Ne nous leurrons pas, pour la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo est incontournable.
Paris – Le parlementaire ivoirien Kouadio KONAN Bertin, dit KKB , candidat déclaré à la présidentielle de son pays en octobre prochain a animé un meeting le samedi 28 mars dernier, au 29 rue Sadi Carnot à Aubervilliers , banlieue immédiate au nord-est de Paris).
A cette occasion il a confessé son « erreur » d’avoir voté pour Alassane Ouattara lors de la présidentielle de 2010, ajoutant que qu’on ne l’y reprendrait plus. Devant des militants du PDCI-RDA-France ayant choisi de ne pas répondre favorablement à l’appel de Daoukro et des partisans de Laurent Gbagbo, KKB a expliqué que ses visites à l’ancien chef de l’Etat ivoirien Laurent Gbagbo répondaient aux traditions et cultures ivoiriennes et à une ambition pour la construction d’une Côte d’Ivoire nouvelle. « Chez nous en Côte d’Ivoire, quand un homme perd un parent, on va lui dire »yako ». Je suis allé traduire ma compassion au président Laurent Gbagbo, et je lui avais promis que je reviendrais lui faire le compte-rendu des obsèques de sa mère. C’est ce que je suis allé faire lors de mon second et récent voyage à La Haye. Il n’y a aucune intention électoraliste dans mes démarches (…) Si j’avais été Alassane Ouattara, est ce que je n’aurai pas été un temps soit peu calculateur pour faire une opération de charme en désignant une forte délégation de ministres et leur confier d’aller dire »yako » à mon frère à La Haye malgré nos palabres, car chez nous en Côte d’Ivoire, c’est lors des funérailles que les familles désunies se réunissent. Et on voit avec l’ancien président comment l’Etat enterre la mère d’un ancien chef de l’Etat. Fait comme ça, c’est la porte ouverte au dialogue entre vous deux. La paix des coeurs, on ne l’obtient pas par la force et la brutalité(…) Ne nous leurrons pas, pour la paix et la réconciliation en Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo est incontournable.
Quand je partais voir Laurent Gbagbo pour la première fois, aucun membre de la classe politique ivoirienne ne voulait aller le voir, il était comme un pestiféré. Il y a même eu un ministre pour me reprocher d’être allé rendre visite à Gbagbo. Aujourd’hui tout le monde court à La Haye… » a expliqué l’adversaire déclaré d’Alassane Ouattara pour la prochaine élection présidentielle ivoirienne. Revenant sur la situation sociopolitique et économique en Côte d’Ivoire, l’irréductible du PDCI n’a pas usé du dos de la cuillère pour présenter un sombre tableau du vivre-ensemble ivoirien. « Laurent Gbagbo a eu 47% des voix dans les conditions que nous connaissons tous, vrai ou faux, c’est 47% des Ivoiriens qui sont en marge de la république. Je vis en Côte d’Ivoire et je le vois. Pour les 47% de ces Ivoiriens là, la vie s’est arrêtée depuis que Laurent Gbagbo est à La Haye. C’est bien de bâtir des ponts, mais quels ponts même ? (…) Pour qui les construit-on ? Des Ivoiriens sont en exil partout dans le monde. Quel est ce président qui est heureux pendant que son peuple est éparpillé partout dans le monde (…) Il n’y a que Ouattara et Duncan qui voient leur croissance.
Les Ivoiriens quant à eux ne sentent pas cette croissance. Et ils nous demandent est ce que c’est pont on mange ? » s’est-il plaint. C’est également sans ambages qu’il a énoncé que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé étaient des victimes d’une injustice par le fait qu’ils soient les seuls a être poursuivis après la crise postélectorale en Côte d’Ivoire. « J’estime que Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé sont victimes d’une injustice tant qu’ils seront uniquement les seuls à La Haye. Je ne dis pas que Laurent Gbagbo n’est pas coupable de ce qu’on lui reproche, je dis que la guerre se fait à deux, la réconciliation et la paix se font aussi à deux(…) Il y a eu la guerre en Côte d’Ivoire, nous voulons en connaître les responsables, je ne suis pas pour l’impunité. Il y a eu des morts chez Ouattara, il y aussi eu des morts chez Laurent Gbagbo. Est-ce Laurent Gbagbo qui a tué les partisans de Ouattara et ses propres partisans ? Et les victimes partisans de Laurent Gbagbo que fait-on d’elles ? Si on estime que c’est à La Haye que la lumière doit être faite alors il faut aussi envoyer à La Haye les gens qui sont assis à Abidjan. De sorte que les deux camps s’expliquent et que les Ivoiriens sachent qui dit vrai ou faux.
Mais tant qu’il n’en sera pas ainsi, c’est ce que les blancs appellent la justice des vainqueurs, donc l’injustice. Et je ne soutiendrai jamais l’injustice, je ne soutiendrai jamais une justice de vengeance » a soutenu l’ancien président de la jeunesse du PDCI-RDA, allié du RDR au sein du RHDP. Sur cette étape de son parcours politique de son soutien à Alassane Ouattara, KKB a marqué son regret d’avoir porté son suffrage sur la candidature de l’actuel président ivoirien lors du second tour de la présidentielle de 2010. « Je confesse devant les Ivoiriens, j’assume ma part, oui j’ai voté Alassane Ouattara lors du second tour. Mais je ne commets pas deux fois la même erreur. Que monsieur Ouattara sache que je ne commets pas deux fois la même erreur. Je vais le battre, et en novembre tout va recommencer » a-t-il déclaré. Sur l’élection présidentielle à venir, KKB a exprimé ses craintes sur la probable issue tourmentée de l’élection de 2015 comme en 2010. Estimant que les mêmes causes produisent les mêmes effets, Kouadio Konan Bertin a indiqué tout était réuni en Côte d’Ivoire pour une autre crise postélectorale en 2015. Il a principalement indexé la CEI (commission électorale indépendante) qu’il juge profondément dépendante du régime en place. « Mon prochain combat quand je rentrerai en Côte d’Ivoire, ce sera la C.E.I., nous ne pouvons pas aller aux élections avec la C.E.I. dans sa composition actuelle » a annonce Kouadio Konan Bertin.
Jean-Paul Oro