L’alliance stratégique entre le Burkina Faso et la Russie va poursuivre la stabilisation de l’Afrique de l’Ouest [Par Andrew Korybko]

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La Russie est parvenue à accomplir une chose que ni la France, ni les États-Unis n’ont pu (ou voulu, si l’on adopte des interprétations cyniques) réaliser. Elle renforce les capacités militaires de ses partenaires afin qu’ils parviennent à se défendre par eux-mêmes des menaces terroristes, et même lancer des contre-offensives pour récupérer leurs territoires. Cet aspect «dur» de la coopération en matière de sécurité fait partie d’un soutien d’ensemble qui intègre un soutien «doux» contre les menaces de Guerre Hybride, ainsi que des accès à des produits de base accessibles.

Ibrahim Traore, le président burkinabé par intérim, a affirmé jeudi 4 mai 2023 au cours d’une interview que son pays venait de sceller une alliance stratégique avec la Russie, et ajouté que Moscou constitue l’un de ses principaux fournisseurs militaires, et que Ouagadougou est satisfaite de l’état des relations entre les deux pays. Il a également réfuté les rapports non vérifiés qui avaient été publiés préalablement à cette annonce, voulant que Wagner se batte aux côtés de l’armée nationale dans sa mission anti-terroriste, et affirmé que «l’on a inventé la présence de Wagner pour faire du tort au Burkina, pour que d’autres pays ne coopèrent pas avec nous.»

Le coup d’État survenu au mois de septembre 2022 au Burkina Faso a été applaudi par la plus grande partie de la population du pays, qui était sérieusement préoccupée par l’incapacité du gouvernement par intérim précédent à répondre de manière appropriée aux menaces terroristes, dès son arrivée au pouvoir, lors du coup d’État précédent, remontant au mois de janvier 2022. On a vu apparaître des drapeaux russes lors de diverses manifestations de soutien spontanées à la prise de pouvoir par Traore, et les médias dominants ont saisi cette opportunité pour faire craindre à ceux qui les suivent que ce pays allait suivre le Mali et devenir le prochain partenaire régional de Moscou.

Les autorités révolutionnaires du Mali, État voisin du Burkina Faso, ont expulsé les soldats français qui étaient présents sur leur sol, ont ensuite banni les médias et «ONG» français, et ont accéléré l’expansion des relations tous azimuts avec la Russie, surtout dans la dimension sécuritaire. L’Occident a enragé d’assister à cette expression de souveraineté, et s’est immédiatement mis à verser des souillures sur le Mali, jusqu’à cette semaine, dans l’enceinte même de l’ONU, après avoir affirmé à tort que l’armée nationale et Wagner avaient soi-disant tué des centaines de civils au cours d’une attaque menée l’année dernière.

Au mois de janvier, la Russie a défendu face au Conseil de Sécurité de l’ONU ses efforts de «Sécurité Démocratique» en Afrique de l’Ouest et au Sahel, face aux attaques menées dans la sphère informationnelle à ce sujet, qui visent à diaboliser ses tentatives de venir en aide aux pays de la région pour rétablir le contrôle des États sur leur territoire, puisque la France n’est pas parvenue à le faire. De fait, c’est en grande partie grâce aux succès de Moscou à assister à cet égard la République Centrafricaine et le Mali que les pays africains considèrent la coopération avec le Kremlin comme désormais souhaitable.

La Russie est parvenue à accomplir une chose que ni la France, ni les États-Unis n’ont pu (ou voulu, si l’on adopte des interprétations cyniques) réaliser. Elle renforce les capacités militaires de ses partenaires afin qu’ils parviennent à se défendre par eux-mêmes des menaces terroristes, et même lancer des contre-offensives pour récupérer leurs territoires. Cet aspect «dur» de la coopération en matière de sécurité fait partie d’un soutien d’ensemble qui intègre un soutien «doux» contre les menaces de Guerre Hybride, ainsi que des accès à des produits de base accessibles.

Si on les considère dans leur ensemble, les liens stratégiques cultivés avec Moscou garantissent que les pays africains puissent survivre aux myriades de menaces, qui découlent de la Nouvelle Guerre Froide, pesant sur leur souveraineté. Ces pays peuvent ainsi éviter de devenir les prochains champs de bataille dans cette compétition globale pour l’avenir de l’ordre mondial. Dans le contexte burkinabé, cela va stabiliser davantage l’Afrique de l’Ouest, cette alliance allant de paire avec les efforts de «sécurité démocratique» menés dans le Mali voisin, et nécessaires pour aider la région à se protéger de la France.

Même si Traore a exprimé au cours de cette interview que «le départ de l’armée française ne signifie pas que la France n’est plus une alliée», son positionnement pragmatique, consistant à garder une posture ouverte à une coopération mutuellement bénéfique avec la France ne signifie pas que l’ancienne puissance colonisatrice du Burkina Faso voit les choses du même œil. Le paradigme du jeu à somme nulle qui influence la doctrine des relations étrangères françaises, semblable à celui cultivé par les États-Unis du fait de leurs intérêts hégémoniques partagés, devrait amener Paris à répliquer après ces pertes récentes.

Cette réplique visera probablement le Burkina Faso de la même manière que celle qui cible le Mali, et le Burkina Faso devrait se préparer sans tarder à une combinaison de guerre de l’information – et de menaces terroristes organisées conjointement par la France et les États-Unis. Toutefois, le partenariat stratégique burkinabé-russe devrait être en mesure d’assurer une défense efficace face à ces menaces, comme dans le cas du Mali, ce qui va sécuriser les gains multipolaires de la région, et de l’ensemble de l’Afrique.

Andrew Korybko

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