Tout va bien, le bateau ivoire va à la dérive, mais une dérive contrôlée, le Conseil Constitutionnel s’en porte garant
Le pardon. Nous avions déjà eu la version Soro; voici très brièvement celle d’Ado qui troque son suffixe « solutions » de la dernière campagne, pour un préfixe plus modeste « avec Ado ». C’était il y a une semaine, lors d’un meeting à Abidjan. Les médias ont rapporté quelques phrases du président-candidat-président. « Faites comme si vous n’aviez rien vécu dans le passé, quelles qu’aient été les offenses et les humiliations. »
En somme, rembobinez le film, coupez la partie problématique, retirez les morts, les blessés, les disparus, les enfants déscolarisés, les prisonniers, les familles décimées, les hôpitaux mouroirs, la corruption, l’absence de travail. Tout va bien, le bateau ivoire va à la dérive, mais une dérive contrôlée, le Conseil Constitutionnel s’en porte garant. La séquence tristesse est retirée, place au pur bonheur, aux opérations de charité de Dame Ouattara via les caisses de l’état, dans les localités amies.
M. Ouattara a appelé de ses voeux « une transformation non seulement de l’économie, mais aussi des mentalités ». Ainsi donc, les « solutions » n’ayant pas convaincu, place maintenant aux « vœux » qui vont transformer d’un coup de magique la mer houleuse et amener le bateau à bon port. Place au Père Noël en avance de deux mois et à ses fidèles assistants pour lobotomiser, couper, déraciner les vilains fauteurs de troubles républicains, réjouissons nous, car ce joli monde nous promet demain ce qui ne peut être visible qu’après demain, à cause des dettes accumulées et de la grande braderie passée qui n’a plus grand chose à solder. « Avec Ado » et vous aurez un joli cadre repeint, comme les universités, un cadre « photoshopé », où tout le monde sourit, joue à la poupée et applaudit bien fort le couple franco-ivoirien qui va passer très haut la barre, habitué qu’il est du saut des clôtures.
Mais celui qui s’est fixé un score sans appel dès le premier tour, très certainement souffre de quelques problèmes de mémoire. Certes ils sont moins visibles que sa sciatique émergente, mais comment veut-il nous faire croire qu’il est un homme bon, qu’il n’est pour rien dans l’emprisonnement d’un Assoua Adou, par exemple, propos tenus lors de sa dernière conférence de presse dans l’Indénié. Faut-il vraiment croire que ce sont ses ministres qui enlèvent les citoyens sans mandat d’arrêt, qu’il n’est au courant de rien, qu’il leur fait confiance pour que tout se passe bien, et que les emprisonnés sont forcément des hommes et des femmes dangereux. Comment peut-il encore rappeler les exilés à la maison, alors que ceux-ci se font embarquer par les hommes de Hamed Bakayoko dès qu’ils exercent leur droit de parole? Finalement c’est encore la Maca et autres sinistres prisons qui recrutent le plus de candidats, car comme l’écrivait une amie. » Pôle emploi en Côte d’Ivoire, c’est la Maca ». Plus que jamais dans les semaines à venir, avant cette date du 25 octobre, gageons que le plus grand employeur de Côte d’Ivoire va encore se manifester et recruter à tour de bras. A moins que le peuple, enfin lassé, ose inviter gratuitement tous les Ivoiriens pour tourner un nouveau film, sans séquences coupées, en sortant dans la rue et en ouvrant les prisons, afin que les vrais tyrans puissent enfin y prendre place.
Shlomit Abel, 20 septembre 2015
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