L’opposition dans la perspective des présidentielles de 2015 – Le poids du rapport des forces

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 Comment le renverser est en réalité le premier des problèmes sur lequel l’Opposition devrait focaliser ses énergies depuis des années déjà

Renverser le rapport des forces est toujours possible ; mais à une condition : que des partis d’opposition, qui ne se retrouvent pas dans la politique d’opposition conduite jusqu’à présent, acceptent de se mettre ensemble pour se donner une autre politique d’opposition sur la base d’une alliance politique solide et durable.
Plus aucun doute maintenant : la politique conduite jusqu’à présent par le courant dominant de l’Opposition est plus que jamais incohérente par rapport aux aspirations profondes de la masse des opposants au changement démocratique. Par cette incohérence, les partis du courant majoritaire ont définitivement affaibli l’opposition toute entière. L’affaiblissement a pris des proportions véritablement désastreuses à partir de 2012. Résultat, le rapport des forces Opposition/Régime est plus que jamais en faveur du régime et en défaveur de l’Opposition considérée dans toutes ses composantes.

L’état du rapport des forces était devenu favorable à l’Opposition à partir de 1990. Il est redevenu favorable au pouvoir en place depuis la restauration violente du régime dictatorial par Eyadema et son armée à partir de fin décembre 1991. Un certain nombre de partis d’opposition avaient alors dévié la lutte d’opposition de son objectif initial, et l’ont engagée dans une orientation électoraliste à partir de février 1992. Cette désorientation a sans cesse aggravé la situation au profit du pouvoir despotique. L’Opposition s’est ainsi constamment retrouvée en situation de faiblesse face au régime.

C’est parce que le rapport des forces est continuellement favorable au régime que l’Opposition, considérée dans son ensemble, ne parvient jamais à imposer quoi que ce soit au pouvoir. Et que ces partis cèdent toujours devant les exigences du régime et de son parti, et se contentent de dénoncer, de demander, de fanfaronner sans cesse.
C’est pour cette même raison que des partis d’opposition abandonnent la lutte d’opposition et préfèrent aller collaborer avec le régime. Koffigoh avait annoncé la couleur en se rangeant du coté d’Eyadema en 1992, pour pouvoir continuer de garder sa position de premier ministre. Les partis regroupés au sein de la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP) en 1998 ont suivi le chemin en prenant ouvertement fait et cause pour le régime, à partir de 2004, dans l’histoire des « 22 engagements » concoctée par Bruxelles et le régime pour flouer la masse des opposants togolais.

C’est parce que le rapport des forces est toujours favorable au régime que ce dernier a pu créer les institutions antidémocratiques, qui lui ont permis de se maintenir au pouvoir jusqu’à présent : la Cour constitutionnelle (1996), la HAAC, l’appareil judiciaire… Si le régime a pu organiser à chaque fois des élections frauduleuses, manipuler les résultats des scrutins, faire le hold-up électoral de 1998, modifier unilatéralement la constitution de 1992 en 2002, imposer Faure Gnassingbe en 2005, rejeter avec tant d’arrogance le « projet de loi » introduit à l’Assemblée par le gouvernement en 2014 pour brouiller la piste…, c’est parce qu’il s’est toujours senti en position de force par rapport à une Opposition à chaque fois en position de faiblesse.

Le cas des dialogues est caricatural de ce point de vue. Aucun des dialogues dans lesquels ces partis du courant majoritaire, qui parlent à la place de la population, se sont à chaque fois rués depuis 1993 en jouant du coude, n’a fait avancer la lutte d’opposition. Cela tient au fait que ces partis se sont toujours rendus à ces dialogues dans une situation politique où le rapport des forces est constamment en faveur du régime et en défaveur de l’Opposition. Y compris le 12ème dialogue.

En réalité, ce dialogue s’est soldé uniquement par la nomination d’Agboyibo au poste de premier ministre (au grand dam des dirigeants de l’UFC), et par la participation de quelques partis du courant majoritaire au gouvernement dit d’union nationale présidé par le CAR. Lequel de ces partis a pu user de sa position dans ce gouvernement pour imposer les réformes ? Qu’est-ce que les dirigeants de l’UFC ont pu faire d’autre que de bouder ce gouvernement du seul fait que c’est le chef du CAR que Faure Gnassingbé a préféré et non un des leurs ? Qu’est-ce que les partis d’opposition ayant siégé dans le CPDC ont pu faire pour faire plier le pouvoir sur la question des réformes ? Est-il nécessaire de parler encore du CPDC rénové ?

Si le régime a toujours tergiversé, fait du dilatoire, manœuvré pour enterrer la question des réformes jusqu’en 2010, c’est parce que le rapport des forces est en sa faveur et toujours gravement en défaveur de l’opposition. Et la situation s’est empirée depuis 2012, comme le montre bien le traitement réservé par le pouvoir et son parti à cette question tout au long de l’année 2014.

Les partis d’opposition qui obstruent le paysage politique n’en seraient pas encore aujourd’hui à demander à Faure Gnassingbé de faire des réformes et à continuer de crier « au secours » en direction de la « Communauté internationale », si l’Opposition avait pu mettre le rapport des forces en sa faveur.

Le problème du rapport des forces est donc vital pour l’Opposition. Comment le renverser est en réalité le premier des problèmes sur lequel l’Opposition devrait focaliser ses énergies depuis des années déjà. Il est en effet plus important que le problème des réformes. Et si le rapport était en faveur de l’Opposition, elle n’aurait même pas eu besoin de poser le problème des institutions en termes de réformes. Elle les aurait tout simplement abolies et les aurait remplacées par des institutions démocratiques qu’elle aurait créées elle-même pour régler une fois pour toute la question du déficit démocratique à laquelle le pays est confronté depuis des années.

Et que dire de la question de la transparence des élections, de celle du « chef de file de l’opposition », ou de celle de la candidature unique… ? Si le rapport des forces était en faveur de l’Opposition, celle-ci aurait réussi depuis longtemps à imposer le scrutin à deux tours, en donnant ainsi aux partis d’opposition la possibilité de nouer des alliances électorales pour se donner la chance de gagner au 2ème tour, s’ils n’y sont pas parvenus au premier tour.
Dans cette situation politique particulière dans laquelle se trouve notre pays, la CDPA-BT avait souligné, à plusieurs reprises, que le renversement du rapport des forces n’est pas l’affaire d’un seul homme, si charismatique soit-il et quels que soient les hauts faits de la dynastie dont il est issu. De même, il n’est pas l’affaire d’un seul parti d’opposition, si grand soit-il.

Renverser le rapport des forces est toujours possible ; mais à une condition : que des partis d’opposition, qui ne se retrouvent pas dans la politique d’opposition conduite jusqu’à présent, acceptent de se mettre ensemble pour se donner une autre politique d’opposition sur la base d’une alliance politique solide et durable.

Lomé, le 16 mars 2015

Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
E. GU-KONU
 

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