Je crains fort qu’Affi ne soit déja un « has been » pour les tireurs de ficelles occidentaux
Pascal Affi N’Guessan dans ces dernières rencontres a dévoilé son jeu: il veut se présenter aux élections, il a toutes ses chances, d’autant plus que Ouattara serait inéligible. Il le ferait même pour Laurent Gbagbo, qu’il veut sauver des griffes de la CPI, pour que ce dernier ait plus de chances de sortir de prison, si lui Affi arrivait à briguer la magistrature suprême.
Des soutiens fuseraient de partout, les femmes, dont le nombre ne nous est pas connu ont même célébré leur héros à la Saint Valentin, manière surprenante d’apporter son soutien, à la manière de certaines préadolescentes, fan de chanteurs à la mode, et qui se pâment d’amour pour leur idole; la jeunesse est aussi venue lui prêter allégeance, une jeunesse embarquée dans le bateau de Konaté Navigué, qui suit docilement la trace du héro de Bouna, alors qu’une jeunesse plus conscientisée se reconnait davantage en Koua Justin, l’intérimaire talentueux qui refuse le compromis. Affi nous a promis un comité central le 7 mars, mais devant les divisions et les querelles, voire les tentatives de lynchages, les blessés, -tout cela rapporté dans Notre Voie-, le congrès, et plus près de nous, le comité central s’éloignent chaque jour un peu plus. La guerre des communiqués fait rage, l’organe officiel du parti, censé monter « la voie » à suivre, ressemble à une voix qui prêche dans le désert, et certains Ivoiriens biens renseignés nous affirment que son audience aurait chuté drastiquement depuis la reprise en main par Marcel Gossio et une nouvelle direction plus étroite, directement liée à la Com du Président du parti.
Tout va bien en somme, Affi semble remonter la pente, les chefs sont venus s’excuser du comportement fougueux et impétueux de la jeunesse qui aurait failli le lyncher lors de la veillée funèbre en l’honneur de Gado Marguerite, la mère du Président Gbagbo, les fédéraux reviendraient au bercail, les femmes et les jeunes sont acquis. Affi sourit à la vie, même s’il comparait en ce moment aux Assises avec 82 autres « pro-gbagbo. »
Et pourtant, il me semble qu’un plan C est déjà en marche; L’après Gbagbo envisagé avec Mamadou Koulibaly, puis maintenant avec Affi, se heurte au refus d’une grande partie du peuple restée fidèle au Président Gbagbo. Affi, comme l’ancien président de l’Assemblée Nationale est trop ambigu et n’arrive pas à fédérer l’ancienne majorité présidentielle. Il plaisait tant qu’il avait l’aval du Chef, tant qu’il représentait les intérêts du Chef, la vison du Chef, le souci constant des prisonniers, des exilés, des sans-voix; Son silence lors des arrestations de certains lieders rentrés d’exil, sa manière peu collégiale de comprendre son rôle, son empressement à renouer avec les gouvernement au point même de se renier à propos de la CEI et de la participation aux élections, tout cela a creusé un fossé abyssal, malgré ses appels au calme, ses appels aux retrouvailles. Son » venez et discutons » n’est qu’un pâle écho, presque inaudible de la célèbre parole du Chef.
Alors l’Occident est obligé de revoir ses plans, et de dévoiler un nouveau Joker : Essy Amara, supposé maintenant réunir tous les frustrés, ceux de Laurent Gbagbo qui n’auraient pas signé un blanc sein à Affi, les aigris et déçus du RDR et bien sûr tous les PDCI grugés et manipulés par un Bédié en fin de carrière, et qui n’ont pas été convaincus par la molle prestation d’un Konan Banny à la CDVR, suite peu convaincante déja d’un passage comme ministre qui n’a pas laissé les meilleurs souvenirs…
Je crains fort qu’Affi ne soit déja un « has been » pour les tireurs de ficelles occidentaux. Le chef de file du parti fondé par Laurent Gbagbo les intéresse encore pour le moment, parce que la guéguerre au sein du FPI les arrange. L’attente de ce comité central le 7 mars, puis du congrès qui ne vient jamais, occupe tous ces braves gens de l’opposition, et donne du répit à la France, toujours en train de battre les cartes en vue d’une nouvelle redistribution…
En attendant de peaufiner la campagne interne et externe de l’ancien ambassadeur sans casseroles, pas très connu du grand public mais doté d’une bonne respectabilité, la carte Essy Amara, -qui avait, rappelons-le déjà l’aval des Américains contre Affi, le choix des Français- va être brandie. Le désir de l’Occident sera peut-être comblé : trouver un candidat respectable, âgé, donc expérimenté, mais sans grande expérience politique sur le terrain, donc apparemment plus malléable, et qui pourrait entrainer l’adhésion du plus grand nombre. Bien sûr, avec lui on ne mettrait pas l’accent sur l’empathie et l’affection pour un lieder plus charismatique, qui aurait bénéficié en plus de la confiance et de l’affection de son peuple, et qui nous aurait rejoué une politique ivoirienne trop inclusive. Non, le futur partenariat, officiellement « gagnant-gagnant », doit rester piloté sous l’égide occidentale, il ne saurait être confié à un Ivoirien trop désireux d’œuvrer pour arracher enfin l’indépendance, qui parait-il existe depuis plus de 50 ans dans les livres d’histoire ! La préoccupation maintenant de la France, c’est, dans cette lutte avec les États-Unis pour la suprématie sur la Côte d’Ivoire, de ne pas se faire coiffer au poteau, afin de garder son pré carré qui s’appelle dorénavant nouvelle Côte d’Ivoire émergente, bientôt, bientôt!
Un reportage de janvier 2015 sur les cantines scolaires à Mayotte, territoire français d’outremer où les enfants mangent encore à même le sol, assis en tailleur, devrait convaincre les Ivoiriens qu’ils ont bien raison de confier leur destin à des potiches ivoiriennes dirigées par cette France qui ne leur veut que du bien!
Shlomit Abel, 20 février 2015