La Cour de cassation a validé, mardi 22 mars, la quasi-totalité des écoutes entre Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog, ouvrant la voie à un possible procès de l’ancien chef de l’Etat. Mis en examen pour corruption et trafic d’influence pour avoir voulu percer le secret d’une procédure à l’aide d’un haut magistrat, Nicolas Sarkozy avait contesté la légalité de ces écoutes téléphoniques.
Dans cette affaire, les juges ont terminé leur enquête. La saisine de la Cour de cassation était le dernier obstacle avant un probable renvoi au tribunal de Nicolas Sarkozy, qui pourrait contrecarrer ses ambitions présidentielles pour 2017 alors que la primaire des Républicains est prévue en novembre.
Pour les magistrats de la Cour de cassation, le contenu des écoutes entre Nicolas Sarkozy et son avocat « révèle des indices de sa participation à des faits susceptibles de qualification pénale ».
L’ancien chef de l’État est soupçonné d’avoir tenté d’obtenir de Gilbert Azibert, alors magistrat à la Cour de cassation, et par l’entremise de son avocat historique Thierry Herzog, des informations couvertes par le secret. Et ce, dans le cadre d’une procédure sur la saisie de ses agendas, en marge de l’affaire Bettencourt, dans laquelle il a bénéficié d’un non-lieu.
De son côté, M. Sarkozy devait intervenir en faveur de M. Azibert pour qu’il obtienne un poste de prestige à Monaco, ce qu’il n’a finalement pas fait. L’ex-président y voit la démonstration qu’il n’a rien à se reprocher. Pour les enquêteurs, ce revirement peut s’expliquer par le fait que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog viennent alors d’apprendre que leurs téléphones non officiels ont été placés sur écoute.
« Ecoutes à filet dérivant »
Lors de l’audience devant la Cour de cassation, le 28 janvier, l’avocat de l’ancien chef de l’Etat, Me Patrice Spinosi, s’en était pris à ces « écoutes au long cours, à filet dérivant ». Car ce dossier trouve sa source dans une autre affaire : celle des soupçons de financement par la Libye de Mouammar Kadhafi de la campagne électorale de M. Sarkozy pour la présidentielle de 2007. Les écoutes de l’ex-chef de l’État issues de cette « procédure souche » sont vivement contestées par la défense.
Saisie par MM. Sarkozy, Herzog et Azibert, tous trois mis en examen, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris avait validé le 7 mai 2015 l’essentiel de la procédure. Dans une décision qui apporte des « réponses brouillonnes, souvent erronées, régulièrement contradictoires », en recourant à une jurisprudence obsolète, avait plaidé Me Spinosi.
Tout en concédant certaines « contradictions » de la chambre de l’instruction, le premier avocat général François Cordier avait préconisé la validation de l’essentiel des écoutes. Me Spinosi avait vu dans cette position un « sauvetage en règle d’un arrêt malade, mal rédigé, mal motivé », « au prix d’un raisonnement acrobatique » par lequel la Cour serait selon lui invitée à « fermer les yeux pour ne pas avoir peur du vide ».
Nom d’emprunt Paul Bismuth
La Cour de cassation n’a finalement donné raison qu’à Thierry Herzog et Gilbert Azibert. Elle a annulé les écoutes entre Me Herzog et son bâtonnier, Pierre-Olivier Sur, dans la mesure où elles ne révèlent pas d’indice sur une participation de l’avocat à une infraction pénale. Elle a aussi annulé la saisie de l’avis de Gilbert Azibert, conseiller rapporteur à la Cour de cassation, et celle du projet d’arrêt de la cour, deux saisies réalisées lors d’une perquisition à la haute juridiction le 2 juin 2014.
Lors de l’audience le 28 janvier, le premier avocat général François Cordier s’était prononcé pour l’annulation de ces documents couverts par le secret du délibéré, qui n’étaient selon lui pas utiles à la manifestation de la vérité.
Depuis l’audience devant la Cour de cassation, Nicolas Sarkozy s’est vu signifier une nouvelle mise en examen : pour financement illégal de sa campagne pour la présidentielle de 2012.
Le Monde fr
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