Gbagbo/CPI : Exclusif, Charles Blé Goudé réagit sur Africa N°1

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Blé Goudé est intervenu dans le Journal des Auditeurs ce 30 Novembre. Il donne son sentiment sur le transfèrement de Laurent Gbagbo à La Haye.

Eugénie Diecky : Blé Goudé l’ex ministre de Laurent Gbagbo souhaite s’exprimer aujourd’hui sur Africa numéro un, Charles Blé Goudé Bonjour.

Charles Blé Goudé : Bonjour Madame.

Eugénie Diecky : Alors j’aimerais vous entendre au sujet de l’incarcération de Laurent Gbagbo à La Haye. Vous qui avez été son ministre, vous qui êtes en cavale et qui êtes aussi sous le coup d’un mandat d’arrêt international.

Charles Blé Goudé : Depuis 2002, je regarde avec un autre regard ce qui se passe en Côte d’ivoire et c’est vraiment le monde à l’envers. Sous nos yeux des gens ont incendié des villages, des gens ont éventré des femmes, jeté dans des puits des enfants et aujourd’hui ces gens sont au pouvoir et c’est eux qui emmènent Laurent Gbagbo, qui leur a donné un garde du corps, qui leur a donné un salaire, qui a même réussi à travailler avec sa rébellion, le père du « Asseyons-nous et discutons » c’est celui là qui est aujourd’hui emmené à la Haye alors qu’il avait demandé le recomptage des voix comme cela a été fait en Haïti et en Afghanistan. Sa demande a été refusée et la victime est présentée comme le bourreau, je pense que c’est le monde à l’envers. Sous nos yeux ils tentent encore de falsifier notre propre histoire. Je suis choqué comme tous les ivoiriens d’ailleurs et j’ai l’impression de revivre un Nuremberg bis, parce que c’est la justice des vainqueurs. Rappelez-vous après la guerre, l’Allemagne a été jugée sur son propre sol, condamnée. Je souhaite et j’espère que la cour internationale n’est pas entrain de se faire complice d’une justice des vainqueurs, de la justice à deux vitesses, sinon les bourreaux de la Côte d’ivoire sont au pouvoir, ils sont reçus dans tous les palais et l’homme de la paix qui en ce moment est transféré à la Haye. Je demande aux africains de noter cette autre date de l’histoire de l’Afrique cela est très important.

Eugénie Diecky : Pour Alassane Ouattara, le fait de transférer Laurent Gbagbo à la Haye est un gage de justice indépendante, c’est ce qu’il dit, qu’-est-ce que vous répondez ?

Charles Blé Goudé : Peut-on parler de justice dans un pays où les journalistes sont en prison ? Peut-on parler de justice dans un pays où tous les pros-Gbagbo sont traqués ? Leurs comptes bloqués et dans un pays où il n’y a pas de police ? Dans un pays où c’est la kalachnikov qui fait la loi ? Peut-on parler de justice quand Mr Ouattara lui-même fait de la rébellion. Peut-on parler de justice là ou Mr Ouattara est en train de faire la promotion de tous ses chefs de guerre qui ont été formellement reconnus comme des auteurs de crime. Alors de quelle justice parle-t-on, Madame ? Je voudrais qu’on me donne une réponse. Tous ceux qui peuvent seulement parler ce sont ceux qui veulent dire que Mr Ouattara est beau, qu’il est un grand président ! Non ! Il n’y a pas de justice en Côte d’Ivoire, on est entrain de servir la vérité au monde entier.

Eugénie Diecky : Alors il reste à la cour de la Haye de faire preuve de la même intransigeance, on s’entend bien vis-à-vis de la rébellion nordiste parce qu’il y a des coresponsabilités, Antoine Glaser est-ce que vous avez des questions à poser à Charles Blé Goudé ?

Antoine Glaser : Oui c’est certain ! Est-ce que les partisans de Laurent Gbagbo vont participer ou boycotter les élections législatives du 11 décembre parce qu’on voit bien que finalement cette extradition de Laurent Gbagbo à la cour pénale internationale c’est aussi dans une stratégie politique avant les élections législatives du 11 décembre. Dans le camp de Laurent Gbagbo et au sein du front populaire ivoirien on ne sait pas exactement quelle est la position des uns et des autres, on a l’impression qu’une partie d’entre eux étaient prêts à aller aux législatives mais après cet acte de Laurent Gbagbo à la CPI, est-ce que ça va changer leur position ou pas ?

Charles Blé Goudé : Merci à Monsieur Glaser je voudrais d’abord dire qu’au-delà de l’arrestation du Président Gbagbo, Mr Ouattara est dans une stratégie où il veut écarter soit physiquement soit politiquement tout ce qu’il pense changer … Mr Ouattara dans sa stratégie de rester seul en lice sur la scène politique écarte tous les adversaires politiques, par la peur, par la violence, par les exactions … Il a bouclé la commission électorale dite indépendante. Mr Ouattara la contrôle à 95%, ce qui n’est pas normal, cette commission n’est plus indépendante ! Regardez des candidats qui sont bastonnés qui ne peuvent même pas aller battre campagne, là où des meetings sont interdits, aucune réunion politique aujourd’hui n’est possible en Côte d’ivoire, si ce n’est pour rendre hommage à Mr. Ouattara. Dans ces conditions je lui dis : ni les conditions sécuritaires ni les conditions d’une commission indépendante ne sont réunis en Côte d’Ivoire dans un premier temps donc une opposition qui se veut sérieuse ne peut pas aller à une seule élection parce que les mêmes causes produisent les même effets. Nous risquons d’allonger la liste des réfugiés déjà trop longue dans les pays « limitrophes ». Est-ce que les ivoiriens peuvent parler librement, est ce qu’ils peuvent battre campagne partout ? C’était la première raison, deuxièmement Mr Ouattara veut semer la terreur en amenant Mr Gbagbo à La Haye, c’est un message très clair à l’opposition pour leur dire « Ne prenez pas en compte ce que je dis mais prenez en compte ce que je fais quand je vous dis que je vais dialoguer avec vous, en fait c’est pour servir une version officielle à la communauté internationale mais en réalité Mr Ouattara ne veut pas donner un espoir de liberté à l’opposition. Les journalistes sont en prison ! C’est un dictateur, c’est une dictature qui est en train de naître en Côte d’Ivoire j’appelle clairement l’opposition à ne pas aller à ces élections.

Eugénie Diecky : Moi j’ai des questions à vous poser, c’est vrai que les responsabilités sont partagés et je disais qu’on attend que la cour pénale international se comporte de la même façon avec les gens qui sont actuellement au pouvoir, y’a des responsabilités partagées, mais ce que j’aimerais vous entendre dire c’est que Laurent Gbagbo est quand même responsable de ce qu’on lui reproche.

Charles Blé Goudé : J’ai appris qu’on lui reprochait des crimes économiques c’est cela qui l’emmène à La Haye…

Eugénie Diecky : Attendez Charles Blé Goudé, quatre chef d’accusations de crimes contre l’humanité : meurtres, viols et violences sexuelles, actes de persécutions et autres actes inhumains ayant entraînés la mort de beaucoup de personnes en Côte d’ivoire.

Charles Blé Goudé : Madame quand un candidat qui est dans ce qu’on appelle un contentieux électoral qui l’oppose à son adversaire et qu’il lance un appel à la communauté internationale pour dire « Mon adversaire pense avoir gagné les élections je demande donc un recomptage de voix ! »

Eugénie Diecky : C’est pour ça qu’il faut provoquer la mort d’ivoiriens ?

Charles Blé Goudé : Cela a été fait en Haïti, l’actuel président Haïtien était troisième au premier tour mais quand le recomptage a eu lieu il a été élu le président d’Haïti. Pourquoi une solution que l’ONU a appliqué en Haïti, en Afghanistan, on refuse de l’appliquer en Côte d’Ivoire ?

Eugénie Diecky : On a bien compris que pour vous c’est la justice du vainqueur.

Charles Blé Goudé : Les violences qu’il y a eu en Côte d’ivoire ce n’est pas Laurent Gbagbo mais ceux qui ont refusé de recompter les voix qui l’ont provoqué, parce qu’il voulait installer un ami au pouvoir et se débarrasser d’un homme gênant comme Laurent Gbagbo. C’est ça qui est la vérité Madame.

Eugénie Diecky : Je reviens à vous Charles Blé Goudé, alors que vous inspirent les propos de Charles Blé Goudé, Antoine Glaser…

Antoine Glaser : La seule chose qui est réelle c’est qu’il est vrai qu’on voit bien qu’il n’y a pas vraiment de réconciliation nationale dans ce pays. Sinon je pense que Laurent Gbagbo aurait pu être jugé en Côte d’Ivoire, ça c’est la première chose. Il y a quelques jours, un juge ivoirien est venu le voir, il va être jugé pour crimes économiques, je parle de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et on voit bien que finalement Alassane Ouattara doit penser que c’est plus facile pour lui d’aller à des élections législatives en faisant juger Laurent Gbagbo par la CPI donc ça veut dire que dans ce pays on voit que les gens sont fatigués de la guerre. Il n’y a pas de nouvelles exactions mais on sent qu’il n’y a pas de réconciliation nationale, c’est Alassane Ouattara, c’est un financier, c’est un ancien dirigeant du FMI et on voit que, autant le pays au niveau économique et financier peut repartir mais la réconciliation nationale n’est pas là. Vous savez que Charles Blé Goudé est lui-même cité effectivement à la cour pénale internationale et on sait qu’il y a un certain nombre d’autres personnalités, des proches de Laurent Gbagbo qui risquent également d’être arrêté, extradé à la CPI. C’est vrai que les partisans de Laurent Gbagbo ont beau jeu de dire regardez ce qui se passe en Libye avec Saif al Islam. Les libyens veulent juger dans leur pays, ils ne veulent pas qu’il soit extradé et c’est vrai que le procureur Moreno ocampo commence à dire que c’est possible de juger avec l’enquête de la CPI, un certain nombre de personnalités dans leur pays quand ils sont jugés responsables de crimes. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de crimes commis de décembre 2010 à avril 2011 en Côte d’Ivoire mais en même temps c’est vrai qu’on entend pas du tout parler des exactions qu’il y a eu dans l’ouest du pays par les anciens chefs rebelles qui étaient sous la direction de Guillaume Soro et d’Alassane Ouattara et là par contre je sais pas si la CPI va prendre un certain nombre de mesures mais là on sent qu’il y a une disproportion.

Eugénie Diecky : Maitre Lucie Bourthoumieux donc l’avocate à Paris de Laurent Gbagbo a déclaré qu’au lieu d’œuvrer pour la réconciliation nationale la cour pénale internationale exacerbe les antagonismes entre toutes les parties en présence, alors que la situation appelle une solution politique et locale. Est-ce que Alassane Dramane Ouattara n’a pas manqué de stratégie en prenant cette décision, en laissant faire ?

Antoine Glaser : En tant que journaliste on voit la stratégie politique d’Alassane Ouattara, est-ce qu’il fallait le faire ou ne pas le faire ? Ça c’est aux ivoiriens de le dire mais c’est vrai qu’Alassane Ouattara n’a pas eu sa stratégie et finalement de se débarrasser entre guillemets de Laurent Gbagbo parce qu’il n’avait pas les moyens, j’imagine, politiques, de pouvoir le juger en Côte d’Ivoire ça c’est au niveau de l’analyse, à part ça c’est vrai que ça peut aussi exacerber des tendances nationalistes dans ce pays. C’est vrai que Laurent Gbagbo a toujours su attiser comme ça en disant « voyez c’est bien l’étranger qui décide de la politique en Côte d’Ivoire ce sont pas les ivoiriens », il y a toujours ce danger, en même temps je pense que c’est un pays traumatisé et j’imagine que le Président Alassane Ouattara a dû juger que ça lui enlevait une épine du pied de se faire juger à la CPI et non pas en Côte d’Ivoire et ça encore une fois c’est l ‘affaire des ivoiriens c’est pas moi qui peux dire si c’est bien ou si c’est mal.

Eugénie Diecky : Alors Antoine Glaser que vous inspirent tous ces propos ? Et puis, une autre question L’ONG international Human Right Watch a salué justement un pas important sur la voie de la justice et comment selon vous les chefs d’Etats africains, ceux qui gouvernent les pays africains interprètent l’incarcération de Laurent Gbagbo ?

Antoine Glaser : Je crains que ça soit exactement comme ça s’est passé pour le Président soudanais Omar El Bechir qui finalement continue à voyager sur l’ensemble du continent africain sans aucun problème alors qu’il est aussi inculpé par la CPI. C’est vrai que les dirigeants africains ont toujours l’impression qu’ils sont visés et que c’est toujours l’Afrique alors qu’il y en a d’autres, il y a des européens également qui sont jugés par la CPI, il n’y a pas que des africains a la CPI. A part ça c’est vrai qu’encore une fois c’est extrêmement difficile, c’est pas vraiment aux gens extérieur, à la Côte d’Ivoire de juger s’il fallait que Laurent Gbagbo soit extradé à la CPI à côté des gens comme Jean-Pierre Bemba mais c’est vrai qu’un pays comme la Côte d’Ivoire peut s’interroger sur le fait que ce pays ne soit pas capable de juger son ancien Président. Il ne faut pas oublier les 3000 morts, il faut ne pas oublier qu’il s’est entêté à rester au pouvoir, il ne faut pas oublier non plus qu’il y a eu des exactions dans l’ouest du pays par les anciens chefs rebelles et il ne faut pas oublier aussi que Laurent Gbagbo a représenté 46% de l’électorat de ce pays et plus de 55% dans la capitale économique Abidjan. Il y a toujours ce danger et cette survivance nationaliste dans ce pays qui a quand même divisé ce pays très profondément pendant plus de 10 ans

Eugénie Diecky : Alors le procureur Moreno ocampo a déclaré que Laurent Gbagbo est le premier a devoir rendre compte de ses actes, il ne sera pas le dernier, donc on espère du côté de ceux qui sont au pouvoir, on va demander des comptes . Charles Blé Goudé pour terminer, il nous reste à peine une minute si c’était à refaire est-ce que vous le referiez ? Est-ce que vous n’auriez pas conseillé à Laurent Gbagbo d’accepter de perdre le pouvoir quitte à le reprendre quelques années plus tard.

Charles Blé Goudé : Ce que je peux conseiller c’est que quand il y a un contentieux électoral dans un pays et que 2 candidats se préparent, ce qu’il faut faire c’est qu’il faut éviter d’utiliser les instruments qui ont été créés à partir de la 2ème guerre, pour éviter que les plus forts mangent les plus faibles il faut éviter d’utiliser ces instruments qu’on a étudié à l’école [. . .] j’ai bien l’impression qu’en ce moment sur le plan international le camp Gbagbo est victime de la justice [. ..], il faut éviter cela, il faut faire en sorte que la Côte d’Ivoire reparte sur la voie de la réconciliation. […] Cette cour pénale internationale elle est bien pour les africains et cela me choque et je voudrais que les africains […]

Eugénie Diecky : Alors Charles Blé Goudé, je note que vous ne répondez pas directement à mes questions, j’espère que la prochaine fois vous répondrez avec beaucoup plus de facilité à cet exercice

Charles Blé Goudé : J’ai répondu à la question Madame.

 

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