Laurent Gbagbo et Cpi : Qui aura le dernier mot ?

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Le verdict de la cour d’appel de la CPI vient de tomber. Laurent Gbagbo n’aura pas la liberté provisoire tant réclamée par ses avocats.

Ses partisans, espéraient-ils – peut-être – qu’il en serait autrement ? Si oui, alors ils se sont – une fois de plus – lourdement trompés sur la CPI et ses financiers, ceux qu’on appelle les grandes puissances occidentales. Car depuis le 11 avril 2011, la messe a été dite par ces « puissances occultes», qui régissent depuis toujours ce monde, selon leur gré.

La France, les Etats-Unis et alliés ont donné leur sentence, rien – apparemment et jusqu’à preuve du contraire – ne leur fera changer de position: Laurent Gbagbo est un « affreux dictateur » qui massacrait son peuple. Ils en ont fait un bel exemple, après avoir œuvré avec brio et détermination, à sa chute.

A travers « le cas Laurent Gbagbo », ils entendent ainsi donner une bonne leçon aux autres africains, perçus – toujours par ces « puissants » – comme des dictateurs et qui, comme Laurent Gbagbo, oseraient ou se hasarderait encore à contester leur hégémonie.

Le plan était donc de faire passer Laurent Gbagbo pour un homme qui exerçait un pouvoir absolu et arbitraire. Un dirigeant qui massacrait sans vergogne tous ceux qui s’opposaient à lui, donc pour un dictateur. Et ce, au moyen d’un vaste programme de harcèlement médiatique et diplomatique bien ficelé, comme on en assiste ces derniers temps, contre tout régime ou dirigeant jugé « réfractaire » aux intérêts occidentaux.

Ce n’est donc pas la CPI, cette cour financièrement dépendante qui irait à l’encontre de la décision de ses financiers. En effet des révélations font état de ce que « (…) financièrement, la CPI est dépendante des principaux pays contributeurs soit l’Allemagne, le Canada, la France, le Japon et la Grande-Bretagne qui représentent plus de 50% de son budget qui trustent par ailleurs les postes d’administrateurs de l’institution (avec les Etats-Unis – qui n’ont pas encore ratifié le traité !) ».

Dès lors, tout le reste, c’est à dire le procès en lui-même, n’est que pure mise en scène et simple mascarade. Rien donc à espérer du 30 octobre prochain, sauf coup de théâtre bien sûr. Cependant, il n’y a pas de quoi désespérer. Absolument pas.

La Côte d’Ivoire, véritable enjeu du procès de Laurent

Laurent Gbagbo est accusé de « crimes contre l’humanité ». A savoir, « (…) meurtre, viol et autres délits sexuels, violence, actes inhumains et persécutions ». Pourtant les faits sont là et parlent d’eux-mêmes. L’image d’un Laurent Gbagbo «dictateur », n’a visiblement pas pris. Le complot a même échoué, on peut l’affirmer sans risque de se tromper. Car depuis quand a-t-on vu un criminel si adulé par son peuple et bénéficiant même « d’un réseau vaste et bien organisé de sympathisants politiques », selon les termes de la juge unique de la chambre préliminaire de la CPI, madame Silvia de Gurmendi ?

Le procès de Laurent Gbagbo, le plus célèbre prisonnier de Scheveningen, a le mérite, de démontrer à la face du monde  que son sort est intimement lié à celui des ivoiriens et de la Côte d’Ivoire, pays qu’il a dirigé pendant près de 10 ans.

Pour preuve, de nombreux ivoiriens et ivoiriennes qui n’ont pas – comme nous – eu la chance de connaitre assez tôt le verdict de la cour d’appel de la CPI – nous ont appelés à ce sujet. Constat : la plupart sont inquiets et préoccupés par le sort de l’ex-chef de l’Etat ivoirien. Nombreux étaient ceux qui étaient indignés, voire découragés, après avoir connu le verdict de la cour d’appel. De même, sur la toile, l’optimisme qui a avait précédé le procès, chez de nombreux internautes ivoiriens et africains, partisans de Laurent Gbagbo, n’était plus de mise.

Cet intérêt manifeste est donc une preuve que de nombreux ivoiriens aspirent toujours à ce que justice soit enfin faite à l’issue de cette crise post-électorale qui n’a pas encore fini de révéler tous ses secrets. Cette injustice qu’ils ont de plus en plus de mal à supporter, ce fait que seulement les partisans d’un seul camp soient incriminés et poursuivis.

En effet, tant qu’une telle situation d’injustice perdure, le dialogue et la réconciliation en Côte d’Ivoire – ayons pour une fois le courage de l’affirmer – peineront à prendre leur envol.

Mieux, Laurent Gbagbo en prison, voilà le – vrai – visage de la Côte d’Ivoire dirigée désormais par monsieur Alassane Ouattara : les attaques des positions des FRCI se multiplient, l’insécurité a atteint des proportions inquiétantes, la fracture sociale s’aggrave, « Plus de 200 personnes, dont des membres du Front populaire ivoirien (FPI), le parti de l’ancien président Laurent Gbagbo, ont été arbitrairement détenues et torturées et beaucoup croupissent toujours derrière les barreaux, révèle Amnesty International. Même si les chiffres ici avancés demeurent bien en deçà de ce qui nous a été permis de vivre et d’entendre en tant qu’ivoirien et témoin privilégié, ce rapport d’Amnesty internationale indique manifestement l’état alarmant des violations graves et massives des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, sous le régime d’Alassane Ouattara.

La place de Laurent Gbagbo n’est donc pas à la CPI, mais bien en Côte d’Ivoire. Pour que « le linge sale » – selon nos coutumes ivoiriennes ancestrales, soit « lavé en famille ». Laurent Gbagbo étant membre à part entier de cette famille ivoirienne, un acteur incontournable du processus de réconciliation nationale en Côte d’Ivoire. Le contraire, c’est bien ce à quoi nous assistons actuellement dans ce pays, avec une situation socio-politique de plus en plus préoccupante.

Cesser de s’alarmer pour si peu

Question à deux sous : que vaut une liberté provisoire face à une liberté totale et définitive ?

La recherche de la libération totale de Laurent Gbagbo, l’éclatement de la vérité. Voilà le but qui devrait animer tous ceux qui disent se reconnaitre en lui et en son combat pour la Côte d’Ivoire et pour l’Afrique. Pour ce faire, le débat de la CPI doit avoir lieu. Sans faux-fuyants. Laurent Gbagbo doit pouvoir dire sa part de vérité. Il faut que le monde entier sache enfin pourquoi cet homme a été déporté à la Haye.

Car des morts, il y en a eu partout, dans les deux camps. Messieurs Alassane Ouattara et Soro Guillaume, leurs « commandants » de guerre, ne sont pas moins coupables d’actes de « meurtre, viol et autres délits sexuels, violence, actes inhumains et persécutions »  que Laurent Gbagbo.

Dans ce procès qui met en cause le seul Laurent Gbagbo, on voit donc  bien – si toutefois l’on s’en donne la peine – qu’il ne s’agit nullement d’un procès juridique, mais bien d’un procès politique. Sinon pourquoi messieurs Ouattara et Soro Guillaume ne devraient-ils pas, au même titre que Laurent Gbagbo, avoir leur cellule à la Haye, non loin de la sienne ?

Il s’agit en effet, dans ce procès contre Laurent Gbagbo, de son refus de quitter le pouvoir. Un pouvoir pourtant à lui accordé par le peuple souverain de Côte d’Ivoire. Un pouvoir dont il s’est servi pour dire « non » aux petites combines d’intérêts occidentaux. Il fallait le lui retirer à tout prix, ce pouvoir, même à coups de bombes franco-onusiennes.

Ce qu’il faut retenir de ce qui précède, c’est que non seulement Laurent Gbagbo n’a pas sa place à la CPI, mais bien en Côte d’Ivoire, parmi les ivoiriens, pour une paix et une réconciliation vraies, mais aussi, qu’il faille que ce procès ait lieu, pour la postérité, qu’elle qu’en sera l’issue. Il faut que le monde entier sache, une bonne fois pour toutes. Pour qu’il y ait une prise de conscience générale – même tardive – des ivoiriens et des africains. Pour passer – bien entendu – enfin à l’offensive face à l’occident qui entend lui imposer sa suprématie. Car selon un proverbe africain : « à vouloir regarder l’aveugle danser à son aise, il se croira seul sur la piste de danse, et sera donc tenté d’en faire à sa guise. L’idée, c’est de lui marcher sur les pieds pour qu’il prenne conscience de votre présence afin qu’il ne s’accapare, à lui tout seul, la piste de danse».

Ce procès de Laurent Gbagbo est donc – enfin de compte – celui de la CPI, de sa crédibilité, le procès de l’Afrique spoliée face à l’occident oppressant qui entend diriger le monde à sa guise. Qui aura le dernier mot ?

Marc Micael

zemami1er@yahoo.fr

 

 

 

 

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