Kemi Seba ou l’émergence d’un panafricanisme radical

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Il vient à peine de souffler ses 35 bougies, mais a déjà derrière lui un parcours d’activiste politique vieux de bientôt 18 années .

D’abord prolifique vendeur de journaux en 1999 à Paris dans la petite branche française des Blacks Muslims (organisation qui révélera une vingtaine d’années avant sa naissance les Malcolm X et Mohammed Ali)

Puis porte-parole de groupuscules afrocentristes radicaux au début des années 2000 (Parti Kemite,Tribu KA), Kemi Seba s’est dans un premier temps fait connaitre comme étant un redoutable activiste noir en France luttant contre la négrophobie, mais n’hésitant pas à manier l’art de la provocation (en adoptant des positions jugées extrêmes sur le lobby sioniste) et l’usage d’actions musclées pour faire entendre ses revendications.

Très vite, face à un terrain militant afro-diasporique laissé vacant en France, Kemi Seba aux alentours de 2008 fut considéré comme étant la figure du radicalisme Noir dans l’Hexagone (notamment par la journaliste de Canal + de l’époque Anne Sophie Lapix dans son émission Dimanche + ).

Âprement combattu par le gouvernement français de Sarkozy, qui n’hésite pas, pour la première fois de l’Histoire de la Vème république à dissoudre 2 de ses organisations afro-descendantes par décret présidentiel, (Tribu KA, et JKS que Seba dirige), il finit même par être incarcéré (en 2007) puis assigné à résidence fin 2010 par la justice française pour tenter de stopper son militantisme impétueux toujours plus remuant. Mais rien n’y fera. Rien ne semblera le stopper. Le journal saphirnews déclarera d’ailleurs à ce sujet en 2008 que le harcèlement médiatico-judiciaire dont il fait l’objet a fini par en faire une icône auprès d’une partie de la jeunesse africaine des quartiers populaires en France.

L’Afrique, et l’amplification de son message

Mais l’étape qui permettra sans nul doute à Kemi Seba de démultiplier son audience demeure plus que jamais son retour en Afrique.

Parallèlement à son installation à Dakar, l’activiste entame individuellement un double cursus universitaire accéléré en philosophie et en sciences politiques sous la direction rigoureuse du savant gabonais Grégoire Biyogo. Sous l’impulsion de ce dernier (qui déclare dans l’ouvrage Black Nihilism que « Seba est l’un des plus brillants élèves qu’il n’a jamais eu), l’activiste se mue progressivement en analyste et penseur panafricaniste, et délaisse les poings pour prioriser les idées. Son verbe, qui était déjà son point fort auparavant, s’aiguise plus encore.

A cela, Seba, qui s’est fait connaitre par la diabolisation des médias français, décide de lancer dans un premier temps, une web-radio, Afro-Insolent, dont les bureaux seront à Dakar, et qui pendant 2 ans sera, sur 50 000 programmes présents sur la plateforme américaine blog talk radio, régulièrement classée parmi les 20 plus écoutées.

De cette étape, Seba en retiendra la nécessité de maîtriser sa communication.

En 2013, il sort son premier ouvrage Supra-Négritude, préfacé par son formateur universitaire Biyogo. Mêlant à la fois parcours de vie militante et idéologie (ce qui deviendra une constante dans ses livres), le livre franchira la barre des 10 000 exemplaires dans la diaspora mais aussi sur le continent, ce sans quasiment recevoir aucune couverture médiatique autre que celle de sa radio.

 

Fin 2013, son nom parvient jusqu’aux oreilles d’Alioune Ndiaye,un animateur de TV sénégalaise, producteur du Grand Rendez vous sur la 2STV. Ayant entendu parler du jeune tonitruant panafricaniste, aux positions anti-impérialiste tranchées,il décide de l’engager en tant que chroniqueur afin que Kemi Seba occupe la position en quelque sorte d’un Eric Zemmour version africaine, (à la nuance prés que les positions du jeune franco-béninois n’auront évidemment pas les mêmes perspectives idéologiques que le polémiste israélite français).

En 2 ans, mêlant ses interventions TV avec ses analyses géopolitiques et autres réflexions sur les réseaux sociaux (sa page officielle Facebook lui servant de catalyseur), Seba démultiplie son nombre de partisans et commence à sensibiliser une masse critique africaine, en réveillant un sentiment enfoui au sein de la jeunesse, un anti-impérialisme occidental viscéral lié à un esprit de solidarité réel.

Au bout de 2 ans, la chaîne Afrique Media (qui fait grand bruit en Afrique centrale) lui propose de quitter la 2STV pour devenir son directeur général au Tchad. Il restera 4 mois, avant de démissionner, déclarant ultérieurement –qu’il n’est pas rentré dans l’activisme pour accepter les mallettes et la corruption-.

 S’il ne dure pas, ses quelques apparitions sur la chaîne (en tant que chroniqueur malgré son poste de directeur général) marqueront une nouvelle fois durablement les esprits de la jeunesse de la sous-région à tel point qu’il y retourne fréquemment désormais pour y effectuer des conférences.

Ses 2 passages à des TV stratégiques dans 2 régions différentes mais importantes pour l’Afrique francophone renforcent son aura et lui permettent d’accélérer le processus de diffusion de ses idées auprès de la masse. Il entame depuis dès lors une tournée mondiale, d’Afrique en Amérique en passant par le Moyen Orient et l’Occident, afin de diffuser son message, aussi bien oratoirement qu’à travers ses livres.

Il monte avec d’autres, l’ONG Urgences Panafricanistes, qui s’illustre rapidement par son soutien appuyé aux militants mauritaniens anti-esclavagistes opprimés. Seba se rapproche des différentes puissances qui selon lui, résistent à l’impérialisme à savoir le Venezuela et quelques anciens lieutenant de Chavez, Cuba, l’Iran et son courant conservateur illustré par Ahamdinejad.

Sa propension à voyager dans ces pays jugés hostiles à l’Occident inquiète du côté de Paris, et en 2016, on apprend que le gouvernement français a décidé de placer Kemi Seba sur la liste des Fichés S, soit les personnalités politiques ou activistes jugées dangereuses par le pouvoir français qui doivent donc être surveillées..

Quelle est la suite de son programme? Seul Kemi Seba et ses lieutenants le savent. La lecture de son ouvrage Black Nihilism en trace les prémices. Il appelle la jeunesse panafricaniste à se préparer pour un combat idéologique (et peut être plus) contre les Institutions occidentales en Afrique, et les africains co-optés par ces derniers. Il cible le mondialisme, comme l’héritier du colonialisme à éradiquer.

Une chose est certaine, à travers lui, nous assistons actuellement à l’émergence d’un panafricanisme radical, radicalement différent de celui des aînés, et beaucoup plus ferme, face aux pénétrations culturelles et politiques occidentales sur le continent. A surveiller, car il s’agit peut être dans l’Histoire récente de l’Afrique, d’un véritable tournant.

Saidou Cissé

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