Gilbert Bawara (GB): Face aux incendies qui ont frappé durement le Togo et qui ont entrainé des dégâts dévastateurs aux plans financier, matériel et psychologique, les acteurs politiques doivent faire preuve d’humilité, de recul et de mesure et éviter tous les excès et toutes les formes de manipulation et d’instrumentalisation. Bien entendu, la vérité doit être recherchée et dite. La procédure judiciaire en cours doit aller à son terme, en toute liberté, indépendance et impartialité et dans la sérénité sans céder aux pressions et aux intrusions, d’où qu’elles viennent. Malheureusement, on a l’impression que certains acteurs politiques et certains médias ne sont pas favorables à l’éclatement et à la manifestation de la vérité. Se livrer aux affirmations péremptoires, à la propagation d’éléments parcellaires et d’informations tronquées c’est justement chercher à manipuler la procédure ; c’est désinformer et entraver la justice. Pourquoi cherche-t-on obstinément à se soustraire à la justice ou à soustraire aux poursuites des personnes inculpées dans une affaire criminelle aussi gravissime ? Dans quel but s’inscrivent les insinuations et les affabulations auxquelles certains acteurs politiques et médias se livrent quotidiennement et qui constituent des pressions et des intrusions indues dans la procédure judiciaire ? Pourquoi exiger par anticipation une sorte d’absolution et d’amnistie en réclamant l’abandon des poursuites ou en laissant croire que la qualité d’acteurs et de leaders politiques prémunit contre les poursuites judiciaires ou que cela confère une sorte d’immunité et d’inviolabilité ? Pour moi, il faut démêler l’écheveau et éviter la confusion et la supercherie que certains cherchent à entretenir dans cette vaste affaire complexe qui comporte de multiples facettes. Le procureur de la République à détaillé récemment les sous-rubriques ou pôles d’enquêtes de cette affaire. Il apparait de ses dires et explications qu’il n’existe pas qu’un seul et même chef d’accusation pour tous les protagonistes mais bien plusieurs faits incriminés. Dans ces circonstances, j’aimerais bien que l’on m’explique lequel des chefs d’inculpation ou des faits les fameuses révélations et rétractations seraient de nature à entacher ou à frapper de nullité ! En revanche, il est important que l’on nous explique dans quelles circonstances précises, à quelle date et par canal, au-delà des auditions, des interrogatoires et des confrontations, le fameux Mohammed Loum, le messie invoqué, aurait-il rédigé et fait parvenir sa légende et son récit fantasmagorique? Etait-ce un manuscrit ou un document dactylographié ? Et pourquoi les avocats des personnes concernées ne versent-ils pas le document en question au dossier si elles ont la certitude de son authenticité et de sa véracité ? Par quel truchement ce document aurait-il fait le trajet entre son auteur supposé et son ou ses destinataires ? Voilà autant d’interrogations et de zones d’ombre qui laissent perplexe et dubitatif !
Lynx.info : Donc vous doutez de l’existence ou de l’authenticité de la lettre attribuée à Mohammed Loum et de ses déclarations lors de sa confrontation avec Monsieur Agbéyomé Kodjo ?
Je ne sais rien des éléments de la confrontation ou du dossier et je n’ai aucun jugement concernant la lettre qu’il aurait adressé à l’un ou l’autre des protagonistes. J’exprime tout simplement mon sentiment en relevant les interrogations et les doutes que de nombreux Togolais ont également à propos de ce fameux personnage ainsi que des déclarations qui lui sont attribuées et même du rôle que lui-même s’attribuerait. Il est légitime de se poser certaines questions. Si tous ceux qui jubilent estiment que Loum le messie serait le seul et unique témoin dont les dépositions auraient, à elles seules, fondé et motivé leur inculpation et qu’ils ont la conviction qu’il n’existe ni aucun autre témoin ni aucun autre élément de preuves ou faisceaux d’indices probants, il suffirait alors de faire usage des moyens de droit et des voies de recours disponibles. Ce n’est pas ce que l’ont observe. Au-delà de cette tempête dans un verre d’eau et au-delà même de la procédure judiciaire en cours, les Togolais attendent toujours d’être édifiés et situés sur les tenants et les aboutissants de l’opération dite « les derniers tours de Jéricho » qui demeurent, en toile de fond, le contexte dans lequel les incendies sont survenus. On nous a promis l’effondrement et le cataclysme et nous y sommes. Les discours incendiaires et de haine, les incitations à la violence, à l’intolérance et à la révolte sont constants chez certains. Je n’établis aucun lien entre les malheurs qu’on a promis aux Togolais et les incendies dramatiques, mais tout de même nous devons chercher à comprendre. Les coïncidences sont peut-être fortuites, mais la simultanéité des événements laisse néanmoins perplexes et soulève des questions.
Lynx.info : Zeus Ajavon du CST dit que le rapport sur les incendies à été depuis longtemps remis à Faure Gnassingbé. Quelles sont les raisons pour lesquelles le rapport reste non publié?
Je ne vois pas ce que ce rapport contiendrait de si spécial et qui changerait fondamentalement la donne actuelle. L’objectif et la volonté du gouvernement ont toujours été d’établir les causes possibles des incendies, notamment leur origine criminelle ou leur caractère éventuellement accidentel. La situation a considérablement évolué depuis que ces enquêtes et ce rapport ont été commandités et personne ne conteste aujourd’hui le caractère et l’origine foncièrement criminels des incendies. C’est le plus important. Sans doute que les circonstances et les autres paramètres entourant la perpétration des faits incriminés, y compris les méthodes et moyens utilisés, feront l’objet d’une analyse et d’une appréciation appropriées dans le cadre de la procédure judiciaire si cela est indispensable à la manifestation de la vérité ; mais l’essentiel est que les conclusions du rapport soient de nature à étayer, et donc à valider et à confirmer la thèse suivie jusque-là par la justice. Rien de plus et il n’y a aucune raison de polémiquer à propos du rapport invoqué. La situation pourrait sans doute être différente si les conclusions du rapport venaient à infirmier le caractère criminel de cette affaire. Tout se passe actuellement comme si certaines personnes, particuliers des acteurs politiques et des médias cherchaient, en créant un vaste écran et un rideau de fumée à inoculer le doute et la confusion dans les esprits et, in fine, à induire la justice et les Togolais en erreur et à les conduire sur de fausses pistes pour finalement soustraire de la justice les vrais responsables et coupables. Toute l’agitation entretenue et le déferlement de la campagne d’intoxication et de désinformation ne sont rien d’autre que des pare-feux pour faire digression et diversion. Telle est mon opinion.
Lynx.info : Ministre de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales, vous êtes au cœur de la République. Êtes-vous conscient que le gouvernement gère mal l’affaire sur les incendies ?
Le gouvernement n’est pas partie prenante à la procédure et n’a donc pas à gérer quoi que ce soit. Il n’est pas protagonistes dans cette affaire. Mêmes les officiers de police judiciaire, gendarmes ou policiers de leur Etat, n’ont pas à se référer à l’exécutif peu importe les responsabilités qu’ils assument d’ordinaire au sein de la gendarmerie ou de la police. Ils sont entièrement et exclusivement sous l’autorité du parquet dont relève la procédure. Les pouvoirs publics sont garants de la bonne administration et de l’indépendance de la justice. Une justice saine, impartiale et équitable s’accommode mal des interférences, des injonctions, des intrusions, des insinuations et des commentaires totalement hors propos. Comme l’immense majorité des Togolais, le seul souci du gouvernement c’est de voir la justice se faire de manière libre et indépendante et de façon complète et sereine, sans dérobade ni faux-fuyants. Les gesticulations et la fébrilité de certains acteurs politiques et des médias qui leur sont affiliés n’y changeront strictement rien; la justice doit passer et toute la lumière doit être faite. Il faut aller au bout des enquêtes et de la procédure pour situer les Togolais.
Lynx.info : On vous reproche, vous ministre de l’Administration Territoriale votre mutisme depuis les incendies. Les Togolais son curieux et voudraient savoir ce cache ce silence…
Pourquoi devrais-je parler à tout bout de champ et m’exprimer systématiquement ? Même le garde des sceaux, ministre de la justice n’a pas à se mêler des procédures judiciaires en cours. Comme l’immense majorité des Togolais, je suis profondément meurtri et abasourdi par ces incendies dramatiques qui sont une grande douleur et épreuve terrible pour la nation togolaise toute entière.
Lynx.info : On va parler des élections. Le fait de financer à 100% le recensement, n’ouvre pas la porte à Faure Gnassingbé de se faire la part belle dans la future Assemblée faute d’observateurs de l’UE ?
L’objectif et la finalité pour le gouvernement ne consistent pas en soi à s’enfermer dans un orgueil et une autosatisfaction de pouvoir financer tout ou partie des élections sur les deniers propres du pays, mais plutôt à assumer pleinement son rôle et sa responsabilité. Nous devons aussi prendre conscience que la poursuite des processus de démocratisation et de construction de l’Etat de droit risque de pâtir gravement si ces processus doivent s’appuyer essentiellement sur des financements extérieurs. La tentation pourrait alors être très grande et forte pour certains régimes ou pays de se dérober aux nécessaires efforts et réformes politiques visant la consolidation de la démocratie et l’affermissement de l’Etat de droit en se prévalant abusivement d’un manque de financements de la communauté internationale. Bien entendu, financer des élections sur ressources internes n’empêche nullement que les observateurs internationaux et toux ceux qui le désirent puissent s’impliquer à un degré ou à un autre dans l’observation électorale. A ce jour, l’ensemble des partenaires extérieurs du Togo sont témoins du processus. Ils suivent de près la situation et accompagnent les efforts en cours mais ils n’ont pas à en être parties prenantes. L’Union européenne est la bienvenue si elle veut accroitre son rôle et son implication dans la préparation et le déroulement du processus électoral. Quels que soient le rôle et la position de l’Union européenne et des autres partenaires, le gouvernement togolais n’entend pas se dérober de sa responsabilité régalienne d’assurer la tenue effective de bonnes élections. Ceux qui prétendent que l’Union européenne aurait refusé de financer les élections togolaises se trompent et disent des contre-vérités. En effet, il n’existe pas véritablement dans le portefeuille actuel de la coopération entre le Togo et l’Union européenne, en particulier dans les fonds FED, des ressources programmables pouvant être consacrées aux financements des élections. Les reliquats des ressources allouées aux scrutins de 2007 et 2010 sont totalement insignifiants. C’est tout simplement la méconnaissance et l’ignorance des mécanismes et des procédures de la coopération avec l’Union européenne qui conduisent certains politiciens et médias à affabuler sur un prétendu refus de financer les élections de la part des partenaires extérieurs. Cela étant, le Togo est et demeure un pays ouvert sur le monde et désireux de préserver, d’approfondir et d’élargie le champ de sa coopération et de ses liens amicaux et d’échange avec les bailleurs de fonds et les partenaires en développement. Nous sommes satisfaits de la contribution de l’union européenne et des autres partenaires extérieurs aux efforts de réconciliation nationale, d’apaisement du climat politique et de développement économique et social.
Lynx.info : Redoutez-vous la non-participation de l’opposition à ces élections si toutes les conditions ne sont pas réunies ?
Je n’ai ni à redouter la non-participation ni à espérer la participation de quelque parti politique que ce soit. Je ne vais quand même pas commencer à scruter les états d’âme et le subconscient des partis politiques ! Le gouvernement a créé toutes les conditions requises pour des élections inclusives, ouvertes et démocratiques. Le cadre électoral togolais, affiné, perfectionné et amélioré par touches successives ces derniers temps, offre toutes les garanties pour des élections libres, transparentes et crédibles. Les préoccupations exprimées par toutes les tendances politiques et les inquiétudes soulevées notamment par des partis politiques membres du Collectif sauvons le Togo, du FRAC et de la Coalition arc-en-ciel ont été prises en compte parfois de manière intégrale. Il en est ainsi particulièrement en ce qui concerne la refonte du fichier électoral, l’encadrement rigoureux et strict des votes spéciaux, l’extension des délais du contentieux des résultats prévus à l’article 142 du code électoral, le déploiement des délégués de la cour constitutionnel, la traçabilité et la fluidité des résultats électoraux, le renforcement des procédures de dépouillement, de centralisation et de transmission des résultats, la prise en charge des délégués des candidats dans les bureaux de vote et même la perspective de financement de la campagne électoral pour garantir l’équité entre les parties prenantes à la compétition électorale. Il sera aussi procédé à un réaménagement du découpage électoral sur la base de critères rationnels, transparents et équitables axés notamment sur la dissociation entre découpage administratif (préfectures) et découpage électoral (circonscriptions électorales), la préservation du nombre de sièges précédemment acquis à chaque circonscription électorale, et des ajustements fondés essentiellement sur les résultats du recensement général de la population et de l’habitat, le principe de la continuité territoriale ainsi que la prise en compte des recommandations de l’Union européenne. Depuis mon prédécesseur, toutes les modifications du cadre électoral ont été inspirées et guidées par un seul souci : intégrer dans notre dispositif juridique les meilleurs usages et pratiques électoraux observés dans la sous-région et au niveau international, capitaliser et consacrer les acquis des élections de 2007 et 2010 et prendre en compte les recommandations des missions d’observation électorale de l’union européenne et de l’organisation internationale de la francophonie. Dans ces circonstances, les partis politiques sont libres de se déterminer quant à leur participation ou non au processus électoral. Au demeurant l’importance des partis politiques pour l’animation de la vie politique et l’expression du suffrage et leur rôle constitutionnel à cet égard n’en font pas pour autant les acteurs uniques ou exclusifs des joutes électorales. Le Togo n’a pas un régime de partis. Si une frange de l’opposition s’est enfermée dans le piège du radicalisme et de la surenchère et dans une logique de contestation et d’agitation permanente et qu’elle se retrouve dans l’escalade et l’impasse, elle n’aura qu’à s’en prendre à elle-même.
Lynx.info : Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson (CDPA) constate le recensement des enfants avec preuve à l’appui. Gerry Ta’ama du parti (NET) constate la seule présence de Unir et de l’Ufc dans les bureaux de recensement. Êtes-vous sûr d’avoir un fichier électoral qui satisfasse tout le monde ?
La CENI et le gouvernement sont à l’écoute des partis politiques et des organisations de la société civile qui ont observé les opérations de recensement électoral dans la première zone et s’y sont impliqués. Nous avons noté avec satisfaction le climat de consensus national qui a prévalu avec les appels lancés unanimement par l’ensemble de la classe politique togolaise pour demander aux populations de participer à l’enrôlement. Oui, durant les premiers jours des opérations dans la zone 1, il y a eu des dysfonctionnements, des carences, des faiblesses et des insuffisances techniques, logistiques et humains. Ces difficultés ont été corrigées au fur et à mesure de leur apparition et le recensement s’est achevé dans cette zone de manière très satisfaisante. Toutes les observations et toutes les propositions d’améliorations pour mieux agir dans la zone 2 seront recueillies et prises en compte. La CENI et le gouvernement s’attèlent déjà à tirer tous les enseignements et toutes les conséquences pour que les choses aillent mieux encore, avec la contribution et l’implication des partis politiques et des autres acteurs intéressés. Pour le reste, n’attendez pas de moi de contribuer à entretenir et à alimenter des polémiques et des débats vains. Vous savez, les listes des personnes enrôlées étaient affichées soit dans la soirée soit le lendemain, laissant à toute personne intéressée la possibilité de contester ou de dénoncer d’éventuelles inscriptions irrégulières. Les électeurs n’appartiennent à aucune sensibilité politique donnée. C’est faire injure et mépriser les Togolais en général et les électeurs en particulier que de croire qu’ils ne sont pas capables de faire des choix politiques éclairés et de voter en connaissance de cause et en leur âme et conscience. J’ai été surpris par les dénonciations de certains partis et regroupements concernant la signature authentifiant les cartes d’électeurs. Pourtant des éminents membres de ces partis et regroupements avaient siégé dans l’ancienne CENI et avaient pris part aux délibérations et à la prise de décision en juin 2012 concernant la question de la signature. L’un des experts nationaux de la CENI actuelle n’est autre qu’un membre éminent de la CDPA, ancien membre de la CENI réélu par l’Assemblée nationale pour siéger au sein de la CENI mais qui préfère y travailler à un autre titre. Le gouvernement apprécie la contribution qu’il apporte à notre pays. C’est dire qu’il n’ya vraiment rien à cacher. Ce sont les togolais électeurs qui décideront de l’issue du scrutin et non des artifices ou stratagèmes. Faisons confiance aux électeurs.
Lynx.info : Vous faites références au docteur Amaglo et à monsieur Sibabi qui sont respectivement membres du CAR et de la CDPA ?
Parfaitement. Dans l’ancienne CENI il y avait deux membres issus du CAR et ils savent que la décision concernant la signature sur les cartes d’électeurs à été prise de manière régulière et valable en juin 2012. Et à cette époque les deux personnalités du CAR siégeaient au sein de la CENI, ce qui peut être vérifié aisément. Les procès-verbaux des réunions de la CENI à l’époque permettent de l’établir, sans contestation possible. Monsieur Sibabi apporte son expérience et son expertise à la CENI et à notre pays, peu importe sa sensibilité politique et je m’en réjouis. A force de vouloir de s’obstiner à trouver des défauts et des irrégularités qui n’existent pas en vérité, le collectif sauvons le Togo et la coalition arc-en-ciel en sont maintenant réduits à dire des contre-vérités et des inexactitudes.
Lynx.info : Oui, mais les deux regroupements politiques, notamment messieurs Apévon et Zeus Ajavon ont cité des exemples précis ?
Justement, ces deux regroupements sont pris dans leur propre piège, en flagrant délit de mensonge. Cherchant coûte que coûte à décrédibiliser et à discréditer le recensement électoral et le processus électoral, ils viennent de faire la preuve du peu de sérieux de toutes leurs déclarations. Au terme du recensement général de la population et de l’habitat, la population de Blitta était estimée il y a au moins deux ans à 137 658 habitants. Les normes estimatives des nations unies prévoient que le corps électoral d’un Etat se situe dans la moyenne de 45% de l’ensemble de la population. Il s’agit d’une simple estimation. Sur cette base, Blitta devrait avoir environ 62 000 électeurs sans tenir compte de l’accroissement de la population depuis le recensement général de la population et de l’habitat depuis au moins deux ans. Au terme du recensement électoral qui vient de se dérouler en zone 1, le corps électoral de Blitta est d’environ 67 000 électeurs, ce qui signifie qu’il y a eu une mobilisation appréciable des citoyens en âge de voter. Dans d’autres localités du pays, cette mobilisation est encore plus forte. Il aurait suffit au CST et à la Coalition de faire preuve d’objectivité pour éviter les approximations et les informations erronées qui sont destinées à la consommation de leurs militants. Les déclarations des deux regroupements politiques insinuent que le corps électoral serait même supérieur à la population d’ensemble ! Où est le sérieux ? Pourquoi des personnalités aussi respectables que sont Messieurs Apévon et Ajavon, se croient-elles obligées de forcer le trait et de recourir à la désinformation ?
Lynx.info : Dans sa conférence du 5 avril le CST et Arc-en ciel révèlent aussi des gonflements de listes à Tchamba voire le recensement des peulhs nomades et des étrangers installés au Togo. Vous confirmez Mr le ministre ?
Le cas de Tchamba est identique à celui de Blitta. Ce sont des affabulations et des affirmations qui n’ont aucune crédibilité, y compris en ce qui concerne les allégations d’enrôlement d’étrangers. Je sais que ces deux regroupements sont confrontés à un problème de cohérence et de constance par rapport à leurs militants et sympathisants qui se rendent compte que le processus électoral avance positivement et sans difficultés. Ve n’est pas sérieux de la part de responsables politiques de prétendre que les peulhs nomades ne peuvent pas être des Togolais. C’est une stigmatisation et un reflexe identitaire abject et répugnant.
Lynx.info : L’homme politique Gerry Taama s’étonne que les élections législatives et municipales ne soient pas couplées. Avez-vous des raisons ?
Les élections locales sont d’une certaine complexité sinon d’une complexité certaine et leur bon déroulement et leur réussite nécessite davantage d’information et de sensibilisation. Pour leur restituer leur vocation en tant que scrutin de proximité et leur finalité qui consiste à favoriser une mobilisation et une participation plus grandes des populations en vue de promouvoir l’apprentissage de la démocratie à la base et le développement local, il serait judicieux d’éviter leur trop grande politisation. Il n’y avait pas non plus de véritable consensus politique sur la question, certains estimant qu’il faudrait coupler les législatives avec l’ensemble des élections locales donc aussi bien les municipales que les préfectorales, avec le risque de confusion que ceci serait de nature à engendrer comme on l’a vu récemment au Kenya. Le temps sera mis à profit pour continuer à renforcer les infrastructures et les capacités nécessaires à l’opérationnalisation de la décentralisation et pour conceptualiser les approches de transfert de compétences et de ressources, y compris en approfondissant les réflexions sur la fiscalité locale.
Lynx.info : Pour Kofi Yamgnane (Sursaut) Mgr Nicodème Barrigah a accepté de mysti-fier les Togolais en présidant la CVJR dont il n’en est rien sorti. C’est ce qui explique l’échec du début dialogue inter-togolais avec lui courant février ?
Vous devriez encourager Monsieur Kofi Yamgnane à revenir régulièrement au pays. Ceci lui permettrait de réduire le gouffre entre ses déclarations tapageuses et la situation réelle sur le terrain. Il n’y a pas si longtemps vous avez assisté comme moi aux dénonciations et aux dénigrements immondes avec des propos désobligeants de la part de certains acteurs politiques concernant les travaux de la CVJR et les hautes et éminentes personnalités de cette structure. Cela n’avait pas empêché par la suite les mêmes acteurs politiques d’agiter les recommandations de la CVJR et d’en exiger la mise en œuvre comme conditions préalables au dialogue politique. Certains acteurs politiques donnent le sentiment d’être en total décalage et déphasage avec la réalité du terrain. Je comprends aussi qu’il puisse y avoir des lenteurs dans la compréhension du bien-fondé de certaines initiatives, mais la raison et le bon sens finissent souvent par triompher.
Lynx.info : Les partis et regroupements politiques de l’opposition qui ont pris part à ce dialogue ont également fait état d’un échec et de divergences profondes ?
La rencontre que le Prélat, Monseigneur Barrigah, a facilitée récemment a permis de rassembler différentes tendances politiques ainsi que le gouvernement et a donné lieu à des échanges riches et constructifs sur les mesures et les réformes politiques pour enraciner la démocratie et renforcer le cadre électoral. Cette rencontre constitue en soi un élément de décrispation politique. C’est à l’issue de cette rencontre et des échanges qui ont eu lieu que d’autres modifications ont été apportées au cadre électoral afin d’améliorer davantage les conditions d’organisation des prochaines élections législatives et locales et garantir les conditions d’élections transparentes, libres et crédibles. L’essentiel des préoccupations et des propositions pertinentes exprimées par les parties prenantes à cette rencontre, en particulier par la coalition arc-en-ciel et le FRAC, ont été prises en compte. A titre d’exemples, je peux vous citer : la modification du nombre de députés à l’Assemblée nationale et de la répartition des sièges par circonscription électorale sur la base de critères rationnels et équitables, notamment la préservation du nombre de sièges précédemment acquis à chaque circonscription électorale, les résultats du dernier recensement général de la population et de l’habitat, la dissociation entre le découpage administratif et le découpage électoral, ainsi que la prise en compte des recommandations de la mission d’observation électorale de l’Union européenne ; la possibilité pour les partis politiques intéressés de participer à la CENI en qualité d’observateurs, sans voix délibérative ; la participation de l’Etat au financement des campagnes électorales ; la perspective de mise en place, avant les élections législatives, d’un dispositif consacrant le statut de l’opposition et garantissant davantage le pluralisme politique et une participation équitable des partis politiques à la vie démocratique de la nation ; le rallongement des délais du contentieux des élections législatives tels que prévus à l’article 142 du code électoral afin de les porter à 5 jours. Il en est de même avec la mise à disposition de la cour constitutionnelle de moyens nécessaires en vue du déploiement de délégués auprès des CELI ou des bureaux de vote, du renforcement de la sécurisation et de la fiabilité des bulletins uniques de vote et de l’amélioration de la traçabilité, de la crédibilité et de la sincérité des procédures de dépouillement, de centralisation, de transmission et de publication des résultats des scrutins électoraux. Quant aux réformes constitutionnelles et institutionnelles d’importance majeure, les échanges ont permis de réaffirmer les consensus et compromis politiques antérieurs concernant la limitation des mandats présidentiels et les conditions d’éligibilité aux élections législatives et présidentielles et de manifester l’engagement du gouvernement pour la poursuite des concertations sur les quelques questions pendantes. Ainsi un large débat et consensus consolidé sont attendus dans le cadre de l’Assemblée nationale issue des prochaines élections législatives.
Lynx.info : Pour beaucoup, le fait même que vous n’êtes pas préoccupez par une Assemblée Générale au niveau de votre parti veut bien dire que c’est le RPT sous le manteau d’Unir qui va se présenter aux élections législatives. Votre avis.
Cela signifie que le parti UNIR est davantage préoccupé par les attentes des Togolais que par ses intérêts propres. L’existence légale du parti ne se pose pas et c’est sous cette bannière que les candidates et les candidats qui en sont membres se présenteront aux prochaines élections.
Lynx.info : De retour d’un meeting à Dapaong. Gilchrist Olympio voit le Togo en noir et dit : « J’ai fait la conclusion que le Togo est pauvre ». Partagez-vous cet avis ?
Commenter les commentaires n’ajoute rien au débat politique et n’apporte pas grand-chose au pays. L’essentiel est que nous prenions collectivement conscience des défis énormes auquel notre pays doit faire face et que nous agissions ensemble pour transformer et faire changer les choses.
Lynx.info : Je vous remercie
Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info