Venus du Burkina Faso et aidés par des mercenaires recrutés dans la sous-région, Kigbafori Soro et sa clique voulaient tuer l’ivoirité qui, d’après eux, excluait les Nordistes. Or, selon le Forum organisé en mars 1996 à Abidjan par la Cellule universitaire de recherche et de diffusion des idées et actions politiques du président Henri Konan Bédié (Curdiphe), le grand ensemble national n’excluait personne et l’objectif de l’élaboration intellectuelle du concept d’ivoirité n’était point d’éliminer les musulmans et les ressortissants du Nord de la vie nationale (cf. François Gaulme, “L’ivoirité, recette de guerre civile” dans ‘Études’, 2001/3, tome 394, pp. 292 à 304).
Était également dénoncée par les rebelles la “dictature” de Laurent Gbagbo. Or ce dernier avait dépénalisé les délits de presse, avait ouvert son premier gouvernement au RDR et n’avait pas inquiété Dramane Ouattara qui avait pourtant promis de rendre le pays ingouvernable si sa candidature à la présidentielle était rejetée. Un vrai tyran l’aurait fait arrêter le lendemain pour le jeter dans une prison infestée de moustiques, de serpents et de scorpions.
Ouattara et ses soudards ont donc utilisé des arguments fallacieux pour justifier leur soif de pouvoir et d’argent.
21 ans après le déclenchement de la rébellion meurtrière, qu’est-ce qui a changé dans la vie des Nordistes? Ceux-ci sont-ils devenus plus riches et leurs villages plus prospères? Où sont les Zaga Zaga, IB, Wattao, Hamed Bakayoko, Amadou Gon Coulibaly et Amadou Soumahoro alias Cimetière? Plusieurs rebelles ne sont-ils pas en prison? Soro, leur chef, n’est-il pas en exil? Les entreprises ivoiriennes ont-elles accès aux marchés publics? Les planteurs de cacao, de café, d’hévéa et de la noix de cajou gagnent-ils plus d’argent que du temps de Bédié et de Gbagbo? Le pays est-il moins endetté que sous les précédents régimes? Les Ivoiriens peuvent-ils être fiers de leur école? Un pays où, pendant 10 ans, aucune université, publique ou privée, ne figure dans le classement des 200 meilleures universités africaines, peut-il se vanter d’être plus développé que ses voisins? Et puis, si le pays se porte bien, pourquoi les Ivoiriens occupent-ils la seconde place parmi les demandeurs d’asile en France?
Les défenseurs du régime aiment citer les ponts, stades et routes bitumées de leur champion. On peut leur répondre que la qualité et la solidité de ces réalisations sont plus que douteuses, que le métro est une vraie arnaque de la France et que des ponts et routes de bonne qualité auraient pu se faire plus tôt si Ouattara et la France avaient laissé Bédié et Gbagbo travailler en paix.
La rébellion du 19 septembre 2002 dont les effets continuent de se faire sentir fut un gâchis parce qu’elle fit reculer notre pays de plusieurs années. Non seulement les Ivoiriens ont été appauvris par cette fausse révolution mais les soi-disant libérateurs se regardent désormais en chiens de faïence, chacun ne rêvant que d’en finir avec l’autre.
Y avait-il moyen de procéder autrement? Oui car, quand on se dit démocrate, on ne recourt pas aux armes pour réparer une injustice réelle ou supposée. Bien qu’opposé à l’article 7 de l’ancienne Constitution qui faisait de Konan Bédié le successeur d’Houphouët en cas de vacance du pouvoir, Laurent Gbagbo ne prit pas les armes pour contester ledit article. La Loi fondamentale et les institutions d’un pays peuvent ne pas être parfaites mais le démocrate, tout en les critiquant, s’y soumet jusqu’à ce qu’elles soient améliorées ou modifiées. Pour accéder au pouvoir, il n’a besoin ni de faucher des vies humaines, ni de saccager des biens matériels, ni de demander à la France un embargo sur les médicaments ou une fermeture des banques.
Jean-Claude DJEREKE