. « Je pense que l’initiation en franc-maçonnerie doit être un acte volontaire même si elle se fait par cooptation. Il y en a qui non seulement harcèlent les gens, mais aussi leur font miroiter un futur radieux au lieu de les sensibiliser sur les valeurs qu’incarne la franc-maçonnerie. Ainsi, on y entre non pas avec le cœur qui va œuvrer pour le progrès de l’humanité, mais avec les poches vides, histoire de les remplir rapidement par le biais de la fameuse « solidarité maçonnique », relate un jeune informaticien. C’est très connu au Togo que pour se faire embaucher ou connaître la promotion dans certaines sociétés ou institutions bancaires, il faut être maçon jusqu’à la moelle. Même si au départ vous résistez, vous finirez par céder à force de voir vos collègues gravir les échelons, construire des maisons et rouler dans les véhicules dernier cri.
Les « bonnes mœurs » tant proclamées ont abandonné les différentes loges togolaises. Les hommes d’affaires véreux, les tortionnaires, les avocats et magistrats qui brillent dans les magouilles, les sicaires, les trafiquants de tout acabit, les partisans de moindre effort, etc. y trouvent désormais leur compte. Dans un pays qui n’est pas dirigé, ce sont ces « frères de la lumière » à la togolaise qui font la loi. Ainsi, c’est dans les loges que se font les manœuvres politiques, que se règlent les problèmes du monde des affaires et que se décide le verdict des simulacres de procès. C’est un véritable réseau qui a pris en otage tout le pays. Par exemple, certains avocats très « droitdelhommistes » ont, à force d’être intégrés dans le réseau, fini par tourner casaque et sont aujourd’hui ceux qui défendent Faure Gnassingbé et ses « amis » dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat et la multitude de procès intentés contre les journalistes. Il existe également des officiers supérieurs des FAT qui, bien qu’ayant les mains souillées de sang, sont des maçons.
De ce fait, tous ces gens ne sont pas prêts pour un changement de régime au Togo. Ceux qu’on appelle les « frères de la lumière », s’escriment à maintenir le pays dans l’« ombre » en s’adossant à la dictature de père en fils. Dans cette dynamique, ils ne lésinent pas sur les moyens pour appuyer la campagne électorale du « fils de la nation ».
R. Kédjagni Liberte hebdo