Franc CFA: Nathalie Yamb de LIDER répond au président de la commission de l’Union européenne, Juncker [ Par Nathalie Yamb ]

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M. Juncker,

Dans une interview que vous avez accordée à Euronews, vous affirmez : «Je ne vois pas un désir réel des Africains de quitter cette zone qui donne une certaine visibilité à l’Afrique. J’aimerais voir une plus grande émancipation en Afrique».

Et pourtant, ce sont bien les lobbyistes rétribués par l’Union européenne et la France qui agitent toujours l’épouvantail de l’hyperinflation pour effrayer ceux qui seraient tentés de s’émanciper en suivant les partisans de la rupture avec le franc cfa : «Mais regardez au Zimbabwe, c’est dans ça que vous voulez les laisser vous entraîner ?»

M. Juncker,

La différence entre le banquier central du Zimbabwe et le gouverneur de la Bceao ou de la Beac, c’est que le banquier central du Zimbabwe sait gérer une monnaie. Lui, c’est quelqu’un qui apprend à faire quelque chose. Bien sûr, comme pour tout apprentissage, il ne réussira pas tout de suite. Il va échouer, il va apprendre de ses échecs, et un jour, il va réussir. C’est comme un enfant qui veut faire de la bicyclette. Vous pouvez-vous dire : moi j’ai trop peur que mon gamin se blesse, donc je ne le laisse pas s’approcher d’un vélo et je serai toujours là pour l’amener là où il voudra aller. Ou bien, vous pouvez être cet autre parent qui va dire : ok, il va tomber et s’écorcher les genoux, mais un jour, il saura pédaler et il sera indépendant. C’est la différence entre celui qui apprend et celui qui attend que la métropole fasse le travail à sa place.

Cela fait des décennies que l’Afrique forme des médecins, des politiciens, des militaires, des diplomates, des ingénieurs, des agronomes, des chimistes, des économistes, des architectes, des juristes, des intellectuels, et on voudrait nous dire que nous serions incapables de gérer une monnaie ? Voyons !

On nous affirme aussi que le franc cfa est gage de stabilité. Mais M. Juncker, la stabilité, c’est pour qui ? Uniquement pour la petite minorité qui détourne les deniers publics et qui peut aller se faire soigner, envoyer ses enfants étudier et s’offrir des vacances dans les pays occidentaux.

Regardez notre voisin. En un an, le Ghana a perdu 40% de la valeur de sa monnaie, le cedi. Et que s’est-il passé ? Au scrutin présidentiel de décembre 2016, les populations ont balayé John Dramani Mahama, parce qu’elles se sont dit que sa gouvernance ne devait pas être suffisamment bonne, si leur monnaie dégringole autant.

Le franc cfa, M. Juncker, est plutôt la source de l’instabilité en Afrique noire francophone, car ce système permet à des gouvernants illégitimes et incompétents de rester au pouvoir parce qu’on n’arrive pas, du fait de la garantie de la parité, à sanctionner la mauvaise gouvernance de nos dirigeants. Le franc cfa, c’est la prime d’assurance que ces médiocres paient à la France pour rester au pouvoir en continuant à étouffer le développement des nations.

Confronté au problème migratoire, votre thèse est que l’Europe doit investir en Afrique, si elle veut que les Africains restent sur leur continent. Vous vous trompez lourdement, M. Juncker. L’Europe doit juste cesser de soutenir le système et les despotes que la France a choisis pour conserver sa mainmise coloniale sur nos pays. Si, au lieu de gaspiller des millions d’euros à financer des routes et des toilettes, ou à équiper des policiers au sud du Sahara, vous exprimiez votre solidarité non pas aux dirigeants, mais aux peuples d’Afrique, en conditionnant votre «aide» à des réformes institutionnelles (inscription gratuite des jeunes sur les listes électorales, scrutins transparents, fin du franc cfa), vous verriez à quel point le flux des migrations irrégulières vers l’Europe diminuerait.

Et vous savez quoi ? Ce n’est pas nous, qui proposons l’alternative, qui avons la charge de la preuve. C’est plutôt à ceux qui nous gouvernent depuis 57 ans, ceux que vous soutenez et qui maintiennent les populations d’Afrique dans la misère, poussant des millions de jeunes à chercher l’espoir d’un avenir meilleur chez vous, en Europe, d’apporter la preuve que cette monnaie coloniale et appauvrissante est bonne pour nous.

Pour finir, M. Juncker, si vous n’avez jusqu’ici pas perçu un désir réel de quitter la zone franc, c’est que vous n’avez pas eu les bons interlocuteurs. Attendez que Mamadou Koulibaly arrive au pouvoir en Côte d’Ivoire en 2020. Vous verrez qu’il n’hésitera pas une seconde à mettre en œuvre les modalités de saisine des institutions pour libérer nos pays du franc cfa. Vous avez l’occasion de le rencontrer en novembre 2017, à Abidjan. N’ayez pas peur. Osez le futur. Gagnant-gagnant.

Abidjan, le 26 septembre 2017

Nathalie Yamb
Conseillère Exécutive
Liberté et Démocratie pour la République (LIDER)

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