Question : On vous accuse aussi d’avoir tué !
Réponse : « Oui, j’entends les gens le dire. Ils auraient peut-être aimé qu’on ne se défende pas depuis 2002. Qui a introduit la violence en politique dans notre pays ? Quand vous armez des marcheurs qui attaquent les forces de l’ordre, il faut aussi accepter qu’il en meure quelques uns dans le maintien de l’ordre ! Les policiers, militaires et gendarmes égorgés souvent lâchement, est-ce de mon fait? »
NT : Comment allez-vous monsieur le président?
LG : Ça va… Et chez vous?
NT : Je vais bien, merci.
LG : Je voudrais avant tout m’incliner devant les dépouilles des victimes sans exclusive, et manifester ma compassion à tous ceux qui ont perdus un être cher pendant cette guerre absurde qu’aucun démocrate n’aurait permis. Que Dieu soit avec eux en ces moments difficiles. Soyons forts dans cette autre épreuve qui nous a été imposée par l’adversaire. Il n’y a rien qui soit qui n’ait pas de fin ici bas.
NT : Pouvez-vous, pour le besoin de l’interview, nous expliquer, comment se fait-il que vous avez un téléphone alors que vous êtes censés ne pas en disposer?
LG : Quelqu’un a du l’oublier ici. Je l’ai entendu sonner, je me suis gardé de répondre. Et puis voilà, l’idée m’est venue de contacter quelques personnes dont vous. (rires)
NT : Avez-vous une idée de votre lieu d’incarcération?
LG : Posez la question à ceux qui me tiennent prisonnier.
NT : Votre vie est-elle en danger?
LG : On a beau appréhender le danger, c’est celui qui vous l’apporte qui est déterminant dans son évaluation. Est-ce que celui qui me tient prisonnier ici est-il un homme dangereux? Seule la réponse à cette question vous situera.
NT : Vous a-t-on signifié le ou les chefs d’accusation justifiant de votre arrestation?
LG : Non. J’attends toujours de le savoir.
NT : Le premier ministre Soro dit que vous aurez pu éviter ce gâchis, j’emploie son propre terme, en acceptant l’exil doré.
LG : C’est vrai que nous aurions pu. Mais en acceptant uniquement le recomptage des voix. Au lieu de cela, ils ont malheureusement choisi la voie des armes par laquelle ils sont venus en 2002. Je ne suis pas rentré en politique pour le gout du luxe. Mais plutôt pour défendre mes idées que je trouve justes et bonnes pour mes compatriotes. Mes origines modestes font de moi quelqu’un de très peu attaché au confort royal. Si je me suis refusé à m’offrir un seul petit appartement en occident, ce n’est pas après mon exercice du pouvoir que l’envie me viendrait d’y aller vivre ! Je me sens mieux dans mon pays. Évitons donc de réduire l’africain au seul goût du luxe. La maison qu’ils ont aidé à détruire est la propriété de l’Etat de Cote d’Ivoire, tout comme son contenu qui aurait servi à tous ceux qui se succèderont à la tête de notre pays. Ce n’est pas moi qui l’ai construite et encore moins meublée.
NT : Que dites-vous de ces images humiliantes de vous qui ont fait le tour du monde?
LG : Vous savez, ce que vous appelez humiliation et moi avons peut-être en commun un chemin. (rires) Ce n’est pas la première fois que ma vie la croise. C’est d’ailleurs la deuxième fois, pour ceux qui l’ignorent, que Ouattara nous la sert, ma femme, mon fils et moi. Sauf que cette fois-ci il y a ajouté d’autres membres de ma famille, mes collaborateurs et mes partisans. Est-ce une manière pour lui de me remercier, moi, qui n’ai jamais voulu toucher à un seul de ses cheveux? Je n’en sais rien. (rire) C’est quand vous vous prenez pour mieux que tous que vous êtes malheureux d’être humilié. Honnêtement, je n’ai pas de problème avec ça. Personne ne me reprochera de n’avoir pas été moi-même au-delà de ma fonction de président de la république. Certains m’en voulaient de ne pas les regarder de haut. En avaient-ils besoin pour se sentir inférieurs? Être président n’est pas une fin en soi. Un président de la république est un être humain comme vous et moi. Vouloir lui dénier cette qualité, c’est l’aider à se prendre pour ce qu’il n’est pas. Voici comment on construit un dictateur qui après vous terrorise.
NT : En face on vous accuse aussi d’avoir tué !
LG : Oui, j’entends les gens le dire. Ils auraient peut-être aimé qu’on ne se défende pas depuis 2002. Qui a introduit la violence en politique dans notre pays ? Quand vous armez des marcheurs qui attaquent les forces de l’ordre, il faut aussi accepter qu’il en meurt quelques-uns dans le maintien de l’ordre ! Les policiers, militaires et gendarmes égorgés souvent lâchement, est-ce de mon fait? La présente chasse ouverte à l’homme, les viols, les ivoiriens qui ont perdu leurs biens… c’est peut-être aussi moi ! Soyons sérieux, et que les autres ne me voient pas dans leur miroir. Dire de Gbagbo qu’il est un dictateur n’empêchera pas nos compatriotes de nommer leur bourreau.
NT : Ne sentez-vous pas trahi par tous ces pasteurs qui vous entouraient?
LG : Ce serait simpliste que de croire qu’un président ne sait pas dissocier sa foi de sa fonction. Maintenant, si vous me demandez ai-je honte de ma croyance en Dieu, je vous répondrais non. Elle, au moins, m’a empêchée d’infliger ce que je subis à mes adversaires. Et j’en suis très heureux. Vous saurez un jour pourquoi.
NT : Pourquoi avoir acheté tant d’armes que vous n’avez pas utilisés contre les hélicoptères français pendant les bombardements de votre domicile?
LG : Parce que je n’étais pas en guerre contre la France. C’est peut-être à monsieur Sarkozy de nous expliquer pourquoi avons-nous eu droit à ce déluge de feu sur nos têtes. Pour un contentieux électoral? Ou bien pour tordre le coup à la démocratie? Dans mon entendement, l’armement ne doit pas servir à faire la guerre, mais à dissuader l’ennemi. Je ne me reconnais pas comme un être violent, méchant, cruel, assassin. C’est pourquoi j’ai plaidé pour le recomptage des voix qui aurait désigné le vrai vainqueur de l’élection, et l’aurait mis à l’aise dans l’exercice de son pouvoir. Mais à cela, ils ont préféré un coup d’état en bonne et due forme. La guerre n’est pas une bonne chose. On sait quand on la commence, mais on ignore quand elle prendra fin. Voyez ce qui continue de se passer à Abidjan.
NT : Reconnaissez-vous Ouattara comme président ?
LG : je ne crois pas que cela l’aiderait.
NT : Il parle de son investiture à la mi-mai
LG : A sa place j’aurais assumé mon coup d’état. Quelqu’un qui joue à cache cache avec son ombre est dangereux pour lui-même. On est soit putschiste ou démocrate. Mais jamais les deux à la fois.
NT : Le premier ministre français François Fillon soutient qu’aucun soldat français n’est rentré à votre domicile.
LG : Je ne lui en veux pas de soutenir le contraire, il n’y était pas avec nous.
NT : Pouvez-nous faire le film de votre arrestation.
LG : permettez que je n’en dise pas un mot pour l’instant.
NT : N’était-ce pas suicidaire de défier la communauté internationale?
LG : penser ainsi voudrait dire qu’on est pour que les choses ne changent pas. J’ai plus peur de la population qui vous chasse par la rue, parce que vous êtes un dictateur corrompu, que du dictat des puissances impérialistes. J’ai certes perdu le pouvoir par le vœu de la France, une chose qui, de toute les façons, aurait été une réalité en fin de mon mandat. Mais je suis très heureux de ne pas être celui par qui mon pays sera pillé. Ceci est une des choses essentielles que je retiendrai de ma présidence.
NT : Feriez-vous la même chose si c’était à refaire ?
LG : Absolument. S’il y a une chose que je ne supporte pas c’est la soumission. Surtout quand elle engage la vie de tout un peuple. Mes convictions ne sont pas négociables. Tant pis si j’en paie le prix.
NT : Croyez-vous en la réconciliation prôné par Alassane Ouattara ?
LG : C’est vrai qu’on dit du menteur qu’il se ment toujours à lui-même en premier. Mais il faut toujours faire l’effort de croire aux intentions des uns et des autres jusqu’au jour où ils vous démontrent le contraire. Ce que je constate par contre, c’est qu’il va falloir batailler pour y parvenir vu la grandeur de ce désastre jamais observé dans notre pays. De la barbarie des temps anciens. Les gens tués froidement; des villages incendiés avec leurs populations réfugiées en brousse… C’est une méchanceté gratuite qui ne grandit pas son commanditaire.
NT : Avez-vous les nouvelles de votre femme, votre fils et autres collaborateurs détenus au Golf ?
LG : En lieu et place d’une réponse à votre question, je demanderais à Ouattara de les faire libérer immédiatement, tout comme je lui demande de faire cesser ces graves exactions perpétrées sur les populations partout dans le pays. Nous avons un régime présidentiel qui fait de moi le premier responsable de ce qu’il pourrait leurs reprocher. Qu’il fasse honneur à la Cote d’Ivoire, pendant qu’il est encore temps en rétablissant l’état de droit très rapidement. La terreur ne résoud rien. Le calme qu’elle procure est très souvent trompeur. Les gens sont certes apeurés, c’est dans l’ordre des choses, parce que face à une situation nouvelle. Mais qu’il ne les amènent pas à s’y habituer et à surmonter leur peur.
NT : Alassane Ouattara est-il un danger pour la démocratie?
LG : Pour ce que nous voyons, il serait insensé de dire non. Arrêter Affi pour avoir donné une interview et fait une déclaration qui dépeint la situation socio-politique. C’est impensable après de longues années de lutte pour l’instauration de la démocratie ! Que Ouattara fasse attention dans son envie de tuer la démocratie, les Ivoiriens sont très jaloux de leur liberté devenue effective depuis une décennie. L’homme politique qui ne met pas le peuple au centre de ses préoccupations s’expose gravement.
NT : Ouattara peut-il gouverner la Côte d’Ivoire ?
LG : il lui faudra bien ! Puisqu’il en a rêvé avec obsession. Maintenant qu’il l’a obtenu en cadeau à coups de canon de Sarkozy, il n’a pas le choix ! Va-t-il y parvenir? Tout dépendra de son acceptation par le peuple de Côte d’Ivoire durement éprouvé par sa passion pour les armes et dont on peut imaginer le rejet pour sa personne.
NT : Le tout n’était donc pas de réussir son coup d’État ?
LG : Absolument pas ! Renverser Gbagbo et se proclamer président était peut-être l’étape la plus facile. Mais qu’en sera-t-il pour chaque ivoirien ayant subi le courroux de ses hommes? La réconciliation entre lui et le peuple sera laborieuse, peut-être même jamais une réalité. Le problème de sa légitimité se posera à lui de façon récurrente.
NT : Comment faites-vous pour garder votre légendaire bonne humeur, malgré ce que vous traversez ?
LG : Que voulez-vous que je fasse, mon cher Navy? Il est souvent bon de rire des choses tragiques. D’abord parce que les pleures ne changeront pas leurs cours, mais, mieux leur avènement est porteur de plusieurs enseignements. Pour certains c’est gagné et pour d’autres c’est perdu. Et pourtant…
NT : Vous considérez-vous toujours comme président de la Côte d’Ivoire?
LG : Si tel était cas, je suis bien loin du palais présidentiel maintenant. (rire)
NT : Votre chute n’a pas été saluée par une lièsse populaire
LG : C’est à Ouattara qu’il faut porter ce message.
NT : Le mot de la fin aux internautes pour qui vous êtres un héros africain et à vos électeurs qui sont traqués par les rebelles de Ouattara.
LG : Merci à nos amis internautes qui se mobilisent pour la Côte d’Ivoire, mes partisans, mes collaborateurs, ma famille et moi. Cela me va droit au cœur de savoir qu’ils existent. Au delà de mes électeurs, je recommande à tous mes compatriotes et africains de rester dignes.
NT : Au revoir Monsieur le président en espérant qu’il ne vous arrivera rien.
LG : Si tel était le cas, il aura prouvé à tous ce qu’il est. (rire). Que Dieu benisse la Cote d’Ivoire!
Source: African Independent