Qui se souvient encore de l’intervention de la France au Mali, en 2013, qui portait le nom de «Serval» ? Le serval est, pour ceux qui ne le connaissent pas, un félin de la faune locale malienne dont la caractéristique principale est, semble-t-il, d’uriner plusieurs fois par jour pour marquer son territoire. C’est dans ce sens qu’il fallait comprendre les motivations essentielles mais non avouées de l’empressement de la France à intervenir dans ce pays ?
La France avait mis tout le monde devant le fait accompli en lançant, le 11 janvier, ses premières frappes «chirurgicales» sur un convoi de djihadistes (Ansar Eddine ou autres) en route pour Bamako. En fait, elle voulait marquer d’une façon indélébile ces territoires (Mali, Niger et autres pays du Sahel) qui faisaient partie, jadis, de ses colonies et qui commençaient à montrer des signes de vouloir s’émanciper de cette tutelle trop encombrante.
Il était évident que la France n’agissait pas dans cette région du monde qu’est le Sahel uniquement pour venir en aide à des régimes déliquescents et incapables d’assurer l’intégrité territoriale de leurs pays et la sécurité de leurs citoyens face à des «djihadistes» de plus en plus menaçants. À vrai dire, la France ne faisait que défendre ses intérêts dans ce qui est convenu de dire son «pré carré». C’est de bonne guerre, me diriez-vous. Et, j’en conviens.
Le logiciel de la France n’a pas changé ni connu de modifications même légères. Elle a toujours la même attitude et les mêmes visées géostratégiques face à ses anciennes colonies. En un mot, ne faudrait-il pas plutôt dire qu’elle agit dans le cadre de la «Françafrique» que d’aucuns parmi les têtes pensantes d’outre-mer veulent nous faire croire qu’elle a disparue ? N’est-on pas en droit de se poser des questions et de penser même que la «Françafrique» n’a pas disparue et qu’elle est toujours active ? Ne serait-ce pas plus commode et plus simple de dire que c’est plutôt son mode opératoire qui aurait changé de telle sorte à pouvoir s’adapter aux nouveaux concepts tel droit d’ingérence, le droit de porter secours à peuple en danger… etc. ?
Dans les années 60, soit immédiatement après les indépendances des pays africains et jusqu’à une date relativement récente, c’était par des putschs militaires (qu’elle encourageait de façon active même) que la France plaçait des hommes qui lui étaient soumis et favorables à la tête de ces États. La France pouvait agir à sa guise, elle se considérait toujours en territoires conquis.
Aujourd’hui, force est d’admettre que ce temps est bel est bien révolu. Le monde a changé. Le monde se dirige vers un ré équilibrage géostratégique. Les peuples africains sont de plus en plus conscients du fait que leurs pays respectifs sont convoités pour la richesse de leur sous-sol. Ils ne sont plus assez dupes pour croire aux histoires de «l’aide au développement» que certains pays de l’Occident (pas tous, heureusement) leur font miroiter. Ils ont compris que la présence de forces militaires au Mali ou au Niger n’a, in fine, rien à voir avec la lutte antiterroriste mais c’est pour assurer l’exploitation des mines d’or et d’uranium qui sont aussi convoitées par d’autres puissances émergentes.
Aujourd’hui, avec ce qu’il vient de se passer au Niger (un putsch, certes condamnable) ; la France l’apprend à ses dépens. Il vient de lui être signifié, brutalement, qu’elle est, désormais, considérée comme persona non grata partout au Sahel. Peut-elle encore intervenir pour «rétablir l’ordre constitutionnel» ? Quelle opération invoquera-t-elle, cette fois-ci ? Wait and see.