La Côte d’Ivoire est le syndrome d’un certain échec français en Afrique

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L’opposant gabonais qui a ouvert les yeux au monde par une lettre ouverte sur la gestion ubuesque des ressources naturelles  et la gestion sulfureuse de l’économie  gabonaise  du président défunt Omar Bongo se prononce sur l’échec de la politique française en Afrique. Le Lynx a obtenu copie. Lecture !

Ce qui se passe en Côte d’Ivoire, cinquante après les « Indépendances Africaines » résulte sans doute de l’incapacité des autorités françaises à favoriser un nouveau modèle de coopération avec les anciennes colonies africaines, en modifiant en premier lieu une politique d’influence obsolète et en n’ostracisant pas de nouveaux acteurs politiques africains.

Le Président Sarkozy, ses conseillers et son gouvernement peinent visiblement à analyser le discrédit de la « Françafrique » (acteurs locaux africains et internationaux confondus), la politique migratoire inutilement vexatoire et la séduction exercée par de nouvelles puissances qui minent lentement mais surement les positions de Paris.

Le Président Senghor avait pourtant appelé à une vision de ce que l’Afrique devrait être pour la France et de ce que la France pourrait faire pour l’Afrique. L’ombre des oiseaux de mauvais augure qui virevoltent au-dessus de l’Élysée, empêchent peut-être le Numéro 1 français de voir comment depuis la fin de la Guerre Froide, la France a plus ou moins perdu une place dite de choix en Afrique francophone, même en « sauvant » quelques bastions politiques, militaires et économiques de premier plan à l’exemple du Gabon.

Il n’en demeure pas moins que les entreprises françaises sont désormais en concurrence directe avec des multinationales chinoises et américaines pour ne citer que ces puissances.

1. DU PRINCIPE DE RÉALITÉ

L’autorité politique de la France en Afrique francophone sera de plus en plus contestée quelque soit le futur immédiat de la Côte d’Ivoire ou du Président Laurent Gbagbo. Ce dernier, bien que n’étant pas au fond, le modèle de leader (à la Nelson Mandela) attendu au XXIe par tous les Africains francophones a réussi à apparaitre tout de même dans l’inconscient collectif de millions d’âmes sur le continent noir comme le porte-parole de nouvelles générations souhaitant remettre en cause un certain « diktat ».

Et ce ne sont pas les menaces françaises contre M. Gbagbo de ces derniers jours qui vont améliorer les choses ! Bien au contraire, au Togo, au Gabon, au Tchad, au Congo-Brazzaville et ailleurs, malgré la dénonciation des oppositions (souvent difficilement crédibles parce que composées d’anciens potentats) du soutien de la France aux régimes autoritaires, il n’ ya pas eu d’inflexion significative de la politique africaine de l’Élysée.

En juillet 2007, le discours du Président Sarkozy à Dakar a traumatisé l’Afrique francophone et il n’y a pas eu l’alternance qu’on exige au pouvoir d’Abidjan, à Libreville, à Ndjamena, à Lomé, à Ouagadougou, à Brazzaville … et même à Conakry, on a trouvé que d’anciens collaborateurs du dictateur défunt Sékou Touré pour les premières élections jamais organisées par la Guinée. C’est dire le désert politique qui caractérise souvent l’Afrique francophone ! Et pourtant, nous sommes loin de l’autocritique sur les bords de la Seine.

La France a la réputation depuis toujours de soutenir envers et contre tout les dictateurs de l’espace francophone : Jean Bédel Bokassa (Centrafrique), Joseph Mobutu République Démocratique du Congo [RDC], ex-Zaïre), Gnassingbé Eyadema & Fils (Togo), Sassou Nguésso (Congo), Idriss Déby (Tchad) ou Omar Bongo & Fils (Gabon). Paris s’est opposé notamment aux sanctions décidées par l’Union Européenne contre le Togo en 1993.

L’Élysée est dans une position qui tient de la schizophrénie politique : d’un coté, elle ne veut pas s’ingérer dans les affaires internes africaines sans toutefois rester indifférente ; d’un autre côté, elle préconise la stabilité des relations internationales, ce qui l’incite à négliger la nature des régimes en place. Et c’est quelque chose d’incompréhensible !

M. Sakozy voulait mettre un terme en 2007 à la « Françafrique » mais il a fini par limoger son « Ministre » de la coopération, M. Jean-Marie Bockel sur pression du Gabon en 2008. Sans compter les intérêts de ses grandes entreprises qui l’incitent à certaines complaisances. En résumé, le malaise y compris dans le bourbier ivoirien qui vient est la résultante de l’incapacité de la France à se conformer à ses grands discours sur les droits humains. Cette attitude explique en partie seulement la relation d’amour –haine que les Africains entretiennent avec elle.

2. RIEN N’EST JAMAIS PERDU

Plutôt que d’allumer un nouveau brasier en Côte d’ivoire, il appartient à la France de montrer à ses partenaires africains qu’ils peuvent « sortir gagnants » d’une relation transparente avec elle. Des Pays d’Afrique francophone renouvelés avec des acteurs désintéressés donneraient quitus à la France des errements du passé et en feraient leur porte-parole privilégié au sein du G8 et le médiateur incontournable de l’Union européenne dans les relations Nord-Sud …

La clarification de la politique de la France sur le continent noir lui permettrait déjà de mettre en valeur ce qu’elle fait au coup par coup. Paris ne sait pas – contrairement aux USA – bien « vendre » ses actions positives : premier contributeur du Fonds Européen de Développement (FED), principal contributeur du programme Facilité pour la Paix de l’Union Européenne (250 millions d’euros) …etc. De nouvelles aspirations populaires émergent et nous vivons comme la fin d’un monde en Afrique francophone. Ceux qui sont en train de vivre la fin d’un temps ne s’en rendent pas toujours compte. Cela a été le cas des Soviétiques en 1989 avec la chute du Mur de Berlin et ce sera toujours ainsi jusqu’à la fin de tout.

Nicolas Sarkozy doit comprendre que l’urgence des urgences est que la France intègre dans ses logiciels une évidence fondamentale : l’enrichissement à venir des Peuples Africains n’est pas contraire à l’économie mondiale ni au Pouvoir Global. Il est impératif qu’arrivent à la tête des pays africains des décideurs qui permettront de faire baisser une misère sans fin.

Avec internet, le téléphone portable et tant d’autres moyens de communication captés dans les zones les plus reculés du continent, chaque jeune africain sait désormais que sa vie pourrait être différente si la France ne soutenait pas des Présidents dont le bonheur de leurs compatriotes est bien la dernière des préoccupations.

Nos parents et nos ancêtres ont toujours souffert … Ils n’avaient pas à leur disposition les moyens de communication de cette génération. Ils souffraient physiquement et moralement mais en qui nous concerne, nous souffrons de souffrir : c’est une douleur métaphysique car nous avons pris la dimension de l’injustice qui frappe l’Afrique francophone.

Devant la volonté de sortir de l’ornière, la puissance française ne suffira pas à faire reculer les plus déterminés (non pas les négociateurs nocturnes), ceux qui veulent vivre une vie normale sur une terre enfin normalisée ! Cette masse de jeunes (des millions et des millions) sera un des défis majeurs de l’Occident dans les trente prochaines années.

La Côte d’Ivoire est le syndrome d’un certain échec français en Afrique mais il n’est jamais trop tard pour réparer les pots cassés et la France trouvera toujours une oreille pour l’écouter. Mais, l’époque actuelle ne peut se passer d’un changement en profondeur et il faudrait un miracle pour que les choses se passent désormais dans la sérénité. A moins de trouver en France des politiques ayant une densité exceptionnelle. Nous attendons de voir ! Pour l’instant, à gauche comme à droite, il n’ y a pas lieu d’être optimiste.

Voilà pourquoi, je crois malheureusement que la Côte d’Ivoire est un bourbier à venir (à cause de l’ONU principalement) qui pourrait enflammer l’Afrique de l’ouest et en faire le théâtre d’une nouvelle « Guerre Mondiale » ne disant pas son nom comme celle qui n’est pas encore terminée en RDC ou dans les Grands Lacs.

Que Dieu sauve l’Afrique et le monde de nouveaux périls insensés !

Bruno Ben MOUBAMBA

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