Gabon : Une économie pétrolière dominée par les entreprises françaises [Par Anne-Catherine Husson-Traore]

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Plus de 80 grandes entreprises françaises ont des filiales au Gabon dont Eramet, qui exploite  le manganèse, les compagnies pétrolières TotalEnergies, Perenco ou encore Maurel&Prom, et l’acteur financier Meridiam. À l’annonce du coup d’État du 30 août, les entreprises cotées ont fait un plongeon boursier. Si la France condamne le coup de force, elle admet avoir des doutes sur les élections au Gabon. Le pays est le troisième plus riche d’Afrique en PIB par habitant (10 000 dollars par an en 2022) mais plus de la moitié de sa population vit sous le seuil de pauvreté. 

Le coup d’État au Gabon, qui a renversé Ali Bongo le 30 août dernier pour le « mettre à la retraite », semble mettre fin à un règne de près de 60 ans d’une famille durablement associée aux Biens mal acquis.
Le coup d’État au Gabon, qui a renversé Ali Bongo le 30 août dernier pour le « mettre à la retraite », semble mettre fin à un règne de près de 60 ans d’une famille durablement associée aux Biens mal acquis. Son père, Omar, avait dirigé le pays de 1967 à sa mort, en 2009. L’instruction d’une plainte, déposée en 2008 par Transparency international et Sherpa, pour détournement des richesses d’un pays au bénéfice d’un clan, se poursuit avec de nouvelles inculpations prononcées en juillet 2023. Neuf fils et filles du patriarche Omar ont été mis en examen en France pour « recel de détournement de fonds publics, corruption active et passive, blanchiment et abus de biens sociaux ».

Ces Biens mal acquis de la famille Bongo sont, entre autres, trois hôtels particuliers à Paris et près d’une dizaine de villas somptueuses sur la Côte d’Azur, dont la valeur dépasserait les 400 millions d’euros. Ce procès en corruption massive associe la banque BNP Paribas. Elle a été mise en examen il y a deux ans, accusée de « blanchiment » pour ne pas avoir vérifié les origines de la fortune qui lui a été confiée, dans un pays d’où elle s’est retirée définitivement en 2020. La destitution d’Ali Bongo ouvre la possibilité d’un procès contre lui dans la mesure où il a perdu son immunité. C’est en tous cas ce qu’espèrent les ONG de lutte contre la corruption.

Une centaine d’entreprises françaises sur place

Le Gabon est un petit pays de 2,3 millions d’habitants, très urbanisé et couvert aux trois quart de forêts primaires. Les entreprises françaises en sont l’un des piliers économiques. Elles sont une centaine sur place, représentant en tout 14 000 emplois et 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, soit un cinquième du PIB du pays !

Le plus gros acteur est la compagnie minière Eramet qui, à travers deux filiales, Comilog et Setrag, emploie plus de 8 000 personnes et réalise 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en grande partie grâce à l’exploitation du manganèse. Le deuxième plus gros acteur est TotalEnergies, loin derrière, avec 350 salariés, 520 millions d’euros de chiffres d’affaires et la production de 15 à 20 000 barils de pétrole par jour. On trouve aussi au Gabon, Air Liquide, Atos, Spie, Air France, CMA CGM sans oublier Axa ou encore Canal Plus…

Une gouvernance issue de la décolonisation

Le Gabon incarne la gouvernance issue de la décolonisation, la France ayant soutenu pendant 60 ans les dirigeants qui se sont appropriés le pouvoir et les richesses du pays sans en faire réellement bénéficier la population. Le coup d’État a eu lieu au lendemain d’élections qui ne se sont pas déroulées selon les règles démocratiques. La réélection d’Ali Bongo à la tête du pays, avec plus de 64% des voix, venait d’être annoncée. L’opposition conteste ces résultats mais c’est un militaire qui a pris les rênes du pays pour être selon ses dires « un président de transition » vers des pratiques démocratiques.

Même si la France condamne le coup de force, elle admet avoir des doutes sur les élections au Gabon. Son objectif est de faire le distinguo entre les deux coups d’État récents en Afrique, celui du Niger où elle livre à un bras de fer avec le nouveau pouvoir et celui du Gabon où elle ménage le nouveau pouvoir. Reste un point commun entre les deux : ils se déroulent dans des pays riches de ressources naturelles dont l’exploitation – uranium pour le Niger, pétrole, manganèse et terres rares pour le Gabon – ne bénéficie pas vraiment aux populations locales.

La destitution d’Ali Bongo ouvrira peut être une nouvelle époque. Les dynamiques démographiques de ces pays mettent au premier plan les populations les plus jeunes dont le soutien apparent au coup d’État montre qu’elles veulent changer d’époque.

Anne-Catherine Husson-Traore

Directrice des publications de Novethic

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