Le 28 février, les Togolais, dont l’équipe de football a été victime d’une fusillade la semaine dernière en se rendant à la Coupe d’Afrique des nations, sont appelés aux urnes pour élire leur président. Un ancien secrétaire d’Etat de François Mitterrand, Kofi Yamgnane, franco-togolais, se présente à cette élection pour battre le président sortant, Faure Gnassingbé.
Ce dernier a pris la succession de son père, Gnassingbé Eyadema, mort en 2005 et resté au pouvoir trente-huit ans.
« C’est une vraie campagne de proximité ! » Loin de la Bretagne dont il a longtemps été élu député PS et maire de Saint-Coulitz (Finistère), Kofi Yamgnane parcourt le Togo depuis près d’un an. L’ancien secrétaire d’Etat à l’Intégration de François Mitterrand (1991-1993) se présente le 28 février à l’élection présidentielle de ce pays pauvre où il est né il y a soixante-quatre ans. De village en village, le Franco-Togolais vient présenter sa candidature. « C’est comme pour une élection cantonale dans le Finistère, je fais toutes les communes, lâche-t-il, mais alors qu’en Bretagne j’en avais 14 à parcourir, là, je dois voir 4 825 villages. »
Jeudi dernier, il a ainsi passé la journée dans la préfecture de Tohoun, à quelque 200 km au nord-est de Lomé, la capitale. « Ce ne sont pas des pistes mais des crevasses », souffle-t-il en sortant du 4 x 4 climatisé après trois heures de route. A chaque arrêt, c’est le même rituel. Le comité local de soutien a réuni entre cinquante et cent habitants. Souvent pieds nus, installés à l’ombre (il fait plus de 30 o C) sur des bancs en bois ou debout, ils viennent écouter Yamgnane, que la plupart ne connaissent pas. Innocent, l’animateur de l’équipe de campagne se charge en quelques mots des présentations : « Ingénieur des Ponts et Chaussées, député, ministre, conseiller général… » Surtout, il chauffe le public en lui faisant répéter le slogan du candidat « Essu nene (NDLR : ça suffit, en togolais) 2010, ça doit changer ».
Lorsqu’il prend la parole en français, « le Breton de l’après-marée noire », comme il s’est longtemps lui-même surnommé avec humour, insiste surtout pour que les Togolais ne cèdent pas aux pressions du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti au pouvoir. « Le RPT va venir vous voir, il va vous proposer de l’argent pour que vous votiez pour le président Faure Gnassingbé, crie-t-il . Prenez cet argent, c’est le vôtre, ils l’ont volé au Togo, mais dans l’urne, débarrassez-vous d’eux ! » Les habitants applaudissent. « Je ne vous promets pas la lune », clame-t-il en décrivant son programme où figurent l’école gratuite et la construction de centres hospitaliers, mais je vous donnerai du travail car le Togo est un chantier ! » Dans ce pays où près de 60 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, le discours séduit. Un homme assis sur sa moto semble convaincu. « C’est le seul à venir nous voir, ça va marcher », pense-t-il. Un autre avoue qu’il ne le connaissait pas, mais que « ce qu’il dit est bien ». En partant, son entourage distribue quelques-unes des 500 000 cartes que Yamgnane a fait imprimer pour résumer ses propositions électorales. Mais l’ancien député du Finistère est conscient des difficultés. « Beaucoup ne savent ni lire ni écrire, analyse-t-il, cela complique la tâche, car ils prennent nos papiers, mais combien les lisent ? »
« C’est beaucoup plus fatigant qu’une élection en France »
Le candidat mise donc sur ses nombreux déplacements ainsi que sur ses comités de soutien locaux. Dans les dix préfectures du Togo, ses supporteurs s’organisent. Malgré la pression qu’ils subissent de la part du pouvoir, « son excellence », comme certains appellent déjà Kofi, les prie de ne pas céder et de continuer « le travail de sensibilisation auprès de la population ».
Le soir, dans la voiture qui le ramène à Lomé, le Franco-Togolais sifflote avant de s’assoupir. « C’est beaucoup plus fatigant qu’une élection en France », constate sa femme, Anne-Marie, venue l’épauler. Officiellement, la campagne ne démarrera que quinze jours avant le scrutin. Yamgnane retournera alors partout où il pourra et prononcera 35 discours, à raison de trois par jours. Hier, il a déposé son dossier de candidature qui comprend notamment un bulletin de santé. Pour le remplir, il était allé passer la visite médicale à l’hôpital de Lomé. Dans les couloirs, Same Djobo, son directeur de campagne, en a profité pour distribuer quelques cartes de propagande électorale. Des infirmières ont promis d’organiser un comité de soutien.
Rosalie Lucas