Jean Paul Pougala répond aux Afrocentristes

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« Vendu, traître, espion de la Chine,  imposteur, les masques tombent, on va te faire la peau, chien des blancs, etc.» ce sont les mots qui ont été choisis pour m’accabler sur les réseaux sociaux pour les adeptes de la Négritude et de l’Egyptologie Noire après mon article il y a 10 jours intitulé « Les Erreurs de nos prédécesseurs ». Ce n’était nullement un hasard si j’ai choisi d’écrire et publier cet article 10 jours avant notre rencontre de ces 2 jours ici à Paris sur l’Afrocentricité.

Je ne suis pas Afrocentriste, mais sommes-nous condamnés à partager à 100% les mêmes idées pour nous rencontrer et nous parler ? J’ai accepté votre invitation pour être parmi vous parce que je crois à l’unité, je crois au respect mutuel, même lorsque nous ne partageons pas certaines idées. Publier cet article 10 jours avant cette rencontre était une sorte de piège et les insultes qui ont fusé contre moi venant de vos adeptes sont la preuve que je cherchais à travers cet article d’un mal de base de notre communauté. Mon intention était celle de mettre à nu un élément fondamental de la faiblesse intellectuelle de notre communauté : la pensée unique.

Notre communauté reproduit sans s’en rendre compte des comportements de soumission, des comportements de refus de la créativité, des comportement d’obéissance à une ligne directive de laquelle il ne faut pas s’éloigner.  Nous ne concevons pas que nous pouvons tous rechercher la même finalité sans obligatoirement passer par le même chemin. Et c’est à ce niveau que prend toute sa valeur ma dissidence intellectuelle profonde par rapport à mes frères et sœurs qui m’ont précédé et ont pris le courage de nous exprimer leur vision du monde et ont proposé leurs propres solutions à trop de siècles d’humiliation de notre peuple.

En sociologie, il est démontré que chaque parent  éduque son propre enfant pour le remplacer au poste qu’il occupe dans le système. S’il est cadre, il éduquera son enfant pour devenir cadre. S’il est  ouvrier, il formera sur le plan éthique et moral ses enfants à devenir  des ouvriers. Par exemple,  la priorité de l’éducation qu’un ouvrier transmet à ses enfants est l’obéissance, c’est-à-dire qu’un « manœuvre » jugera que son fils ou sa fille est un enfant bien éduqué s’il est complètement soumis à lui, à ses injonctions, s’il accepte sans broncher à appliquer sa vision du monde, son interprétation du monde.

Ce faisant, en parfaite bonne foi, il prive son enfant de la capacité à se rebeller au système qui le maintient au stade inférieur d’ouvrier, de « manœuvre ». Pendant ce temps, le patron d’une usine va éduquer son enfant à être créatif. C’est-à-dire à trouver constamment de nouvelles idées, de nouveaux projets qui ne signifient en dernière analyse qu’à pérenniser sa supériorité, sa domination sur les autres.  Le patron ne prétend pas de son enfant qu’il obéisse aveuglement à toutes les instructions qu’on lui donne, mais qu’il soit capable de motiver avec des arguments convaincants, son refus d’appliquer une certaine règle ou directive. Et c’est à ce niveau que se construisent les anticorps pour se préparer des concurrents externes.

Et ceci est transposable au niveau d’un peuple, d’un continent, d’une race humaine.  Notre peuple transmet une éducation du prolétaire, corvéable à l’infini. Si quelqu’un a dit quelque chose, on ne peut pas revenir dessus, on ne peut  le critiquer, on ne peut rien faire d’autre que d’être ses disciples. Mais moi je revendique mon droit à utiliser mon propre cerveau pour rester toujours debout et conscient de rester debout.    Lorsqu’on observe l’histoire européenne, on constate qu’après les 1000 ans  de la pensée unique du 5ème au 15ème siècle, là où le pouvoir religieux était plus virulent, est parti le mouvement culturel et intellectuel  de dissidence en Italie,  la Renaissance.

Alors que l’éducation des maîtres européens  doit laisser l’espace à la critique, le journal français « Marianne » a traité Sarkozy de Filou, alors qu’au même moment, la moindre critique à un simple ministre dans plusieurs pays africains conduit droit en prison.  C’est  l’intériorisation de la soumission, ce sont des comportements qui trahissent l’acceptation du servilisme, de la pensée unique.

Pour revenir à nos prédécesseurs, je respecte Nkrumah et je le cite constamment, mais le penchant Marxiste de sa vision de l’époque me rend très critique, de même que pour Nyerere.  Malgré que Senghor soit célébré partout en France comme un valeureux fils d’Afrique, je veux garder mon droit de le traiter de traître.  Cheik Anta Diop a contribué à éveiller la conscience des populations d’origine africaine surtout dans les Caraïbes et aux USA, mais je veux être libre de  ne pas partager  sa conception de base. Tout d’abord parce que les Africains existent depuis 100.000 ans, contre 20.000 ans pour les Européens. Ramener 100.000 ans d’histoire d’un continent à quelques centaines d’années d’existence d’une civilisation disparue n’est pas un signe de force, mais de faiblesse. Et lorsqu’on démarre une bataille, parce que nous sommes en guerre, on ne démarre pas en envoyant à l’ennemi des signaux de faiblesse.

Je refuse juste qu’on prétende la pensée unique parmi nous; ce serait la fin de tout espoir du changement du sort de notre peuple.

Lorsqu’une recette n’a pas marché, il faut avoir le courage de faire le bilan et de changer de politique. Je propose une autre politique, basée sur l’éveil des jeunes et leur prise du pouvoir économique comme préalable à tout changement de notre destin peut-être je me trompe, mais qu’on veuille l’étouffer est une faute.

Nos ainés et prédécesseurs ne nous ont pas donné de réponses à nos préoccupations du moment, sinon comment expliquer qu’aucun pays n’ait décollé? Ils nous ont donné leurs réponses qu’ils croyaient sincères de nous transmettre, quitte  à nous de les vérifier de les valider ou non en fonction des événements que notre intelligence aujourd’hui nous permet de faire.

C’est dans cette logique, pour permettre à ceux qui nous suivront de prendre la liberté ou non de s’appuyer sur nos batailles d’aujourd’hui que tous mes textes portent une date et souvent un lieu de rédaction. Cela n’est pas un hasard. C’est parce que dans 30 ans, dans 50 ans, ces textes ne pourront être utiles pour nos descendants que si ces derniers pourront être capables de les contextualiser sur le plan pratique, mais surtout, de les situer sur le plan historique et  décider si les valider et les intégrer ou non, en fonction d’abord des résultats qu’ils auront eu le temps de vérifier de l’apport de ces textes sur leur vie au quotidien, mais aussi en fonction des  besoins ou non de l’opportunité de puiser à cette source parmi tant d’autres.

Parce qu’il n’existe pas de vérité bonne pour toutes les saisons, c’est la triste réalité qui est à la base même de la fin des empires fussent-ils les plus puissants.  Aucun texte n’est valable à jamais. Il existe plusieurs vérités, en fonction des périodes et des circonstances. Même la science doute d’elle-même et c’est pour cela qu’elle évolue. L’histoire est une construction d’abord subjective des événements du passé, car la sélection même des faits du passé à raconter est subjective et mon interprétation aussi de ces faits doit suffisamment prendre du recul. Le doute est le début de l’intelligence humaine. Je conseille toujours à mes étudiants de douter de tout, surtout de ce que je leur enseigne, afin qu’ils aient la capacité de mettre mes enseignements à l’épreuve des faits et d’en construire eux-mêmes leur propre vérité.

Panafricanisme ou fédération Africaine?

Revenons aux choses sérieuses, et voilà un sérieux point de divergence entre les afrocentristes et moi. Ils sont pour le panafricanisme, alors que je suis pour les Etats-Unis d’Afrique. Ces deux visions ne sont pas compatibles. Mais j’ai accepté votre invitation dans l’espoir que votre bataille recherche d’abord la convergence pour sortir l’Afrique des griffes de son prédateur historique, l’Europe.

Le panafricanisme est né hors d’Afrique et vise surtout la création d’une Nation des populations Noires. Comme l’avait fait remarquer le Président Naser à son homologue Ghanéen Nkrumah, alors panafricaniste, une Nation de peuple Noire si un jour elle voit le jour, ressemblera au Libéria, où depuis sa création, ce sont les 5% des populations Noires rentrées des USA qui commandent les 95% des populations autochtones, et ceci avec l’aide et l’influence des Etats-Unis pour leurs ressortissants. Comme la prétendue rocambolesque évasion d’une prison à haute sécurité aux USA d’un certain Charles Taylor pour aller prendre le pouvoir au Libéria. La suite on la connait.

Le drame de l’Afrique est que ses enfants hors du continent subissent une telle discrimination surtout en Occident que lorsqu’ils se retournent vers l’Afrique c’est pervertis d’une charge de condescendance, de supériorité de type colonialiste qu’eux mêmes deviennent plutôt un danger pour la stabilité même du continent.

C’est surtout pour cela que je ne suis pas panafricaniste, je ne suis pas pour une Nation Noire où à coup sûr, nous remplacerions les prédateurs à peau claire par de nouveaux à peau plus sombre.

C’est pour cela que j’ai fait un autre choix, celui de me battre pour construire la fédération africaine, j’ai fait le choix d’une consolidation d’une unité continentale africaine, j’ai fait le choix de la construction des Etats-Unis d’Afrique.  Mes textes s’adressent aux fils d’Afrique, du Cap au Caire, de Alger à Gaborone, de Antananarivo à Tunis.  Parce que notre diversité est notre principale force. Et notre très grand territoire de 30 million de Km² débarrassé des barrières et frontières artificielles que nous n’avons pas choisies,  reste la base vitale du départ de notre bataille pour conquérir notre dignité et notre prospérité.  Et pour moi cela est la priorité :  occuper mon cerveau pour constamment me demander comment notre peuple peut-il conquérir le pouvoir économique?

Comment notre peuple peut-il cesser d’être la risée du monde ? Comment nos jeunes peuvent-ils cesser d’aller mourir dans les traversées de la mer Méditerranée? Comment nos jeunes peuvent-ils cesser de fuir le continent pour aller grossir la masse des prolétaires en Occident?

C’est pour tenter d’apporter une réponse à ces questions restées trop longtemps sans solution que j’écris mes articles, gratuitement mis à la disposition de notre peuple. Je ne le fais pas pour une quelconque gloire personnelle, parce qu’il n’existe pas de gloire dans un champ de ruine. Je ne cherche pas l’unanimité autour de mes idées, parce que prétendre que tout le monde partage nos idées est un début de dictature. Les qualificatifs que mes propres frères et sœurs me donnent d’escroc, de sans diplôme, d’imposteur etc. n’est-ce pas le destin de tous ceux qui veulent tenter d’enlever ses chaines à l’esclave? Il s’est tellement accommodé de ces chaines qu’il ne comprend pas comment on viendrait bien parler de la Chine qui met à mal son maître.   

Diplôme ? Oui, ceux qui m’accusent de n’avoir aucun diplôme ont raison. Je n’ai pas un seul bout de papier. Tous mes textes, la force de mes idées ne peuvent être reconduites à un diplôme donné. Le 22 avril 1991, devant un jury de 11 professeurs Italiens à l’Université de Pérouse, je soutenais une thèse sur le développement de l’Afrique, après quoi, le recteur devait me donner un papier sur lequel il se referait au pouvoir que lui conférait le Président de la République d’Italie pour me décerner le titre de Docteur en Economie. 21 ans sont passés et lorsque je relis cette thèse, j’ai honte de ce que j’avais dit et soutenu.

J’ai honte même de me faire appeler docteur, parce que j’ai été formé dans un système construit pour plier l’Afrique. J’ai étudié des théories économiques conçues en tenant compte des paramètres de l’Occident et pour garantir la supériorité de l’Occident. Ce sont mes 14 ans de séjour en Chine qui m’ont servis de miroir pour me voir moi-même, voir ma société, voir l’Occident et comprendre toute l’inutilité pour l’Afrique, pire, toute la dangerosité pour l’Afrique des théories économiques apprises en Occident.  Au premier rang duquel, la conception chrétienne de la plupart des théories économiques enseignées en Occident, comme celle de la dictature de l’individu sur la communauté, l’effacement du groupe, du village devant l’individu, avec la conséquence du manque de l’équilibre et de l’harmonie sociale, la corruption, les assassinats etc.

Oui, ils ont raison de dire que je suis sans diplôme, parce que ce que j’aurais dû faire depuis 21 ans et que je fais tardivement aujourd’hui, c’est de partir de ce qu’on m’a enseigné pour réécrire un autre modèle économique pour la société africaine, en partant des villages, en partant de notre religion africaine.  C’est de répondre à la question :

Comment les villages africains peuvent-ils produire les ressources? Comment en Afrique l’argent peut-il quitter le village pour la ville et non le système occidental de développement sur base urbaine, non maitrisé que des économistes africains comme moi formés en Occident ont malencontreusement imposé en Afrique ? Avec mon équipe, nous sommes en train de choisir des villages pilotes au Cameroun où tester la validité réelle d’une telle théorie. Ce sont les résultats qui permettront de modifier et d’ajuster une reformulation de ce modèle que je prône pour faire de nos villages le centre de la défense de la souveraineté africaine, parce que capable de donner à l’état central ce qui lui fait tant défaut, l’argent.

Pour compléter cette action, nous avons lancé l’opération Afrique 2021, pour faire de l’Afrique, la troisième puissance économique du monde en 2021. Pour y parvenir, je donne depuis 2 ans à travers mon blog, des cours gratuits de Géostratégie Africaine, dont l’objectif principal est celui de créer une base solide de fierté africaine et de tenter d’indiquer aux jeunes africains le chemin à suivre pour prendre le pouvoir économique.

La chance a voulu que nos prédateurs de l’Occident qui nous ont commis tous les torts du passé et du présent sont irrémédiablement en situation de faiblesse, faiblesse morale, faiblesse spirituelle, faiblesse matérielle. Et donc, le moment est propice pour que l’Afrique tente le dépassement, afin de se mettre dans une position de supériorité mentale pour avancer. Nous n’avons pas besoin de nous équiper en armes pour ce travail, juste de notre cerveau et notre capacité intellectuelle de discernement et l’engagement pour y parvenir.  Dès septembre 2012, je vais publier la vraie carte du monde avec ses vraies proportions.

C’est en révélant tous les pièges, les multiples mensonges et les bluffs invisibles que l’Occident a utilisés pour nous convaincre que nous n’avions d’autre choix que de rester leurs esclaves, que je me positionne en éclaireur afin d’indiquer à nos jeunes où sont disséminées les mines sur leur parcours, pour leur permettre d’avancer plus vite.  Je peux voir une mine, et l’autre en voit une autre. C’est pour cela que je suis ici pour demander d’unir nos forces quelques soient nos divergences pour renforcer les éléments de cette Géostratégie Africaine, qui devrait être préalable aux études de tous les Africains quelque soit la filière. Parce que nous sommes en guerre, nous sommes en bataille et c’est une faute d’avancer comme si tout état limpide, sans tenir compte de cette variable.

Tout Africain où qu’il soit doit être un espion pour l’Afrique, pour permettre à l’Afrique de comprendre les secrets des autres; parce que la misère mentale et  la misère matérielle ne sont pas une fatalité, dès lors qu’on comprend qu’elles prennent origine dans la misère spirituelle. On ne peut pas construire une Afrique fière et prospère en trahissant nos ancêtres et leur culte pour adorer les ancêtres des autres et leurs cultes.

Un Africain qui croit qu’un Euro-asiatique a marché sur l’eau, a multiplié les pains et les poissons, mais ne croit pas en son propre ancêtre a quelque chose qui ne va pas dans sa tête et nous devons l’aider, même à travers nos différentes actions, moi avec la Géostratégie et vous avec l’Afrocentricité, car en observant la vie des différents peuples, on constate aisément qu’aucune prospérité matérielle n’est possible dans une misère spirituelle, dans une misère mentale. Partir de nos villages pour lancer le développement de nos pays c’est partir du respect de nos ancêtres comme divinité, c’est avoir nos deux pieds solidement enfoncés dans notre terroir pour être sûr que malgré les adversités du parcours, nous ne tomberons pas tous ensemble. Le village sera toujours là comme symbole de notre authenticité, de notre candeur morale, de notre pacifisme historique. Le village, c’est la fierté d’être nous-mêmes et ce que nous voulons être.

Paris le 13/05/2012

Texte de l’intervention à la conférence sur l’Afrocentricité rédigé le 28/05/2012

Jean-Paul Pougala enseigne « Géostratégie Africaine » à l’Institut Supérieur de Management ISMA de Douala au Cameroun et directeur de l’Institut d’Etudes Géostratégiques de Genève-Douala-Tianjin

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