Yves Amaïzo: Nous privilégions la vérité des urnes et des comptes

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«Dr Yves Ekoué Amaïzo, Directeur du groupe de réflexion, d’action et d’influence « Afrology » et Coordonnateur International provisoire du Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU), Togo était notre invité au Lynx. L’économiste dans cette longue interview pointe du doigt la réalité togolaise. Il pose le problème et propose des solutions alternatives. Par exemple le déficit de la dette oscille entre -4,6 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2005 à l’arrivé de Faure Gnassingbé et est estimé à -6,7 % du PIB en 2010. Le Togo, malgré une amélioration d’un rang par rapport à 2009 (166e sur 183), n’est passé en 2010 qu’au rang de 165 sur 183. Des chiffres qui laissent à réfléchir. Vous voulez un condensé de tout le drame togolais ? Cette interview vous l’éclaire ». Bonne Lecture ! Interview réalisée par Camus Ali Lynx-info

Lynx.info : Le Togo, c’est la misère, les marches de protestations le chômage, la prostitution juvénile…. Faure Gnassingbé avait fini par lâcher que « les Togolais n’aiment pas leur pays » (FM Liberté, USA). N’est-il pas temps que les Togolais aident à construire leur pays ?

Je vous remercie pour l’invitation et pour l’honneur que vous me faites d’apporter quelques éclaircissements sur vos questions.

La misère, les protestations, les problèmes économiques et sociaux sont, pour l’économiste que je suis, des résultantes de stratégies inexistantes et les conséquences d’arbitrages économiques erronés qui en découlent. Ces stratégies ne sont ni démocratiquement discutées avec les populations ou le parlement, quelle que soit leur représentation. La misère n’est donc pas le fait des citoyens togolais qui peuvent se demander pourquoi ils doivent payer des impôts et avoir de tels résultats économiques.

L’affirmation de Faure Gnassingbé, si elle n’est pas sortie de son contexte, devrait peut-être se lire à l’envers : « Faure Gnassingbé n’aime pas son pays ». Les Togolais et Togolaises et plus particulièrement la Diaspora ont toujours été prêts pour construire le pays. Ce sont les conditions non démocratiques et non transparentes d’organisation et de gouvernance du pays imposées par le réseau Faure Gnassingbé et son parti qui font que même ceux qui décident d’investir dans le pays, finissent, du fait des tracasseries et corruptions diverses et à tous les niveaux, quitter le pays. Mais Faure Gnassingbé pourrait grandement éclairer le Peuple togolais en faisant la liste des contraintes que son système a mis en place et qui font que le Togo se retrouve parmi les 20 derniers de la liste de 183 pays sélectionnés par la Banque mondiale dans lesquels les conditions pour faire des affaires sont prévisibles et facilitées. Le Togo, malgré une amélioration d’un rang par rapport à 2009 (166e sur 183), n’est passé en 2010 qu’au rang de 165 sur 183. Il faut d’ailleurs comparer les performances du Rwanda qui est passé du rang de 143e en 2009 à 67e sur 183 . Il est donc bien question de bonne volonté, d’une vision et stratégie claire sur les modalités de création de richesses et de leur partage dans un pays. Compte tenu des résultats des 5 dernières années de gouvernance de Faure Gnassingbé, il faut douter de la performance, de la qualité, de la compétence collective proposée au peuple togolais. Malheureusement, l’absence de vérité des urnes et des comptes ne permet pas au Peuple togolais de sanctionner d’aussi graves erreurs de stratégies qui se soldent par une pauvreté abjecte et une incapacité à offrir une amélioration collective du pouvoir d’achat à l’ensemble des Togolais, ceci sans discrimination. 

La volonté du Peuple togolais n’est pas en cause. Ce fut, c’est et ce sera toujours un Peuple de travailleurs. Encore, faut-il que les conditions soient en place et que l’on ne travaille pas pour rien ou sans productivité. La construction du Togo est empêchée et la raison fondamentale est politique. C’est le refus de créer une société de confiance, de transparence fondée sur la vérité des urnes et la vérité des comptes tant dans le secteur public que privé qui fait croire à certains que le seul système de gouvernance possible doit reposer sur l’arbitraire et la non transparence et l’usurpation de l’autodétermination des choix des Togolais et Togolaises. Tant que le Peuple togolais croira qu’il s’agit de fatalité, alors ce système perdurera. Mais dès lors que la misère dont vous parlez et les souffrances quotidiennes sont trop importantes surtout en comparaison avec les gaspillages et autres incapacités du Pouvoir à créer les conditions pour l’entrepreneuriat de générer des emplois, des salaires et un pouvoir d’achat décent, alors c’est le Peuple, qui sur la base des informations transparentes, va se prendre en charge, en dehors même de certains dirigeants politiques ou syndicaux qui ont trahi la confiance du Peuple togolais. A ce titre, il n’y a pas lieu de faire la différence entre eux et les comportements non républicains du pouvoir pris collectivement.

Lynx.info : Quand on parcourt le livre « l’Etau » de Mme Aminata Traoré, ex-ministre malienne de la culture, on est tenté de se méfier du FMI. Comment expliquez-vous que le pouvoir togolais lui se complait avec le FMI ?

Il y a lieu d’abord de préciser qu’il n’y a pas lieu de se méfier du Fond monétaire international. C’est une institution financière de développement créée en 1945 en même temps que le Groupe de  la Banque mondiale. Le FMI devait s’occuper essentiellement d’aider les pays lors de difficultés passagères de déficit de balance des paiements et les aider à les prévenir. Malheureusement, ces institutions ont été crées lorsque les pays africains étaient des colonies. Le conseil d’administration n’a pratiquement pas évolué, la direction de cette institution est systématiquement européenne et non tournante et le conseil d’administration marginalise complètement l’Afrique qui y est largement minoritaire. Il est question surtout de comprendre qu’avec plus de 3,6 milliards de prêts concessionnels sans intérêts en 2009 en termes d’engagements uniquement sur l’Afrique subsaharienne, le FMI a multiplié par cinq ses engagements sur le continent par rapport à 2008 . Mais il s’agit d’apports largement en provenance des pays industrialisés, ce qui suppose que les critères d’emprunts de ces sommes par les Africains sont conditionnés à des approches dogmatiques mais pragmatiques d’une économie orthodoxe reposant encore sur les concepts d’Adam Smith et de David Ricardo, bien hors sujet lorsqu’il s’agit de développer un pays sur une base asymétrique. Les approches de John Maynard Keynes ou de Joseph Schumpeter pour prendre des références occidentales seraient plus appropriées pour les économiques africaines. Aussi lorsque le Premier ministre s’appuie sur une approche keynésianiste pour gérer le Togo sans intégrer les approches de Joseph Schumpeter qui rappelle que sans l’innovation et la création destructive, aucune économie n’avance, on peut comprendre comment en cinq ans, une compréhension superficielle du déficit budgétaire accepté temporairement par J.M. Keynes s’est soldé par cinq ans de déficit permanent du solde budgétaire au Togo qui oscille entre -4,6 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2005 à l’arrivé de Faure Gnassingbé et est estimé à -6,7 % du PIB en 2010.

Ce n’est pas le FMI qui a fait ces arbitrages même si les pressions de cette institution ont plus pour objet de faciliter le transfert de propriété des structures productives au Togo vers des propriétaires des pays majoritaires dans le conseil d’administration du FMI. Il n’y a pas lieu en fait de se méfier d’une institution qui offre de plus en plus de transparence grâce à une gestion moins brutale depuis l’arrivée de Dominique Strauss-Kahn, mais même lui ne peut changer les positions du conseil d’administration du FMI.  Donc, il faut simplement bien gérer et avoir suffisamment de réserves pour éviter d’aller demander au FMI d’intervenir dans ses affaires intérieures. Par contre, il y a lieu de continuer à demander au FMI de fournir ses conseils même si l’on n’est pas obligé des les suivre. C’est cette voie qu’a choisi le Président Kagamé du Rwanda lequel a décidé récemment de ne plus demander de prêts du FMI et d’attirer en l’améliorant l’environnement des affaires et en assurant une meilleure lisibilité et prévisibilité de la politique économique, ce qui conduit les investisseurs étrangers à commencer à s’intéresser massivement à ce pays.

Je ne pense pas que le Pouvoir togolais se complait avec le FMI. Il se trouve que la mauvaise gouvernance et la mauvaise gestion se paye cash. Quand on n’a pas d’argent, il faut bien aller le demander quelque part quand personne sur le marché des capitaux ne fait confiance au gouvernement togolais pour rembourser. Alors, le FMI est justement là pour prêter, à ses conditions qui ne sont pas que financières mais belles et bien politiques et ce n’est pas garanti. C’est cette absence de garantie qui a surpris le Gouvernement togolais qui s’est retrouvé piégé par une mauvaise estimation des ses dépenses et un refus de nombreuses structures de financement de continuer à faire confiance à l’équipe au pouvoir en leur refusant des facilités d’accès à des crédits. La solution passe alors par une augmentation brutale des prix contrôlés par le Gouvernement, ce qui signifie que le Peuple togolais doit payer pour les erreurs de gestion et d’arbitrages commises par le Pouvoir en place. Comme cela semble se répéter à l’infini depuis plusieurs décennies, le Peuple togolais commence à s’exprimer avec les moyens du bord et exige que le Gouvernement rende des comptes. Ce dernier ne trouve rien de mieux que de tenter de réprimer tous ceux qui exigent la vérité des comptes publics et surtout refuse de rendre des comptes pour sa gestion. Il suffirait d’ailleurs au Pouvoir de reconnaître ses erreurs et laisser d’autres prendre en charge la gestion du pays pour que le Togo reparte sur des bases plus solides et plus transparentes. Mais c’est oublier que le Togo repose sur une démocratie de façade et que les attributs de la démocratie sont proposées pour les pays occidentaux, membres du FMI, juste comme des palliatifs. Le Pouvoir togolais est alors obligé de choisir le verdict du Peuple et celui du FMI. Avec celui du FMI, le Pouvoir togolais peut se maintenir au pouvoir tout en transférant le poids de ses erreurs sur le Peuple. Alors qui aime vraiment le Peuple togolais ? A moins que ce soit le Pouvoir que certains aiment plus que Dieu.

Lynx.info : Pourtant, un pays comme le Rwanda a annoncé ne plus vouloir des prêts du FMI…

Oui, je l’ai mentionné. Quand on est crédible avec une bonne compréhension des mécanismes de création de richesse au service de tous, alors il est possible d’avoir le soutien de certains membres puissants de la communauté internationale. Mais c’est d’abord la gouvernance économique au Rwanda et, ensuite, la discipline et le refus de la corruption petite et grande du Peuple rwandais qu’il faut saluer. Oui le Rwanda estime qu’il n’a plus besoin des prêts du FMI. Je rappelle d’ailleurs que malgré un solde budgétaire de -12, 1 % au Rwanda en 2010, ce pays réussit malgré les conséquences de la crise financière sur le continent à réussir la prouesse d’offrir un taux de croissance du PIB de 5,4 % en 2010 alors que le Togo est projeté autour de 2,6 %. Mais au niveau des populations, le Rwanda a une croissance du PIB par habitant de 3,2 % en 2010 alors que le Togo plafonne à zéro depuis 2009 et tous les pronostics les plus positifs pour 2010 estiment que le Togo devrait atteindre encore zéro. Comme progrès, vous conviendrez que l’on peut mieux faire. Et si le Rwanda est trop loin, le Bénin voisin a réussi un taux de croissance du PIB par habitant de 0,4 %, le Ghana de 1, 9 %, le Burkina Faso de 2,1, le Nigeria de 4,1 % et la Côte d’Ivoire 0,0, du fait de la crise qui perdure dans ce pays.

Lynx.info : Y a t-il des pistes qui permettent au Togo de se débarrasser  aussi  des chaînes lourdes des institutions  financières comme la BM et le FMI ?

Je ne sais pas pourquoi vous voulez vous débarrasser d’institutions qui ont des règles internes. C’est comme si vous me disiez que vous voulez vous débarrasser d’une institution qui peut apporter son concours si les pays qui vont chercher des crédits savent ce qu’ils font avec cet argent. Si vous empruntez pour aller l’engloutir dans des dépenses improductives ou pour rembourser ad nauseam les précédentes dettes non transparentes, il y a des chances qu’à un moment ou à  un autre, ce soit l’institution qui décide de vous dire comment vous devez utilisez les prêts qu’elle vous fait. Car il est clair que ces institutions ne le font pas pour les « beaux yeux » du Peuple togolais. La piste la meilleure pour ne plus avoir à s’approcher des institutions de financement du développement dans les mauvaises conditions est de bien gérer et de s’assurer dans la transparence que les fonds empruntés vont dans des dépenses productives. C’est pour cela que je promeus le développement des capacités productives que le Togo, comme tous les chefs d’Etat africains, a adopté en 2004 à l’Union africaine, mais refuse de mettre en œuvre alors que ce projet aurait rendu les Etats africains de moins en moins dépendants de ces institutions et surtout aurait contribué à créer des emplois et du pouvoir d’achat dans des agglomérations de productivité tant dans les zones rurales qu’urbaines. Mais, là, le rôle des pays non intéressés par le développement de l’Afrique n’est pas à négliger.
5. Lynx.info : Pour le Ministre du commerce Kokou Dozan, il faut « payer cher l’essence pour avoir de bonnes routes ». Comment l’économiste que vous êtes l’explique ?

Si cette phrase n’est pas sortie de son contexte, c’est un raccourci qui est inexact. La relation entre le prix de l’essence et les bonnes routes est factice. Le prix de l’essence comporte une part importante non transparente qui retourne à l’Etat et il n’est pas prouvé que cette part finance les routes au Togo. Il suffit d’ailleurs de regarder l’état de ses routes pour se demander où est alors passée la différence depuis que les Togolais et Togolaises achètent de  l’essence pour circuler. Il est possible que le manque de transparence favorise des erreurs d’appréciation des problèmes. Pourtant, comme cela se pratique dans d’autres pays plus enclins à utiliser les compétences des nationaux comme ceux de la Diaspora, le ministre aurait pu demandé à des experts indépendants d’expliquer cette relation entre l’essence et les routes au Togo. Mais il faut aussi laisser les experts accéder à toutes les informations pour que la vérité des comptes puisse jaillir. Mais, vous comprenez que la relation n’est plus entre l’essence et la route, mais bien entre la vérité des compte et la mise à disposition du public d’informations fiables sur la gestion des comptes liés à la fourniture de carburant au Togo.

L’autre aspect qui pose problème dans ce genre de réponse est que l’on oublie qu’une route peut être mise en concession dans le cadre d’un partenariat public-privé avec une gestion de type commercial avec des conditions de transparence vérifiables par les représentants du Peuple togolais. Je ne suis pas sûr que ce soit la voie choisie par ce Gouvernement pour faire améliorer les infrastructures au Togo.

Lynx.info : Pour son confrère des finances Adji Otteh Ayassor, « le dollar grimpe et le baril fluctue ». On reproche au pouvoir de Faure Gnassingbé de ne rien prévoir. C’est votre avis aussi ?

Là encore, si cette phrase n’est pas sortie de son contexte,  je pense qu’il ne s’agit là que d’une photo d’une situation fluctuante. Le prix de la plupart des matières premières africaines est payé en $ des Etats-Unis. Le baril de pétrole lui même fluctue au gré du marché mais aussi de la spéculation, donc la corrélation entre les deux me semble sans intérêt puisque l’inverse est aussi possible et que tout ceci change tous les jours que Dieu fait. Je ne peux ainsi pas commenter une phrase que je ne comprends pas.

Le reproche au pouvoir en place de manquer de prévisibilité, de stratégie et de gouverner à vue n’est pas dénué de tous fondements. Il suffit de mettre à disposition du public togolais la feuille de route prévisionnelle de ce gouvernement pour les cinq ans à venir, quitte à la mettre à jour annuellement pour comprendre où va le gouvernement. Je ne demande pas, ce qui serait l’idéal, une stratégie 2020-2030 du Togo avec les moyens endogènes et exogènes pour atteindre ces objectifs. Je constate que ces documents ne sont pas mis librement à la disposition du Peuple togolais, s’ils existent.

Lynx.info : Appui budgétaire, prêts, dons, effacement de la dette. Des chiffres en millions de dollars pour le Togo du FMI, de la BAD, de la BM, de l’UE. Dr Yves Amaïzo, pourquoi le Togo est toujours pauvre ?

Il me semble que vous gagneriez à être précis car toutes ces institutions prêtent ou font des dons ici et là. Mais en réalité, ces millions servent d’abord à repayer des dettes contractées il y a parfois plus de 10 ou 50 ans compte tenu des délais de grâce obtenus… aussi, certains prêts que contracte ce gouvernement seront à payer par le gouvernement du Togo entre 2030 et 2035. Qui peut prévoir où sera le Togo et ceux qui auront engagés le Togo ? La réalité est que ces fonds transmis au Togo sont octroyés pour quasiment ne jamais aller dans des secteurs productifs et sont donc des poids et boulets que traîne le Togo qui n’arrive pas à créer de la richesse et encore moins à la partager.
Alors pourquoi le Togo est pauvre ? Parce que toutes les stratégies choisies par les Gouvernements successifs mais aussi conseillés par l’extérieur n’ont pas pour objet de créer de la richesse, de permettre des accumulations régulières de valeur ajoutée et de productivité au service de population. Cela veut dire que le peu de richesse qui est créée au Togo n’améliore que rarement le pouvoir d’achat de chaque Togolais et Togolaise. Il faut changer de paradigme et c’est pour cela que j’offre des alternatives économiques dans mon dernier ouvrage . Mais rien ne peut se faire en économie si la vérité des urnes et le retour de la confiance entre les dirigeants le Peuple togolais ne sont pas remis à l’ordre du jour.

Lynx.info : Avec des élections reconnues par la communauté internationale, le Togo peut être un paradis pour investisseurs privés ?

Je ne suis pas si sûr que toute la communauté internationale a reconnu les élections du 4 mars 2010 au Togo. Je crois même savoir que de nombreux membres de la communauté internationale sont en train de revenir sur leur décision en refusant discrètement que leur budget alloué pour l’aide aille dans des pays où sévit la démocratie de façade. Le Togo va s’en apercevoir lorsque l’accès au crédit, l’accès à l’aide bilatérale et multilatérale vont commencer à devenir rares.

Quant au secteur privé,  il faut que le Togo soit un paradis pour le secteur privé togolais et de la sous-région pour pouvoir l’être pour ceux de l’étranger malgré les facilités sur papier qui sont mises en place. Si le Togo était le paradis dont vous parlez, je pense que le Togo n’aurait pas la situation paradoxale suivante. Ainsi, en 2007 et sur la base des chiffres disponibles de la Banque mondiale, le Togo n’obtenait en termes de ressources financières  que :
·    0,0 % du PIB en provenance du marché international des capitaux,
·    2, 8 % du PIB entrant comme investissement étranger direct alors que 0,6 quitte le Togo sous forme de rapatriement du capital et des bénéfices non réinvestis au Togo ;
·    9,2 % du PIB entrant grâce aux transferts de la Diaspora togolaise qui prend sur son épargne ;
·    4,9 % du PNB en provenance de l’aide publique du développement.

Alors quand on continue à refuser le droit de vote à la diaspora togolaise et quand certains officiels disent que ce droit est refusé car la Diaspora ne paye pas d’impôts au Togo, c’est ne rien comprendre à l’économie. Sans la diaspora, la pauvreté et la misère au Togo seraient multipliées par quatre. C’est la Diaspora qui fait vivre une large majorité des Togolais et Togolaises. Le gouvernement refuse d’en prendre conscience en n’officialisant pas un poste spécial géré par la Diaspora elle-même afin de faciliter la défense des intérêts de la Diaspora togolaise.

Alors, j’espère que vous ne continuerez plus à croire que le Togo est un paradis suite à la gestion de cinq ans de Faure Gnassingbé et son réseau. Je ne connais pas l’enfer pour faire une comparaison, mais chaque Togolais et Togolaise peut se positionner entre les deux.

Lynx.info : Que lui proposez-vous ?

Il faut avoir le courage d’accepter que la gestion d’un Etat doit se faire par des compétences adeptes de l’efficacité qui conduisent à l’amélioration du pouvoir d’achat des populations. La solution passe par un retour à un choix par les populations qui ne soit pas entravé par des interventions opportunistes et inopportunes du Pouvoir. Pour y arriver, il faudra passer par une période de transition. 22 propositions ont été faites par le Collectif pour la Vérité des Urnes que je représente à l’international. Je vous invite donc à prendre connaissance de ces propositions sur le site Internet à l’adresse suivante : www.cvu-togo-diaspora.org ou www.cvu-togo.org et choisir parmi les 22 propositions.

Lynx.info : Les conditions sont-elles réunies pour que Faure fasse une merveille pour le Togo avec son deuxième mandat ?

Je ne le pense pas. Il ne l’a pas fait au cours des cinq années passées où les conditions étaient plus favorables. Donc, je pense qu’il y a là un véritable défi surtout si cela doit se faire dans un environnement de contre-vérité des urnes et de non-transparence des comptes de la Nation. Il ne s’agit pas non plus d’aller chercher des individualités ici et là sinon ce sera comme avec les équipes de football africaines qui regorgent d’individualités brillantes mais sont incapables de créer une équipe qui gagne. L’absence de solidarité en interne doit être institutionnalisée. C’est pour cela que je propose dans mon dernier livre que l’Afrique opte pour le « solidarisme contractuel », un moyen d’offrir de la prévisibilité et de la transparence dans la vie publique.

Lynx.info : Vous semblez, au Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU), privilégier les preuves pour contester la victoire de Faure. Avez-vous les moyens de votre politique pour faire passer le message au peuple togolais et à la communauté internationale ?

Nous privilégions la vérité des urnes et des comptes. Il n’y a pas de preuve aujourd’hui pour affirmer qu’il y a ou pas un président légitime au Togo et c’est le rapport des observateurs de l’union européenne qui l’a fait remarquer. Mais, la politique suit des voies qui ne sont pas celles de la vérité des urnes. Notre seul moyen pour que la vérité éclate tôt ou tard est justement de promouvoir les analyses, les informations en les recoupant et surtout de montrer aux Togolais et Togolaises qu’ils doivent compter sur eux-mêmes et Dieu. Car, sans leur propre effort de faire jaillir la vérité, l’impunité et la falsification des chiffres conduiront le Togo dans une situation d’impasse. Il suffit de voir les nombres impressionnants de prisonniers politiques que le Régime de Faure Gnassingbé est en train d’afficher. La communauté internationale a tort de faire la sourde oreille et de fermer les yeux sur des entorses aussi graves à la liberté, à la démocratie, à la vérité.

Le CVU est un mouvement citoyen qui appartient à tous les Togolais et Togolaises. Nous les invitons à nous faire parvenir les doléances et suggestions pour que la transparence triomphe au Togo. Il n’est jamais trop tard pour que le régime de Faure Gnassingbé prenne conscience des conséquences de ses décisions et politiques. Alors peut-être que des négociations intelligentes pourront alors commencer afin de servir réellement le Peuple togolais, au lieu que ce soit le principe de « se servir » qui serve de stratégie. Certains ont tendance à conjuguer ce verbe (se servir) tant à la première personne du singulier et du pluriel.

Lynx.info : Selon-vous, la commission « Réconciliation-Justice-Vérité » a-t-elle les moyens pour déboucher sur des conclusions acceptées par tous ?

La réponse est négative. Elle n’a ni les moyens et constitue même une extension de la démocratie de façade. Cela a été créé pour les pays occidentaux qui sont adeptes des formes démocratiques en Afrique. Le pouvoir l’a compris et s’est plié à cette conditionnalité au plan formel. La vérité est que les personnalités qui composent cette commission devront se poser la question de leur responsabilité personnelle et celle devant le Peuple, et plus important devant Dieu.

Lynx.info : Le juriste Amaïzo pense aussi que la justice est aux ordres au Togo ?

Il y a dans toute institution des personnes intègres et éthiques. Vous en trouverez aussi dans les institutions disant le droit au Togo. Toutefois le problème est que la séparation des pouvoirs entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire ne fonctionne pas. Que le pouvoir utilise le système judiciaire, notamment la cour constitutionnelle, pour faire triompher ses approches arbitraires afin de conserver le pouvoir n’est plus qu’un secret de polichinelle au Togo. Le problème est qu’il existe aussi la petite corruption au sein du système judiciaire togolais qui fait que pour obtenir une quelconque avancée, il faut souvent payer… Réformer tout ceci et redonner l’honneur de l’institution qui préside aux destinées du retour de la confiance entre les citoyens au Togo est un impératif. Il faudra le prendre en compte en offrant des solutions alternatives aux populations togolaises.

Lynx.info : Merci de nous faciliter votre accès toutes les fois que le Lynx a besoin de vous.

Il n’y a pas de problème. Je vous informe d’ailleurs que vous avez de nombreuses personnalités au sein du collectif pour la Vérité des Urnes qui ont des points de vue à partager si vous leur tendez le microphone. Je me permets de vous féliciter pour votre travail de journaliste indépendant et perspicace car le Togo et la population togolaise ont besoin de Lynx-Togo et pourquoi pas un Lynx Télévision.


Interview réalisée par Camus Ali

The World Bank Group, IFC, Doing Business 2010. Reforming through Difficult Times : comparing Regulation in 183 economies, Washington D. C., 2010, p. 4..
IMF, Regional Economic Outlook April 2010. Subsaharan Africa. Back to High Growth ?, Washington D. C., 2010, p. 20.
Yves Ekoué Amaïzo, Crise financière mondiale : Réponse alternative de l’Afrique, collection « interdépendance africaine », éditions Menaibuc, Paris, 2010, 204 pages, 15 euros (www.fnac.com) et Librairie Edilac/Menaibuc, 18 rue Armand Carrel, 75009, Paris (métro Laumière) ; tel: 0033 142 63 62 88 – fax : +33 1 42 63 62 88 – Email: espacemenaibuc@gmail.com
World Bank, World Development Indicators 2010, Washington D. C., 2010, p. 330 et 378.

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