Le mensonge…Le plus grand problème de l’opposition togolaise

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La Tortue.- Veux-tu un gri-gri pour te rendre chez ton beau-père ?

 Agbo.-Je me moque de ton gri-gri et de toi-même. Moi, Agbo-Kpanzo, je n’ai peur de rien

( Il fait quelques pas, puis revient. )

Mais, ton gri-gri. Qu’est-ce que c’est ?

La tortue.-Mais, tu n’as peur de rien.

Agbo.-Dis toujours, on verra.

La Tortue.-Qui tend le piège du mensonge y tombera lui-même.

Agbo.-( répétant ) Qui tend le piège du mensonge y tombera lui-même. ( Il rit après un temps )

Dans la pièce, la Tortue représente la conscience, bien sûr. L’adversaire que Agbo-Kpanzo, le personnage central, se prépare à rencontrer, non sans appréhension et angoisse,Podogan, est un homme au caractère retors,un pêcheur en eau trouble, un expert en mensonge, intrigues et magouilles de toutes sortes. Comment donc aller à une rencontre avec un tel homme, en endossant, en s’encombrant des mêmes armes que ce dernier sait si bien manipuler?

J’ai bien l’impression que c’est cela le grand problème de notre opposition, et que c’est pour cela qu’elle échoue toujours. Depuis que des Togolais font fonction d’opposants, en avez-vous vu qui, à l’approche d’une consultation électorale, d’une négociation, d’un « dialogue », pour employer un terme à la mode, nous disent sans ambages que c’est pour, après, collaborer avec le pouvoir, entrer au gouvernement, avoir un siège de député, en tout cas, hériter d’une fonction bien rémunérée( non pour le peuple, mais pour eux-mêmes), même dans les eaux les plus troubles, les plus fangeuses, même dans le bourbier ? Et pourtant, c’est bien ce qu’ils font tous ou presque. Le piège du mensonge, ce n’est pas au pouvoir qu’ils le tendent. Ils n’en sont pas capables. Mais c’est au peuple togolais, tout en jurant qu’ils voudraient chasser le clan Gnassingbé, qu’ils n’avaient d’autre ambition que d’instaurer l’alternance politique, de nous faire entrer dans l’ère de la bonne gouvernance, de fonder une société  togolaise nouvelle . Ils font ainsi écho, sans le savoir ou sciemment, au discours barbant du pouvoir qui répète s’attacher : «  à garder le cap des réformes, à consolider les progrès démocratiques, à promouvoir le respect des droits humains et à faire de la bonne gouvernance une valeur transversale de la culture togolaise » .  En écoutant nos opposants, les tenants du pouvoir doivent rigoler. Ils savent que sur ce terrain des pièges du mensonge, ils sont les plus forts. Et, comme cela arrive souvent, que se passe-t-il quand les opposants ou soi-disant tels se tendent les pièges les uns aux autres et qu’ils s’y précipitent les uns après les autres, ou ensemble? Naturellement, c’est le cataclysme aux élections.

Évidemment, on ne peut en vouloir à ces seuls messieurs et dames, puisque beaucoup de nos compatriotes cultivent l’art des pièges qu’ils appellent à tort ou à raison, l’habileté (bibi e woe ! dit-on en mina), confondant, mélangeant, ou combinant énergie, vivacité, savoir-faire, d’un côté, avec, de l’autre, mensonges, fraudes, manigances, intrigues… choses dans lesquelles on ne saurait faire tomber le régime, puisqu’il possède des experts dans ces domaines.

La prochaine occasion de piège, avant ou après les présidentielles( nul ne sait vraiment quand), c’est, semble-t-il, les locales, ou ce qui en tiendra lieu : comme l’insinuaient certains, d’abord, il n’y aurait pas d’élections,  mais opposition et pouvoir se partageraient les postes(dernière trouvaille !). Puis Gnassingbé vient de dire qu’il y en aura. Dans tous les cas, il y aurait  à manger pour tous. Pourquoi se battre encore ? Pourquoi même y aurait-il encore une opposition ? La boucle serait bouclée si les Togolais de l’étranger adhéraient, ou faisaient simplement semblant d’adhérer (cela fait partie du jeu) au « Programme gouvernemental de la Diaspora ».

Voilà un monde où tout le monde sera gentil, c’est-à-dire tranquille, c’est-à-dire pris au piège des avantages personnels.

Il faut chercher une autre voie, un autre piège. Entre piège, emɔ`, et voie, emɔ´, il n’y a qu’une différence d’intonation, mais cette différence est capitale.

Et surtout, entre vérité  et mensonge au peuple, il n’y a aucun lien, aucune voie, même détournée qui mènerait de l’une à l’autre.

Quelqu’un m’a dit, au sujet d’un homme que je prenais pour un opposant  et qui maintenant détient une carte d’UNIR : «  E tchã la gbõ zãđea » ( il va pouvoir respirer bientôt, lui aussi ). Pouvoir respirer comme beaucoup d’autres qui possèdent ce que nous considérons comme des privilèges dans notre société ! Évidemment, à quoi aspire le nez, sinon à respirer ? ( nukɛ ŋõti le dji wu gbõgbõ o ?). Mais, l’homme intègre se posera la question de savoir quelle sorte d’air il respire.

Toute la question est là. Quand viendra l’ère du Togolais intègre, de l’opposant intègre qui ne tend pas le piège du mensonge, qui ne pêche pas dans n’importe quelle eau trouble, qui ne se vautre pas dans le bourbier, qui sait discerner l’air vicié de l’air sain?

Non loin de chez nous, un homme avait eu une lumineuse vision: faire progressivement de ses concitoyens des hommes intègres. Mais, depuis que cet homme, assassiné, a été noyé dans son propre sang, à l’instigation de celui qu’il considérait comme un ami, mais qui,  en fait, était un traître, un partisan du piège du mensonge, intrigant et spécialiste en fraudes, qu’est devenue cette vision?

Et, quand on pense que c’est ce spécialiste des pièges du mensonge qui fait office de maître à penser dans notre sous région, il y a bien là un sujet de préoccupation pour les Africains qui envisagent la politique autrement. Bien sûr, le nom est resté au Pays des Hommes Intègres, mais n’est-ce pas un peu comme une coquille vide? Pendant combien de temps restera-t-elle encore vide, jusqu’à l’avènement des hommes intègres au pouvoir ? Seuls les Togolais intègres, les Africains intègres ne tomberont pas dans les pièges du mensonge posés par les régimes fourbes.

Alors, viendront alternance, bonne gouvernance, changement auxquels nous aspirons. Alors, le système tombera lui-même dans le piège qu’il a tendu au peuple. Ou il tombera tout court.

Il n’y a pas de gri-gri pour aller à la rencontre d’un adversaire, d’un système au caractère retors, sinon la volonté de ne pas utiliser les mêmes armes du mensonge que lui. Il n’y a pas de gri-gri pour transformer notre pays, notre continent, en une terre des hommes intègres, sinon la décision d’être les uns et les autres vrais avec notre conscience et vrais avec nos peuples.

Sénouvo Agbota ZINSOU

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