France : Besoin d’intégration

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ART. 4.

– Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis ; – Tout étranger âgé de vingt et un ans accomplis, qui, domicilié en France depuis une année – Y vit de son travail – Ou acquiert une propriété – Ou épouse une Française – Ou adopte un enfant – Ou nourrit un vieillard ; – Tout étranger enfin, qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l’humanité – Est admis à l’exercice des Droits de citoyen français.

Constitution de la première République française, du 24 juin 1793

Le score de Mme Le Pen au scrutin présidentiel du 22 avril 2012 interroge tous les démocrates et tous les républicains. Il est sans doute dû à la colère et au doute qui se sont emparé d’une frange, peut-être la plus fragile, de la population française. Mais il est surtout dû à la banalisation des idées d’exclusion et de stigmatisation des étrangers. La «lepenisation» des esprits, acceptée et même revendiquée, fait courir des grands risques de fissure et peut-être même d’explosion à la société française. Plus que jamais, la République a besoin de s’affirmer encore davantage en revenant à ses fondamentaux.

La République doit mettre en œuvre tous ses atouts pour intégrer dignement les migrants, sans complexe, sans état d’âme.

Prenant racine dans la mémoire des migrations et de l’apport des étrangers à l’identité nationale, une politique républicaine d’intégration nous impose 5 obligations:

1- Cultiver la mémoire

C’est expliquer aux Français que des étrangers ont donné tout au long de notre histoire, leur sang et leur sueur pour que survive et se développe notre pays.
C’est faire prendre conscience par nos concitoyens de l’apport culturel, scientifique et sportif de ces populations au génie français.

2- Mieux accueillir

C’est renforcer l’apprentissage du français chez les nouveaux arrivants, car s’intégrer présuppose la maîtrise de la langue française; c’est pleinement les informer de leurs devoirs, de leurs droits et des protections et recours que leur offrent les lois françaises.

3- Mieux vivre ensemble

C’est d’abord apprendre à respecter l’autre, c’est-à-dire trouver l’équilibre entre le droit à la différence et le devoir de ressemblance, dans le respect de la laïcité, fondement idéologique de la République française.
C’est mobiliser l’ensemble des solidarités autour de l’école de la République, premier levier d’intégration.
C’est promouvoir les droits de l’homme; c’est lutter contre les discriminations, le racisme et la xénophobie.

4- Promouvoir la citoyenneté

C’est expliquer que la politique d’intégration repose sur le socle des droits et des devoirs de la République française qui protègent mais aussi contraignent dans la limite des droits et des devoirs.
C’est inciter et encourager les jeunes issus de l’immigration à participer à la vie de la cité, notamment en accomplissant leur devoir électoral et en participant à la vie associative.

5- Mieux répartir le travail

C’est empêcher qu’à qualification égale, les jeunes issus de l’immigration soient deux fois plus nombreux et deux fois plus longtemps au chômage que les autres: près de 50% de ces jeunes sont au chômage!

C’est interdire la discrimination à l’embauche: la République ne saurait tolérer que, sous prétexte de crise économique, certains soient rejetés du monde du travail en raison de leur lieu d’habitation, de leur nom, de leur religion ou de leur apparence physique.

Je me dois d’insister sur un point, compte tenu de l’actualité dramatique, afin se nous aider à éviter les analyses hâtives et les amalgames. Nos sociétés ont généré et génèrent encore des jeunesses malades. L’immigration n’y est pour rien: les Fractions armées rouges en Allemagne, les Brigades rouges en Italie ou encore Action directe en France sont des mouvements qui ne comptaient aucun immigré. Plus près de nous: si Mérah est issu de l’immigration, le nazillon norvégien est bien blond aux yeux bleus! La folie et la barbarie ne peuvent pas être l’apanage des seuls immigrés: le croire est une grave manipulation et une instrumentalisation digne des pires méthodes fascistes.
Quant aux phénomènes de l’immigration clandestine que je n’ignore pas et que je déplore, il est simple à comprendre: c’est la pauvreté, le sous développement et l’absence de liberté qui font fuir les jeunes du Sud. Ceux qui font le choix de mourir noyés en Méditerranée ne le font pas de gaîté de cœur! La France et l’Europe doivent aider plus efficacement au développement,  soutenir fermement la démocratie là où elle s’installe et encourager son avènement là où les peuples  sont en lutte. Dans ce contexte, faire de l’immigration un enjeu électoral, aller vers une inflation législative au gré des élections ou des faits divers sont tout simplement indignes de la République. La République française est en droit de choisir les migrants dont elle a besoin. Elle est en droit de reconduire aux frontières ceux qui ne sont pas attendus. Mais elle doit le faire dans la sérénité du droit. Elle ne peut nullement se servir de cette misère à des visées électoralistes.

Le peuple de France doit connaître la vérité pour ne plus se laisser berner par des marchands de foutaises: la vérité, c’est que, chaque fois qu’un enfant quitte les côtes africaines pour l’Europe, c’est une nouvelle saignée comparable à celle de la traite, même si ici, les responsabilités et les motivations peuvent paraître différentes. Et chaque fois qu’il en meurt un dans la Méditerranée, comment ne pas comparer cette innocente victime à celles des bateaux négriers? 

Ainsi donc, si l’on peut penser que cette jeunesse qui fuit l’Afrique pour l’Occident en général et la France en particulier, est une chance pour les pays de destination, c’est une saignée vive et un grand malheur pour les pays de départ, et l’humanisme qui est une composante essentielle de la France et de la pensée française, nous interdit d’en faire de la confiture pour cochons et encore moins de nous en réjouir.

L’immigration, une chance? Une menace? Ni l’une ni l’autre. La migration est la rencontre entre êtres humains et cette  rencontre-là est toujours porteuse des grandeurs et des faiblesses inhérentes à la nature humaine. L’immigration en France depuis des siècles, c’est beaucoup de Marie Curie, de Poniatowski, de Platini, de Manoukian, de Montand… Ce sont des millions de petites mains, de grands pieds, de cerveaux en ébullition, de muscles de champions et quelques rares rebuts de l’humanité que la France a elle-même parfois armés.

                                            Kofi YAMGNANE 

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