Dans leur cabinet de la Ve Avenue, à New York, Kenneth Thompson et Douglas Wigdor ne ratent pas un épisode de l’affaire du Carlton de Lille. La publication d’extraits de procès-verbauxdans la presse, une éventuelle mise en examen de Dominique Strauss-Kahn et ce qui émergera de son audition par les enquêteurs de la police judiciaire, puis par les magistrats lillois sont autant d’éléments susceptibles d’être exploités par les avocats new-yorkais de Nafissatou Diallo dans le cadre de la procédure civile engagée par la femme de chambre du Sofitel.
« Tout ce qui concerne le comportement de Dominique Strauss-Kahn dans d’autres affaires nous intéresse et sera utilisé, indique M. Wigdor. Ce qui ne veut pas dire que ces éléments, comme les autres témoignages que nous recueillons, nous sont indispensables: notre dossier est solide en lui-même et je suis confiant. » William Taylor, l’avocat américain de DSK, rappelle de son côté que « le vide du dossier a conduit à l’abandon des poursuites au pénal » contre M.Strauss-Kahn, le 23août 2011. Il reste discret sur sa stratégie.
« ALLER JUSQU’AU BOUT »
La procédure civile engagée par la femme de chambre du Sofitel est toujours en cours. Le 8 août, Mme Diallo a déposé plainte pour viol à l’encontre de M.Strauss-Kahn devant le tribunal du Bronx. Le juge Douglas McKeon examine actuellement l’argument de l’immunité diplomatique brandi par les avocats de l’ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), le 26septembre. Il pourrait rendre une décision à la fin du mois de février.
Dans l’attente, la défense de Mme Diallo engrange les éléments extérieurs à charge: le harcèlement ou la violence sexuelle dont certaines femmes ont accusé DSK, de Piroska Nagy, cadre au FMI, à Tristane Banon, romancière, en passant par « Béa », compagne de « Dodo la Saumure ». « Tristane Banon fournit un témoignage utile sur sa manière de procéder, explique M.Wigdor. Quant aux relations de M.Strauss-Kahn avec des prostituées, elles ne nous intéressent que dans la mesure où il aurait eu un rapport violent avec elles. »
L’avocat français Thibault de Montbrial, mandaté par MM. Thompson et Wigdor, assure avoir recueilli les témoignages de « plusieurs femmes » et que « quelques-unes sont prêtes à témoigner publiquement et sous serment à New York ». Ce sont « le plus souvent des femmes en demande d’un logement social, dans des emplois de service, socialement fragiles », note-t-il. En novembre, M. Wigdor a rencontré à Paris Me David Koubbi, l’avocat de Tristane Banon, laquelle a déclaré vouloir « aider » Nafissatou Diallo.
Sa décision de collaborer dans la procédure civile de New York « n’est pas encore prise », selon Me Koubbi, qui affirme: « Je suis sûr que Mlle Banon le souhaitera. Elle se voit accusée d’être prostituée ou manipulée dans un complot, comme elle-même l’a été. » « Nous pensons que Mlle Banon témoignera », estime de son côté M.Wigdor.
L’avocat new-yorkais se dit décidé à « aller jusqu’au bout ». « Dans 90% des procédures civiles, dit-il, les conflits se résolvent par des négociations avant le procès. Mais dans notre cabinet, nous allons au procès pour plus de 10% des affaires dont nous sommes saisis. »
Marion Van Renterghem