Des avions de guerre russes ont intercepté samedi 30 mai dans la Mer noire le destroyer lance-missiles américain USS Ross au large des côtes russes, selon des informations parues en Russie dans les médias. Le navire américain aurait navigué le long des eaux territoriales russes, puis pris un cap qui l’aurait fait entrer dans la zone territoriale russe – une situation susceptible de provoquer un affrontement militaire entre forces russes et américaines.
« L’équipage du navire agissait de manière provocante et agressive, ce qui a inquiété les opérateurs des stations de surveillance et des navires de la flotte de la mer Noire. Des avions d’attaque Su-24 ont décollé d’urgence et ont démontré la volonté d’empêcher par la force des violations de la frontière et de défendre les intérêts du pays, » ont dit des sources militaires russes à l’agence de presse RIA Novosti.
Des avions d’attaque Su-24 ont décollés pour intercepter l’USS Ross, qui a soudain changé de cap. « Apparemment, les Américains n’ont pas oublié l’incident d’avril 2014, lorsqu’un Su-24 a pratiquement ‘mis hors d’usage’ toute l’électronique du destroyer américain le plus neuf, le Donald Cook, » a ajouté la source.
La signification de déclarations que l’armée russe est prête à empêcher par la force la violation des eaux territoriales russes par des navires de guerre américains est sans équivoque et terrifiante à la fois. Depuis que l’OTAN a soutenu le putsch de Kiev l’an dernier, l’escalade de ses déploiements et des exercices militaires le long de la frontière européenne de la Russie et dans les mers limitrophes, a amené le monde au bord d’une guerre entre puissances dotées d’armes nucléaires.
L’OTAN, faisant preuve d’une irresponsabilité époustouflante, déploie des navires et des avions de guerre dans l’océan Arctique, la mer Baltique et la mer Noire, toutes limitrophes de la Russie. (Voir: Début d’un exercice aérien de l’OTAN contre la Russie dans l’Arctique). On crée ainsi une situation où des erreurs de navigation mineures peuvent faire couler un navire de guerre américain, déclencher une frappe de missile américain sur le sol russe et entraîner une escalade qui mènera à une guerre entre des puissances dont les arsenaux nucléaires peuvent détruire la planète de nombreuses fois.
Le Pentagone a confirmé que l’incident en mer Noire avait bien eu lieu et ajouta que le déploiement de l’USS Ross dans la région avait été annoncé publiquement. La porte-parole du Pentagone Eileen Lainez a dit que l’USS Ross se trouvait « à tout moment tout à fait dans les eaux internationales, effectuant des opérations de routine. »
Parlant samedi au forum ‘Shangri-La Dialogue’ sur la sécurité à Singapour, le secrétaire russe à la Défense Anatoli Antonov a averti que le déploiement de navires lance-missiles américains à proximité des frontières russes « constituent un danger pour la stabilité stratégique » entre les deux pays.
C’est là un euphémisme pour décrire le risque d’une guerre entre la Russie et les Etats-Unis. Plus tôt cette année, au moment où Washington menaçait d’armer Kiev et ses milices fascistes dans leur lutte contre les séparatistes soutenus par la Russie dans l’est de l’Ukraine, les politiciens européens ont insisté publiquement sur le risque de guerre entre la Russie et l’OTAN. Le président français François Hollande a averti du risque d’une « guerre totale » et l’ancien Premier ministre suédois Carl Bildt a jugé « concevable » une guerre avec la Russie.
Il devient de plus en plus évident cependant que le risque d’une guerre nucléaire avec la Russie est une partie intégrale de la stratégie de l’OTAN en Europe de l’Est.
Obama a donné l’an dernier aux petites républiques baltes des garanties sans limites d’aide américaine contre la Russie. Il y a quelques jours, le nouveau chef du Comité militaire de l’OTAN, le général tchèque Petr Pavel, a précisé que la seule stratégie viable pour l’OTAN d’aide aux pays baltes était de se préparer à une guerre totale avec la Russie, avec utilisation éventuelle d’armes nucléaires.
« D’un point de vue technique, si je considère combien de forces la Russie peut déployer dans les pays baltes, la taille des pays baltes et la densité des forces sur leurs territoires, [ils]pourraient être occupés en quelques jours » a déclaré Pavel à l’Agence de presse tchèque le 27 mai. Selon lui, les mesures préparées actuellement par l’OTAN s’avéreraient d’une « inefficacité gênante » pour contrer une offensive russe à grande échelle dans ces pays.
Pavel a précisé que, compte tenu de la supériorité militaire locale écrasante de la Russie dans les pays baltes, la seule stratégie efficace pour l’OTAN serait de menacer d’intensifier la guerre jusqu’à un conflit beaucoup plus large ce qui inclurait la menace d’utilisation d’armes nucléaires.
« Une autre question est celle de connaître le degré d’efficacité de l’élément de dissuasion, représenté par l’Article 5 de l’OTAN et de sa composante nucléaire, vis-à-vis la Russie», a dit Pavel.
Une telle escalade des tensions, menée par des cabales d’officiers et d’espions derrière le dos des travailleurs du monde entier, est incroyablement irresponsable. En supposant que les dirigeants de l’OTAN n’ont pas pour but de provoquer une guerre nucléaire avec la Russie, ces remarques semblent être conçues pour intimider la Russie et la faire reculer dans ce qui est devenu un conflit régional, aux implications mondiales, à propos de l’Ukraine et de l’Europe de l’Est.
Mais les responsables militaires qui lancent ces menaces n’ont aucun moyen de savoir comment l’armée russe va réagir, si elle acceptera de reculer ou choisira, elle aussi, la voie de l’escalade avec des conséquences potentiellement catastrophiques. Déjà, selon un rapport publié par le Réseau européen de leadership l’année dernière, 40 incidents au moins ont failli provoquer des affrontements militaires entre l’OTAN et la Russie depuis le début de l’escalade atlantiste en Europe de l’Est. L’incident de la mer Noire de ce week-end montre clairement que ce risque monte.
Les tensions militaires en Europe de l’Est sont un constat de la faillite de l’ordre social international. Quand il a dit en février que la guerre avec la Russie était possible, Carl Bildt a déclaré que la situation était tellement explosive à cause de « l’incertitude qui entoure les rapports de force mondiaux ».
Autrement dit, la crise de l’impérialisme américain et européen – à la fois extérieure, car ils ont intensifié les interventions militaires en Eurasie et en Afrique dans les 25 ans depuis la dissolution de l’URSS, et intérieure, due à l’effondrement économique suite à la crise financière de 2008 – a atteint le stade où ils menacent de déclencher une troisième guerre mondiale. Des masses de travailleurs risquent d’être entraînés dans une guerre terrible, dans laquelle ils n’ont aucun intérêt.
La tâche critique que confronte la classe ouvrière est de se mobiliser dans la lutte contre le capitalisme, l’impérialisme et la guerre. Elle ne peut donner aucun soutien à l’oligarchie corrompue de Moscou qui est issue de la restauration capitaliste en URSS en 1991. Le Kremlin oscille entre la tentative de négocier un arrangement avec l’impérialisme et des manœuvres militaires agressives – comme le survol continu de bombardiers à proximité de l’espace aérien japonais, de Gibraltar, de la Crète et de la Californie – qui ne peuvent que servir à accroître le risque de guerre.
Alexandre Lantier