La Côte-d’Ivoire et la maladie du brave homme

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I – Il n’y a rien de plus désolant pour le citoyen que de voir le mensonge s’installer durablement au sommet de l’Etat. Cela crée une perte de confiance dans les institutions du pays en éloignant l’Etat de ses administrés. Le citoyen abusé et désabusé regarde l’état et ses représentants comme inaccessibles hautains et loin de ses préoccupations.

La plus grande erreur politique du mandat d’Allassane Ouattara, à la tête de la Côte d’Ivoire, n’est pas le rattrapage ethno tribal proclamé urbi orbi dans un journal parisien lié à ses amitiés extérieures. Ce n’est pas les exécutions sommaires, les pillages, l’occupation des terres fertiles de l’Ouest par des burkinabés en situation de peuplement colonial. Les maisons et plantations de ses adversaires occupées pour toujours. Sans y ajouter l’emprisonnement de la femme, du fils et des compagnons de Laurent Gbagbo.

N’ajoutons pas ici l’interdiction de voyager et d’aller se soigner pour les opposants.

La naturalisation sans conditions de près de trois millions de Maliens et burkinabés ainsi que leurs dozos et gogos.

Nous n’évoquons même pas le refus d’un dialogue national utile et nécessaire pour la réconciliation nationale et la sécurité de tous les ivoiriens.

Non, c’est en se déclarant candidat à sa propre succession deux ans à l’avance et en phagocytant le PDCI-RDA pour le rendre impotent avec un Konan Bédié, sans envergure ni projet de société, qu’Allassane Ouattara qui se savait malade depuis des années à contribué à se fragiliser lui-même.

Le brave homme savait depuis des années que sa santé déclinait. Mais en bon nordiste, il croyait que les sacrifices de bœufs en bordure de lagune près de l’hôtel du Golf le 11 avril 2011 allaient lui permettre de retrouver la force et la santé d’un jeune homme de 20 ans.

Par politesse pour la fonction présidentielle, nous ne nous joignons pas ici à ceux qui fêtent déjà au champagne la mort de leur ennemi. La question est de savoir si le brave homme et le père du rattrapage ethnique dans la vie politique nationale a posé des actes pour que tous les ivoiriens se reconnaissent en lui et prient pour qu’il retrouve force et santé pour conduire le destin de la nation ivoirienne ?

II – Le mensonge et la corruption dans la vie politiques ivoirienne

– Le premier mensonge qui avait failli diviser durablement la Côte d’ivoire fut le faux complot de 1963 et ce procès ridicule au cour duquel le tribunal présidé par Philippe Yacé, prononça 13 condamnations à mort contre des gens dont-il connaissait l’innocence. Ce fut une forfaiture indigne d’une nation en construction.

– Ernest Boka est mort en 1963, dans la prison concentrationnaire de Yamoussoukro Assabou. On a dit aux ivoiriens qu’il s’était suicidé. Et qu’il avait laissé une lettre de regret qui fut lu au cour d’une conférence de presse publique à l’Assemblée nationale. Plus tard le président de la république avait reconnu lui-même l’innocence des prisonniers d’Assabou. N’était-il pas plus simple alors de dire la vérité à sa famille et d’assumer ce qui fut vraisemblablement une bavure au lieu de s’enfoncer dans un mensonge gênant pour tout le monde des décennies après ?

– Quel est ce pays bizarre où il n’y a jamais eu de sanctions contre les détournements de fonds publics et la corruption rampante qui ont complètement gangrenées la vie économique et sociale du pays en faussant les rapports entre les citoyens ?

De la surfacturation des complexes sucriers aux rackets routiers en passant par les concours d’entrées dans les grandes écoles. La corruption est devenue un sport national en Côte d’Ivoire.

La corruption, érigée en système d’Etat, remplace la logique et la rigueur politique dans la Côte d’ivoire d’aujourd’hui. Les gens qui ont les moyens peuvent obtenir licences d’importations, rôles et services. Les qualités et les compétences du citoyen ivoirien ne sont plus prises en considération.

Ne comptent alors que ses prédispositions à la fraude, au marchandage, à l’ethnisme, à l’opportunisme, à la bassesse, au mensonge et à la médiocrité. Dans un système où les postes et les privilèges, les diplômes et les offices se vendent et s’achètent, le citoyen est placé devant un seul choix : payer, sinon, son effort n’est pas récompensé, ses enfants sont mal classés, ses affaires bloquées, ses dossiers retardés ou égarés.

Cette réalité archaïque n’est pas dissimulée dans ce malheureux pays qu’est devenue la Côte d’Ivoire. Le pire est que cela n’encombre même pas les consciences. Elle est avouée, affichée et formulée au grand jour dans l’anarchie des valeurs qui vont à la dérive. Tout ce qui s’obtient dans la combine mafieuse se termine très mal pour tout le monde.

Ainsi, triomphe la fausseté qui rabaisse la démocratie, qui devient alors la médiocratie, au lieu de la méritocratie qui consolide la démocratie. Il faut frapper fort pour que la justice retrouve sa vraie place dans la vie commune.

Où sont les solutions promises par Ouattara et son clan pour redonner confiance aux ivoiriens ?

III – Les communiqués indignes d’un gouvernement

Un jour un certain Aoussou Koffi, Ministre des travaux publics de Côte d’Ivoire qui était en affaire avec un associé français, fut enlevé par ce dernier dans le but d’obtenir un règlement financier du litige qui oppose les deux hommes.

La nouvelle inonde le pays comme une trainée de poudre et le gouvernement ivoirien reste muet comme une carpe. Et une semaine plus tard un communiqué du gouvernement annonce que le ministre des travaux publics dont l’enlèvement n’a jamais été porté à la connaissance des ivoiriens à été retrouvé.

C’est comme un travailleur de nuit qui rentre toujours tard vers 23h00, qui se voit annoncé par sa femme que l’enfant qui avait disparu depuis une semaine a été retrouvé, alors qu’elle n’a jamais signalé au père de famille la disparation de sa progéniture. C’est un manque de respect qui viole la considération naturelle qu’on se doit dans la vie de couple.

N’était-il pas plus simple d’annoncer aux ivoirien qu’Allassane Ouattara est souffrant et qu’il va en France pour y subir des examens médicaux et se soigner en indiquant que pendant son absence le premier ministre assure la continuité de l’Etat et a délégation pour agir dans certains domaines au regard de la constitution ? Les communiqués successifs nous ont rendu perplexes et poussé à penser le contraire de ce que dit le gouvernement.

Quand le ministre porte voix du gouvernement vient nous dire qu’il a eu le président au téléphone, que sa voix était claire, il va bien et se repose. Alors qu’on parle de source concordante d’un état de santé précaire et inquiétant avec la possibilité d’évacuer le brave homme aux USA, c’est le gouvernement ivoirien qui sort ridicule d’un problème simple qu’il n’arrive pas à régler à cause du premier mensonge qui a entrainé d’autres qui vont le pousser à se contredire demain devant les ivoiriens.

N’est-il pas plus simple de produire un bulletin de santé du président de la république ?

C’est l’acharnement des uns et des autres à vouloir utiliser le mensonge pour cacher la vérité sur la santé physique de celui qui dirige le pays qui est mauvais et met tout le monde dans l’embarra. Aujourd’hui on parle de dignitaires politiques du régime qui ont fait évacuer leur famille au Burkina Faso ou au Mali tout cela ne rassure personne.

Au sommet de l’Etat qui dirige le gouvernement ? Le premier ministre ou le ministre de l’intérieur du rattrapage ? Pourquoi cette confusion entre l’hernie discale et une sciatique ?

Pour finir des sources concordantes nous parlent d’un cancer de la prostate avec des métastases qui peuvent conduire à la castration du malade.

Du côté du RDR, on dit que le président va bien il a reçu en audience certaine personnalités.

Où sont les images de ses audiences qui ne sont pas des images d’une fête privées, afin de nous rassurer sur l’Etat du brave malade qui se repose? Ceux qui subissent ces grosses opérations ont les yeux vides. Houphouët-en fin de vie, François Mitterrand et Mobutu en fin de vie avait ce signe indicateur qu’ils ne vont plus durer, l’image de Félix Houphouët-Boigny revenant à Yamoussoukro sur une civière est encore dans nos mémoires.

Il faut éviter que la fin du brave homme, le pape du rattrapage ethnique ne ressemble à l’Espagne divisée devant la longue agonie du Caudillo Francisco Franco. La mort de Francisco Franco, le 20 novembre 1975 dans une Espagne à bout de souffle, marque la fin des dictatures en Europe. L’agonie fut longue, on a le sentiment aujourd’hui encore que l’Espagne dans son entier attendait la mort du vieux dictateur pour prendre son destin en main. Ils sont nombreux ceux qui pensent faire du franquisme sans Franco et bien l’histoire leur donna tort car le franquisme sans Franco n’était plus viable sans sa figure titulaire.

Dans une Europe démocratique. Franco était moribond depuis des années, mais les franquistes ne voulaient pas voir la fin d’un long règne de 36 ans. Dans le communiqué qui annonce son décès on comprend qu’avec son âge avancé il ne pouvait pas survivre. Juger en vous-même :

« Maladie de Parkinson, cardiopathie, ulcère digestif aigu et récurrent avec hémorragie abondante et répétées, péritonite bactérienne. Insuffisance rénale aigue, thrombophlébite, broncho-pneumonie, choc end toxique et arrêt cardiaque. «  Tout ceux qui veulent gouverner un pays en se sachant malade, multiplient sans le savoir l’aggravation de la maladie en oubliant que leur mort sera aussi une cause d’instabilité pour le pays. La fin tragique de Mobutu est encore sous nos yeux.

IV – Ce que nous regrettons le plus d’Allassane Ouattara

L’observateur libre et attentif de la vie politique ivoirienne que nous sommes, implore la grâce du très haut sur Allassane Dramane Ouattara en lui souhaitant un prompte rétablissement. Nous ne sommes pas de ceux qui souhaitent sa mort prochaine. Cela dit nous pouvons afficher ici nos regrets qui justifient le désintérêt de nombreux ivoiriens face à son état de santé.

Pourquoi n’a-t-il pas favorisé la réconciliation nationale ? La promotion du rattrapage ethnique et tribal sonne aujourd’hui comme un désaveu de l’opinion vis-à-vis d’un malade qui a besoin de nos prières pour reprendre des forces.

L’attribution de la nationalité ivoirienne à des millions de personnes au nom de petits calculs de politiques politiciennes, a complètement désarticulé le pays en poussant les ivoiriens à la méfiance propice aux affrontements futurs.

L’attribution des marchés d’état à des entreprises burkinabés, pour punir les entrepreneurs ivoiriens qui ont soutenu Laurent Gbagbo, sonne comme la mesquinerie d’un homme qui n’a pas réussi à se débarrasser de ses propre démons et qui vit en permanence dans une logique de revanche et de vendetta personnel à la tête d’un pays qui pourtant se veut solidaire de tous ses habitants.

Cette idée de vouloir modifier la constitution pour faire d’Henri Konan Bédié un vice- président de façade mettra au sommet de l’Etat des malades et des grabataires pour préparer la prochaine crise postélectorale. Les auteurs des exécutions sommaires, les occupants des domiciles et plantations doivent savoir que c’est aux fusils et dans des battus organisées par des milices d’autodéfense qu’ils videront les lieux. Alors qu’on pouvait éviter ce qui est déjà devant nous.

L’incapacité du gouvernement à vider les dozos de l’espace public nous étonne et nous rend perplexe sur sa volonté de gouverner le pays dans la paix et la stabilité. Les nominations ethniques dans l’administration publique et la perte de toutes responsabilité par l’opposition, affaiblit le pouvoir qui est vu par les ivoiriens comme un pouvoir ethno tribal et régionaliste contre le reste de la Côte d’Ivoire. Voilà pourquoi d’autres se précipitent déjà au Burkina Faso pour mettre leur famille à l’abri.

Ceux qui soutiennent Ouattara qui s’étonnent aujourd’hui des fêtes au champagne que ses ennemis organisent en sourdine étaient là hier quand toutes ces souffrances s’affichaient au grand jour. Leur silence ne leur donne plus de crédibilité pour aider les ivoiriens à retrouver le chemin de la paix. La pacification par la force avec une armée mono ethnique et ses zozos ainsi que ses dozos, vient de nous montrer ses limites. Cela doit donner à réfléchir à tous les voisins et autres aventuriers du pillage gratuit. Ceux qui sont venus violer la Côte d’ivoire comme une fille de joie sans défense, doivent s’en souvenir.

V – Postulat de conclusion générale

Aussi bizarre que cela puisse paraître de nombreux ivoiriens ne souhaitent pas la mort d’Allassane Dramane Ouattara, en raison du vide et des problèmes qui vont se poser de façon insoluble à la Côte d’Ivoire. Le PDCI-RDA. En sortira très affaiblit et sera inaudible durablement sur la scène politique ivoirienne. Car il aura difficilement une alternative crédible à proposer aux ivoiriens à cause de sa propension à manger à tous les râteliers sans état d’âme.

Le FPI se positionnera en arbitre ou en faiseur de roi. Ses souffrances, ses prisonniers et son attachement à la souveraineté nationale ainsi qu’à l’indépendance lui vaudront des sympathies, mais autour de quel leader et de quel bilan? Il faut plus que cela et aussi faire attention aux expériences des autres pays. Iulia Timochenko n’est-elle pas sortie de prison en Ukraine alors que Viktor Inoukovictch, le dictateur qui l’avait jeté en prison est aujourd’hui en fuite ?

Boumediene est mort en laissant Hamed Ben Bella en prison mais vivant. Sékou Touré est mort en laissant en prison de nombreux prisonniers au sinistre Camp Boiro de Conakry. Seyni Kountché est mort en laissant son prédécesseur le président Hamani Diori en prison. Allassane Ouattara risque de Mourir en laissant Gbagbo Laurent et son épouse en prison. Voilà ce que personne ne souhaite. Comment pourrons-nous pleurer demain celui qui n’a eu aucune magnanimité pour ses adversaires ? La vie et la survie d’Allassane Dramane Ouattara, se trouve bizarrement dans ce dilemme que personne ne veut affronter.

Ceux qui connaissent comment fonctionne l’Etat en Afrique, nous disent déjà ce qui attend les ivoiriens dans les mois prochains. L’inapplicabilité de la constitution si le brave homme indéboulonnable et Pape du rattrapage ethnique venait à mourir.

– L’article 40 de la constitution ivoirienne d’Août 2000 stipule de façon claire « Qu’en cas de vacances de la présidence de la république par décès, démission,, empêchement absolu, l’intérim du président de la république est assuré par le président de l’assemblée nationale. Pour une période de 45 jours à 90 jours au cours de laquelle il fait procéder à l’élection du nouveau président de la république.

– L’empêchement absolu est constaté sans délai par le conseil constitutionnel saisi à cette fin par une requête du gouvernement, approuvée à la majorité de ses membres. »

Dans un gouvernement composé justement à 75% de nordistes où le conseil constitutionnel trouvera t-il la majorité pour le saisir d’une telle requête ? Il y a un véritable imbroglio qui se prépare avec des milliers de morts, la fermeture des banques, le bouclage du plateau et une chasse à l’homme meurtrière dans le pays. Cette fois il n’y aura pas de prisonniers des deux côtés.

Les ambassades ont déjà reçu des instructions de leur pays de ne garder qu’un personnel réduit. L’armée française a renforcé son dispositif, pour appuyer une transition politique en faveur des intérêts français.

Soro Guillaume, qui jusqu’à preuve du contraire reste le chef d’une rébellion armée doit se rappeler la situation de notre frère le président de l’assemblée nationale guinéenne de Conakry, le mathématicien, Aboubacar Somparé, qui fut allégrement ignoré en décembre 2008, par les militaires et la société civile au moment de la succession du général Lansana Conté.

Si cela ne lui suffit pas qu’il observe bien la succession du général Etienne Gnassingbé Eyadema au Togo et la façon dont l’ancien professeur de droit de l’université de Lomé Fambaré Ouattara Natchaba, fut écarté de la succession et de l’exil qui lui fut imposé au Bénin voisin avant de rentrer au Togo la queue entre les jambe comme un chien apeuré.

Si Soro Guillaume s’amusent à voyager à gauche et à droite dans cette période, il risque de se retrouver bloqué à l’étranger et dans ce cas l’assemblée nationale en séance extraordinaire élira un nouveau président qui fait l’affaire de la France. Voilà ce qui va arriver.

Tous ceux qui ont méprisé l’opposition et insulté l’avenir commun au nom de leurs petits intérêts sordides, mesquins, partiels et parcellaires, transpirent déjà de froid et d’effroi. Car ils se rendent compte qu’il va falloir composer avec les autres ivoiriens pour éviter le chaos généralisé qui se prépare dans les officines parisiennes.

Où étaient-ils quand pendant des années nous leurs disions ici même et au quotidien que le rattrapage ethnique et la république des dozos est une aberration dans l’état de droit ? Où étaient-ils quand nous leurs disions hier encore que la réconciliation nationale était plus que nécessaire pour construire le vivre ensemble afin de ne pas insulter l’avenir commun ? Nous n’avons reçu d’eux, qu’insultes et menaces de mort. Les voilà et les revoilà aujourd’hui assis sur la chaise de leur propre aveuglement.

Victor Hugo dans les misérables résume mieux ici notre propos :

« Il n’y a pas plus de reculs d’idées que de reculs de fleuves. Mais que ceux qui ne veulent pas de l’avenir y réfléchissent. En disant non au progrès, ce n’est point l’avenir qu’ils condamnent, c’est eux-mêmes. Ils se donnent une maladie sombre ; ils s’inoculent le passé. Il n’y a qu’une manière de refuser Demain, c’est de mourir. » Que Dieu bénisse et protège la Côte d’Ivoire, merci de votre aimable attention

Dr Serge-Nicolas NZI

Chercheur en Communication

nicolasnzi@bluewin.ch

Lugano (Suisse)

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