J’accuse …et je propose

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J’accuse le pouvoir et l’opposition d’aujourd’hui de jouer dans un film navet qui ne fait pas honneur aux Togolaises et aux togolais. La politique est une science qui n’est pas exacte mais c’est une science rigoureuse, qui ne tolère pas des amateurs, des rêveurs et des palabreurs, mais privilégie des hommes et des femmes sérieux qui pensent au bonheur du peuple présent, et à la postérité.

Depuis le 13 janvier 1963, les togolais ont vécu, année après année, dans l’incertitude, dans la douleur et dans le désespoir, surtout à l’approche des consultations électorales.
Le  pouvoir, représenté pendant 52 ans par Sylvanus OLYMPIO (1960-13 janvier 1963), Nicolas GRUNITZKY (1963-13 Janvier 1967), KLEBER DADJO (13 Janvier 1967-23 Avril 1967), Etienne GNASSINGBE Eyadema (24 Avril 1967-5 Février 2005) et Faure GNASSINGBE (Mars 2005 à nos jours), n’a jamais su donner l’espoir à notre peuple. A aucun moment, ni hier, ni aujourd’hui, les Togolaises et les Togolais ne se sont jamais sentis dans la quiétude, dans la paix, dans l’espoir et dans la sérénité d’une vie citoyenne normale…

Si un immense espoir est né avec l’indépendance du pays, le 27 Avril 1960, très vite, Sylvanus OLYMPIO s’est révélé un potentiel dictateur, qui n’a pas su rassembler et a plutôt dichotomisé le peuple… Chasses à l’homme, emprisonnements fantaisistes, bannissements en masse, stigmatisation des opposants, destruction des biens immobiliers et mobiliers, culte de la personnalité, tout ceci, sous un OLYMPIO à courte vue, plus préoccupé par son pouvoir personnel que par le sort de son pays…

Puis GRUNITZKY vint. Le peuple togolais ne l’a jamais « digéré », ne comprenant pas comment, celui-ci peut accepter que des militaires putchistes et assassins de Sylvanus OLYMPIO, son beau-frère, le mettent dans le fauteuil présidentiel laissé dans le sang par son prédécesseur…

Puis vint GNASSINGBE  Eyadema, qui créa le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT ), un parti prédateur qui préleva sans vergogne 5% sur tous les salaires des togolais pendant plusieurs années, institua l’Animation politique qui engloutit plusieurs dizaines de milliards de FCFA, et gâcha la vie à plusieurs dizaines de milliers de jeunes togolais. Ce parti prédateur laissa sur son passage un torrent de sang de nos milliers de nos compatriotes. Lorsque le Général tira sa révérence, il laissa le pays exsangue, dans un état de déni de démocratie, un pays déchiré, qui a perdu de ses valeurs intrinsèques, un  pays qui a perdu de son aura des années 1960…

Puis vint Faure GNASSINGBE. Elu en 2005 dans des conditions abominables, avec au moins 500 morts et dans une violence inouïe, le jeune président essaye de se sortir du bourbier que son père lui a légué. Après un premier mandat de cinq ans au bilan mitigé, Faure GNASSINGBE a entamé son deuxième mandat avec courage et détermination. Quelques succès dans les infrastructures routières qu’il est en train de moderniser, des succès dans le domaine agricole et dans le domaine diplomatique, l’instauration d’une Assurance Maladie pour les fonctionnaires (dossier mal géré cependant, qui fait que le Togo est le seul pays au monde où un malade qui souffre sérieusement est obligé d’aller chez son médecin avec, sous le bras, un kit de quatre registres qui pèsent au moins trois kilo !)…
L’échec annoncé du Président est à coup sûr la gestion politique des réformes constitutionnelles et institutionnelles, avant les prochains scrutins…

C’est ici que j’accuse le gouvernement et le Premier Ministre de faire du dilatoire et de ne pas vouloir faire ces réformes, gage d’une stabilité et du bon niveau de démocratie de notre pays. Le Cadre permanent de dialogue et de Concertation (CPDC,deuxième version), puis le CPDC dit rénové, ont proposé au gouvernement des solutions pourtant judicieuses pour sortir de l’impasse, mais, le manque évident de volonté politique du gouvernement s’est illustré par l’initiation d’un dialogue RPT-partis dit parlementaires. Et quels partis parlementaires ? Le CAR (4 députés), l’ANC (9députés virés du Parlement et six ou sept députés, toujours au parlement, mais qui n’ont pas de groupe parlementaire), et le RPT.
Et c’est un ex-Député, en l’occurrence Mr Patrick LAWSON, qui était élu Président de ce dialogue. Un peu de sérieux Messieurs !
Dialogues sur dialogues, concertations sur concertations, on est amené à croire que le  gouvernement n’a rien à faire d’autre dans ce pays, et qu’il ne comprend pas une évidence patente : en démocratie, le consensus n’est jamais la règle, mais une exception!

C’est d’ailleurs pour cela que les Blancs ont institué la notion de vote. Vous ne pouvez pas obtenir un consensus sur des réformes constitutionnelles et institutionnelles, de la part de tous les partis politiques togolais. C’est aussi vrai qu’une main a cinq doigts en général, ou que mêmes les moutons ne regardent pas tous dans la même direction.

Je suggère au gouvernement ce qui suit :

– Il faut organiser un référendum pour la révision constitutionnelle le 28 octobre prochain.
– Il faut reporter les législatives (et les municipales) sur le 31 Mars 2013.
– Il faut coupler les législatives avec les sénatoriales (en même temps que les municipales)

Je pense même vous suggérer les questionnaires du référendum national :
1-Voulez-vous au Togo, une élection à un (1) ou à deux (2) tours ? : 

2- Voulez-vous au Togo, un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable une seule fois (1) ou plusieurs fois ? :                          

3- Voulez-vous au Togo, combien de députés pour notre Assemblée Nationale ?                                   

4- Voulez-vous d’un Sénat au Togo ? Si oui, combien de Sénateurs voulez-vous ?

5-Voulez-vous pour le Togo, un régime présidentiel, semi-présidentiel, ou parlementaire                                 

6- Voulez-vous d’un scrutin législatif de liste ou d’un scrutin uninominal à deux tours ?

Avec ces six (6) questions, le peuple tranchera et le gouvernement ne perdra plus son temps en dialogues à répétition, tout en sachant bien qu’on ne peut pas avoir un consensus national sur tous les problèmes nationaux et si on veut être sérieux, on doit faire un référendum. Si le Oui l’emporte sur un sujet, à 50% plus 1 (50,001), le projet est adopté et le débat est clos. Le Premier Ministre aura beaucoup plus de temps pour travailler, au lieu d’aller perdre du temps dans les dialogues stériles. Il aura aussi le temps de méditer sur le gouvernement de Mr Jean Marc HERAULT en France, qui compte trente quatre (34) ministres (17 ministres pleins et 17ministres délégués). Oui, la France qui a 60 millions d’habitants, et a un budget annuel deux mille fois supérieur à celui du Togo, n’a que 34 ministres et le Togo en a 33 !

Et l’opposition dans tout ce paysage politique ?

J’avais écrit, à plusieurs reprises, que le Togo avait malheureusement une piètre classe politique. Et cette piètrerie s’approfondit, quand on voit un responsable de l’ANC déclarer récemment que l’ANC va empêcher tout scrutin dont les préparatifs ne seraient pas consensuels, par des actions de cœrcition. Comment un parti peut-il empêcher un scrutin de se tenir dans un pays ? Le vote n’est pas obligatoire dans notre pays et un Président de la République peut être élu avec 10% de votants !  Pire, un Parti togolais, au jour d’aujourd’hui, a-t-il une force capable d’affronter les forces de l’ordre du pays ?  Ce sont ces irresponsables, à double ou triple nationalité, qui envoient des jeunes à l’abattoir, pendant qu’eux-mêmes se planquent à Paris ou Bruxelles, au moindre coup de feu.
L’opposition togolaise n’a fait que des gaffes depuis plus de deux décennies ! Nous n’allons pas revenir sur le péché mignon de certains opposants, qui, sans participer à un quelconque scrutin législatif, s’arrogent le statut d’homme le plus populaire de l’opposition, ou de diriger le parti le plus populaire du pays. Nous ne voulons pas revenir sur le boycott des législatives de 1999, qui a permis au RPT de modifier la Constitution… Il a fallu les législatives de 1994 et 2007 pour savoir qui est qui, et revoir les prétentions à la baisse. Les prochaines élections nous édifieront sur la valeur réelle des partis. En tout état de cause, dans un système politique comme le nôtre, à moins d’avoir seul la majorité absolue, aucun parti ne peut trop se vanter d’être le meilleur du Togo, car il ne trouvera aucun autre parti avec qui faire une coalition pour acquérir une majorité absolue au Parlement.

Au commencement était ce fameux Accord Politique Global (APG), le seul accord qui a été conclu sur un consensus péniblement obtenu. Normalement tous les problèmes constitutionnels et institutionnels auraient dû être réglés par le gouvernement d’union nationale, prévu et formé à la suite de l’APG. Mais Gilchrist OLYMPIO, Jean Pierre FABRE, Patrick LAWSON, Isabelle AMEGANVI et Cie, ont refusé de participer à ce gouvernement d’union nationale sous un prétexte fallacieux. L’UFC d’alors refusa de participer aussi aux travaux du CPDC, prévu aussi par l’APG. Ce CPDC réunissait tous les partis signataires de l’APG et les deux organisations de la société civile (GF2D et REFAMP/T)…
Aux législatives de 2007, l’opposition gagna 31 Députés sur 81 sièges que compte notre parlement, ce qui est mieux que ce que les Socialistes français ont glané dans le Parlement français. Mais, aussi incroyable que vrai, aucun député du CAR, aucun député de l’UFC n’a présenté aucun projet de loi, aucune motion de censure contre le gouvernement. On se demande si les députés de l’opposition savent pourquoi ils sont élus… Demandez par exemple à Jean Pierre FABRE, pourquoi, ayant passé trois ans au Parlement, il n’a jamais posé un seul acte de député qui va dans le sens de révision de notre Constitution, ou du code électoral qu’il fustige aujourd’hui…
Pourquoi ne demande t-il pas à ses sept reliquats de députés sympathisants de l’ANC de présenter des projets de loi de révision constitutionnelle ?

Espérons que la nouvelle Assemblée Nationale prochaine comptera en son sein, des hommes et des femmes qui savent le rôle d’un député.
 
Le Parlement est le lieu idéal pour contrôler l’action du gouvernement. Ce n’est pas dans la rue, ni à la place de l’Indépendance, ni à la plage, que se joue le sort du Togo. Le sort du Togo se joue dans les institutions. Le sort du Togo dépend d’hommes et de femmes sérieux, qui savent à quoi correspond des postes politiques et techniques. Il est vrai que les élections, toutes les élections doivent être transparentes. Pour contrôler la validité de ces élections, il faut avoir ses représentants dans tous les bureaux de vote…

 L’opposition ne doit pas avoir trop de difficultés pour envoyer des milliers de jeunes (qui battent par exemple les pavés tous les samedis), dans tous les bureaux de vote du Togo, de Sinkassé à Nakki Est, de Tandjoaré à Nano, de Bassar à Guérinkouka, de Djarapanga à Nandouta, de Massédena à Djabourai, de Yalouandeni, à Tantora, de Bandali à Igboloudja, de Kouffaota à Kpété Maflo, de Koué à Ossakré…

Tout ça, c’est le Togo hein ? Le Togo, ce n’est pas seulement Kondjindji , la plage, ou la place de l’Indépendance. C’est tous les coins du pays où chaque voix compte, le jour du scrutin…

Comme, on le voit, un homme politique doit avoir tout ça dans le ciboulot. Toute autre attitude est de l’infantilisme politique.

Dr David IHOU, Ancien Ministre de la Santé et de la Population. Consultant en géopolitique et stratégie sécuritaire.

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