Exclusif ! Gilbert Bawara : le Collectif Sauvons le Togo n’est rien d’autre que le cache-sexe de l’ANC

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Lynx.info : Le non respect des recommandations inscrit dans l’Accord Global Poltique (APG) signé en 2006 est la cause du drame sociopolitique actuel ?

Gilbert Bawara (GB): Votre appréciation de la situation sociopolitique actuelle au Togo est erronée, excessive et en décalage avec la réalité. Ce n’est pas parce certains acteurs politiques conspirent pour provoquer un climat de crise qu’il y a effectivement crise et ce n’est pas parce que les journaux qui opèrent dans leur sillage l’écrivent que cela se réalisera. Il ne faut ni succomber à l’angélisme qui consisterait à prétendre que tout est parfait ni tomber dans la supercherie de ceux que les événements des années 1991 avaient propulsés au devant de la scène politique et qui, alors qu’ils ont complètement échoué à incarner et à traduire les aspirations du peuple, croient pouvoir rééditer le vent de soulèvements en abusant une partie de la population. Il n’existe actuellement aucune crise politique au Togo, encore moins de drame sociopolitique. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de malentendus entre acteurs politiques ou qu’il n’y a plus d’efforts de réformes politiques à faire pour raffermir l’apaisement de la vie politique, approfondir la démocratie et renforcer la cohésion interne. C’est sans réel fondement si ce n’est la poursuite d’intérêts purement partisans qu’une frange de l’opposition s’acharne à travers des actes haineux, d’intolérance et d’incitation à la violence en vue d’entretenir une atmosphère délétère et, partant, saper la dynamique de reconstruction nationale, saper les efforts de réconciliation nationale et mettre à mal l’image et la crédibilité que le Togo a reconquises sur l’échiquier mondial. Les divergences d’opinion sont utiles en démocratie et enrichissent des dynamiques de progrès. Mais les discordes et les conflits permanents et l’exaltation de la haine, de l’intolérance et des éléments qui divisent sont mortifères.

Lynx.info : …mais de nombreux togolais étaient dans les rues ces derniers jours….

Parmi les manifestants, il y avait de nombreux concitoyens de bonne foi qui expriment des inquiétudes et des préoccupations réelles quant à leurs conditions de vie. Pensez notamment aux milliers de jeunes sans emplois ou qui aspirent à de meilleures conditions d’éducation et de formation et qui vivent dans l’angoisse. Au-delà de l’opinion nationale et internationale qui n’arrive pas à cerner véritablement les revendications et demandes exactes des organisateurs des contestations, la grande majorité des manifestants ne connaissent même pas le contenu et la portée des textes légaux contestés. Sans doute, y a-t-il eu quelques insuffisances d’explication et de communication sur les efforts constants déployés par les autorités pour favoriser le dialogue et la recherche de compromis et pour souligner les obstructions et les blocages de la part d’une frange de l’opposition. Car il faut bien rappeler les principes et les éléments fondamentaux de l’Accord Politique Global ainsi que le fil conducteur des réformes politiques menées par le gouvernement.

L’Accord Politique Global d’août 2006 a fixé un cadre et des principes généraux en vue de la restauration du processus de démocratisation et d’édification de l’Etat de droit dans notre pays. Le soubassement de cet accord et le fondement des 22 Engagements, dont est issu cet accord, consistaient précisément à organiser des élections législatives libres, démocratiques et transparentes dans un cadre électoral consensuel et acceptable par toutes les parties prenantes. A partir de là, il était convenu que les réformes politiques doivent être menées dans le cadre des institutions jouissant de la légitimité politique et démocratique requise, à savoir l’assemblée nationale, le dialogue et le consensus devant permettre de conférer une assise plus forte et un socle plus vaste à ces réformes. Tel est, en toile de fond, l’esprit de l’APG que certains tentent de falsifier. Une assemblée élue démocratiquement existe depuis octobre 2007 et la plupart de ceux qui contestent les réformes adoptées récemment ont été candidats aux élections législatives de 2007 avec des fortunes diverses. Ils savent le rôle et la vocation d’une assemblée nationale et d’un gouvernement issu de la majorité parlementaire dans toute démocratie! La volonté de dialogue et de recherche de compromis est évidente du côté des autorités, mais toutes les démarches sont systématiquement torpillées et mises à mal par une frange de l’opposition dont les leaders politiques sont parmi les responsables du « Collectif Sauvons le Togo ».

Lynx.info : Revenons un peu au non respect de l’APG, on a quand même le sentiment que le gouvernement est fautif ?

C’est une fausse perception et une déformation de la vérité. Regardons plutôt les faits, les actes et les actions du président Faure Gnassingbe et du gouvernement et essayons d’apprécier avec objectivité. La mise en œuvre satisfaisante de l’Accord Politique Global a souffert depuis sa signature de nombreux obstacles érigés par l’un ou l’autre des partis d’opposition. Pensons au refus de l’UFC de participer à l’époque au gouvernement d’union nationale dirigé par Maitre Yaovi Agboyigbo ou au refus de certains signataires de participer aux gouvernements d’ouverture qui ont été mis en place successivement depuis les législatives de 2007. Au lendemain de l’élection présidentielle de 2010 il y a eu un accord politique entre l’ex-RPT et l’UFC mais cet accord n’était pas exclusif des autres partis politiques en ce qui concerne la participation à l’équipe gouvernementale actuelle. Certes les gouvernements d’ouverture ne sont pas une panacée ou une fin en soi. Ils peuvent cependant constituer une démarche politique susceptible de favoriser des réformes politiques consensuelles et permettre une gestion concertée du pays.

Toutes les autres démarches concrètes de dialogue politique initiées par le Chef de l’Etat et le gouvernement ces dernières années butent systématiquement sur le fondamentalisme de certains acteurs de l’opposition, en particulier l’ANC ou alors sur l’inconstance et le suivisme des autres tels que le CAR et la CDPA. Je parle notamment des invitations adressées à ces partis au lendemain de l’élection présidentielle de 2010 en vue de renouer le dialoguer sur les réformes à réaliser, de leur boycott des travaux du CPDC dit rénové, du torpillage par le leader de l’ANC du dialogue restreint pourtant dirigé par un membre éminent de son propre parti et des tentatives infructueuses du premier ministre pour obtenir la contribution de ces partis avant les délibérations de l’assemblée nationale sur les textes querellés !

Au total le dialogue politique est rendu difficile dans notre pays en raison de deux attitudes paralysantes et improductives au sein de l’opposition togolaise. D’une part il y a une tendance radicale et extrémiste incarnée par ceux dont l’existence même et la philosophie reposent justement sur la contestation et le rejet systématique de toute initiative inspirée par le gouvernement. D’autre part il existe des partis qui brillent par leur inconstance et leur manque de courage pour se démarquer de tout radicalisme. Vous constatez donc que la responsabilité de la situation actuelle se situe clairement dans le camp de ceux qui ont choisi le fondamentalisme et la contestation comme mode d’action politique.

Lynx.info : Le dernier rapport de l’UE et des ambassadeurs note des manquements dans les reformes au Togo. Faure n’a t-il pas tort de jouer à la sourde oreille ?

Il n’existe aucun rapport de l’Union européenne dénonçant des manquements que vous évoquez. En revanche il y a eu un communiqué de la part des partenaires au développement en poste au Togo prenant acte des lois qui ont adoptées par l’assemblée nationale relativement au code électoral et à la révision de la carte des circonscriptions électorales et exprimant l’engagement des bailleurs de fonds à poursuivre leurs appuis à notre pays, y compris dans le cadre de la préparation et de la tenue des prochaines élections. Ces partenaires, qui représentent la communauté internationale au Togo, sont témoins des efforts déployés par le gouvernement et ils sont conscients des avancées importantes que consacrent les textes adoptés récemment. Ils observent l’attitude des uns et des autres et ils savent de quel côté viennent les blocages. Ils n’ont pas à soutenir ostensiblement le gouvernement. Je partage le sentiment qui transparait du communiqué quant à la nécessité de maintenir un esprit de dialogue et d’œuvrer au compromis et au consensus dans l’intérêt du Togo. C’est dans cet état d’esprit que le gouvernement travaille quotidiennement. Le président Faure Gnassingbé et le gouvernement se sentent réconfortés et continueront à manifester leur disponibilité totale, en restant à l’écoute de ceux de nos concitoyens qui expriment des inquiétudes réelles ou qui ont des idées à apporter pour améliorer les choses dans notre pays. C’est cette volonté d’écoute et de dialogue qui a amené le Chef de l’Etat à accéder favorablement aux démarches entreprises par Monsieur Zeus Ajavon du « Collectif Sauvons le Togo » pour obtenir une audience et être reçu. Je regrette que ce dernier qui porte de multiples casquettes et joue des personnages contradictoires n’ait pas ressenti le besoin de privilégier une démarche collective. Il aurait pu amener à l’audience qui lui a été accordée certains de ses camarades comme, par exemple M. Jean-Pierre Fabre. Cela aurait eu le mérite d’aider à apaiser leurs inquiétudes.

Lynx.info : …UNIR et Faure ont-ils peur de perdre aux élections à venir si le code électoral était retouché ?

Les élections sont importantes car elles constituent un élément fondamental de régulation politique et démocratique. La victoire électorale n’est pas une obsession pour UNIR qui attache de l’importance à la tenue d’élections libres, démocratiques, transparentes et crédibles. UNIR entend œuvrer pour la restauration d’un consensus politique et travailler avec les autres acteurs pour que les prochaines élections se déroulent dans un climat apaisé. L’intérêt du Togo l’exige, et non le souci de satisfaire le particularisme des intérêts partisans. C’est sans toute la différence entre UNIR et les autres partis qui veulent gagner les élections sans élections ! Pour UNIR, quelle que soit l’issue des élections, au finish ce sera toujours des Togolais qui auront gagné, l’essentiel étant l’avancement du pays sur le chantier de l’approfondissement de la démocratie et la consolidation de la paix et de la stabilité qui sont des conditions indispensables pour assurer le développement économique et social et pour continuer à améliorer les conditions de vie des populations. Entre ceux qui sont dans un esprit velléitaire et cherchent à détruire et casser et ceux qui persévèrent dans une politique d’apaisement, de réconciliation nationale et de reconstruction du pays, les Togolais sont lucides pour faire la part des choses et opérer des choix judicieux le moment venu. Il faut non seulement gagner les élections mais continuer à rassembler les Togolais autour des défis de développement et de bien-être des populations.

Lynx.info : …même le député Habia (UFC) dont le parti gouverne avec Faure s’est mis  du côté du peuple. Vous n’allez pas pousser votre allié à se démarquer de Faure si les exactions sur la population se poursuivaient?

L’honorable Habia est avant tout un citoyen et il a pleinement le droit d’exprimer son opinion et son point de vue sur les événements politiques qui surviennent. Je ne crois pas que cette opinion que vous lui prêtez soit le reflet d’une position unanimité au sein de l’UFC. Les propos supposés de l’honorable député n’ont donc pas la portée et l’importance que vous voulez leur donner. Le saccage du siège de l’UFC dont il est membre, les exactions, les voies de fait infligés aux simples passants, aux élèves, aux commerçants et aux conducteurs de taxi-motos ainsi que les actes de violences, de destruction et de dégradation des biens privés et publics qui ont été délibérément causés par des manifestants surexcités ne peuvent être considérés comme l’exercice des libertés. Les organisateurs n’ont jamais caché leur volonté de voir la situation dégénérer et entrainer des dégâts. Ils disent ouvertement être dans une logique de violence et d’instrumentalisation de cette violence pour pouvoir incriminer les autorités. C’est une attitude contreproductive à partir du moment où cela revient à pénaliser l’ensemble de la population. En toute hypothèse, le Président Faure Gnassingbé, à l’époque président du RPT, autorité politique et garant moral de l’accord RPR-UFC, continuera à être loyal et constant vis-à-vis de l’UFC et de ses dirigeants qui apportent une grande contribution aux efforts de réconciliation nationale et de redressement national. Tout le reste relève des petits jeux et calculs de positionnement, sans grande importance.

Lynx.info : Pour beaucoup, Faure surfe sur la majorité qu’il a au parlement pour ne pas discuter sur la réforme du code électoral pourtant inscrit dans l’APG…

Les responsables actuels de l’ANC avaient fait campagne en 2007 en sollicitant des électeurs de leur assurer une majorité parlementaire qualifiée, à savoir au moins 65 députés, leur intention étant de disposer, à eux tous seuls, de la majorité requise pour pouvoir modifier la constitution ! En ce moment là, ils avaient oublié que l’APG prescrivait le consensus. Ils savaient et ils savent pertinemment que la recherche du consensus n’empêche pas à une majorité parlementaire d’exercer ses prérogatives constitutionnelles. Malgré la majorité parlementaire dont ils disposent, les partisans du président Faure Gnassingbe persévèrent dans un esprit de dialogue, d’ouverture et d’inclusivité politiques. J’ai rappelé tantôt les initiatives multiples et concrètes entreprises depuis la signature de l’Accord Politique Global. Pour nous, le dialogue et le consensus ne sont pas des dogmes mais procèdent de la conviction que c’est le seul moyen pour conférer une assise plus large et un socle solide aux réformes politiques. Malheureusement il n’existe aucun moyen pour contraindre les partis d’opposition à dialoguer ou pour favoriser leur conversion afin qu’ils renoncent aux réflexes identitaires et régionalistes et qu’ils cessent d’inoculer le venin de l’intolérance, de la haine et de la violence dans la société togolaise. A mon sens le Collectif Sauvons le Togo n’est rien d’autre que le cache-sexe de l’ANC qui a réussi à phagocyter, inféoder et embrigader d’autres acteurs politiques et certains activistes des droits de l’homme. Ce Collectif et ses membres qui disent rejeter le code électoral révisé ne parviennent pas à préciser les dispositions de cette loi qui sont contestées et contestables ! Ce Collectif ne dit pas non plus s’il préfère le texte d’avant et donc le statu quo ante.

Lynx.info : Kofi Yamgnane de (Sursaut-Togo) dit que Faure n’a encore respecté aucun texte de l’APG.  Vous êtes du même avis ?

Comment voulez-vous que ces propos puissent être pris au sérieux et soient crédibles alors que l’intéressé n’est même pas au Togo et à ma connaissance ne s’y est pas rendu ces deux ou trois dernières années ?  Il est donc en décalage total avec les réalités sur le terrain et je sais qu’il désapprouve la manière de faire et les méthodes d’action de ses anciens amis du FRAC qui est en train de se transfigurer en « Collectif Sauvons le Togo ».

Lynx.info : On reproche au pouvoir togolais d’exercer la brutalité là où il faut dialoguer. Que faut-il faire pour que le Togo soit un pays sans heurts toutes fois qu’une élection est aux portes ?

Il est indispensable de restaurer le calme et la sérénité des esprits et de reposer convenablement les problèmes. A défaut d’inventer des interlocuteurs autrement plus sérieux et plus crédibles, le gouvernement continuera à faire preuve d’une réelle volonté d’ouverture et de dialogue. L’inspiration finira par arriver chez ceux qui sont dans une logique protestataire et destructrice. Il ne faut désespérer de personne et j’espère vivement que chacun finira par comprendre où se situe l’intérêt de notre pays qui a trop souffert de la violence politique et des divisions et querelles stériles. Il est primordial que l’on s’entende sur les fondamentaux d’un dialogue politique et du consensus recherché. Il ne peut y avoir dialogue et consensus si chacun des acteurs campe sur ses positions et cherche à imposer ses vues et ses revendications aux autres au lieu d’effectuer des pas les uns envers les autres pour trouver des justes milieux. Le consensus est incompatible avec l’intransigeance et la logique du tout ou rien. Le dialogue politique et le consensus invoqués n’ont de sens dans le contexte actuel que s’il s’agit aussi de permettre aux acteurs politiques et de la société civile qui ne sont pas représentés à l’assemblée nationale de pouvoir exprimer leurs opinions et leurs points de vue et de pouvoir contribuer ainsi à enrichir le débat politique et conférer une assise large aux réformes politiques à opérer. Tel est en vérité l’esprit du Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC) issu de l’Accord politique global. L’intolérance et l’exclusion dont nous savons tout le tort qu’elles ont causé à notre pays depuis la conférence nationale de 1991 ne doivent plus avoir droit de cité. Enfin, le dialogue et le consensus doivent être conçus en fonction d’objectifs précis au service de l’intérêt du pays et non pour satisfaire des revendications purement partisanes.

Lynx.info : Quel message avez-vous à l’opposition togolaise dans son ensemble ?

En 2007 et en 2010, nous avons été capables, à travers des échanges et des discussions parfois laborieuses mais fructueuses, d’opérer des réaménagements sur les textes électoraux, même à la veille des scrutins. Les textes déjà adoptés et actuellement contestés ne sont pas figés et non-modifiables. Si demain des améliorations apparaissaient indispensables et qu’il existe un consensus politique à cet effet rien ne devrait empêcher de procéder à ces améliorations à tout moment jusqu’au jour des élections. Je voudrais aussi dire qu’on ne peut pas parler de dialogue et de consensus et refuser les initiatives de concertation. C’est seulement dans le calme et la sérénité qu’il est possible de mener un dialogue politique franc, sincère et approfondi sur réformes majeures qui restent encore à réaliser. Plusieurs schémas et scénarios sont possibles. Nous pouvons nous contenter du statu quo et dans ce cas le code électoral et le découpage des circonscriptions, tels qu’ils existaient avant les modifications contestées restent d’application pour les prochaines élections. Nous pouvons aussi considérer que les récentes modifications ont consacré des avancées significatives et aller de l’avant sans exclure d’éventuelles améliorations additionnelles. A mon sens les avancées sont manifestes, notamment en comparaison avec les textes électoraux dans la plupart des pays de la sous-région. Je ne vois donc pas, objectivement, l’objet véritable des contestations. Les péripéties qui avaient émaillé en leur temps la mise en œuvre de l’Accord cadre de Lomé et les travaux du CPS avec les suites que l’on sait doivent nous instruire pour éviter les attitudes d’obstruction et de blocage ! L’histoire politique du Togo ne doit pas être un éternel recommencement.

Interview réalisée par camus Ali Lynx.info

 

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