Qu’est ce que « les états généraux de la république » ? Pour le FPI, concepteur de ce terme, il s’agit d’un : « débat large, inclusif, franc et sincère sur toutes les questions qui divisent les ivoiriens depuis plusieurs années, qui constituent les causes de la crise ivoirienne et dont la résolution permettra de fonder un nouveau consensus national pour la paix, la stabilité, l’unité et la réconciliation nationale ».
Mais pour les partisans du RDR, parti au pouvoir, « les états généraux de la république », c’est tout, sauf ce qu’en disent ses concepteurs. A leurs yeux, il s’agit plutôt d’une « proposition farfelue pour plomber le travail du président (Alassane Ouattara, ndlr) », ou encore, d’une tentative du FPI visant à « perdre le temps » à leur mentor. Aussi, la sentence du RDR, se veut-elle sans appel : « Le RDR ne s’inscrira jamais dans un tel projet ». Dixit Amadou Soumahoro, secrétaire général de ce parti. Et Joël N’guessan, porte-parole dudit parti de d’enfoncer le clou: « La Côte d’Ivoire n’a pas encore besoin d’un second forum » (allusion faite au « Forum national de la réconciliation », le premier qu’a connu ce pays en 2001).
Une fois de plus, au-delà de la polémique autour de ces « états généraux de la république » proposés par le FPI, principal parti d’opposition, c’est la problématique de la crise ivoirienne, elle-même, qui est posée. Comment et pourquoi la Côte d’Ivoire, naguère paisible ; comment ce pays, qu’on appelait « la perle de l’Afrique », s’est-il, du jour au lendemain, transformé en une terre rongée par la guerre civile ; comment s’est-il vu déchiré par une crise si profonde ? Philipe Duval, journaliste français, spécialiste de l’Afrique, décrit la tragédie ivoirienne: « La crise poste a gravement traumatisé les ivoiriens qui n’avaient jamais connu la guerre. L’irruption de combattants étrangers (français, ouest-africains, dozos) dans le conflit a profondément déséquilibré une communauté d’une soixantaine d’ethnies qui avaient réussi à trouver communauté un modus vivendi, (…). Puis il conclut : « Le traumatisme est sans doute aussi profond que celui provoqué par la conquête coloniale et il faudra des années pour le guérir ». Si Philipe Duval, qui lui, n’est qu’un observateur étranger de la crise, trouve des mots justes pour la décrire, c’est que la crise ivoirienne n’est plus une tragédie dont on peut cacher les effets.
Certes, il faudra des années, mais il faudra surtout trouver la meilleure thérapie pour guérir ce pays. Jusqu’ici, les actions initiées, sous l’égide du régime en place, n’ont fait que buter sur des désaccords et ou, montrer leurs limites et insuffisances. Pour preuve, ni la commission dialogue vérité et réconciliation (CDVR), ni le cadre permanent de dialogue (CPD), encore moins le dialogue direct position-gouvernement, n’ont réussi à faire sortir le pays du bourbier de la division, des rancœurs et des haines dans lequel il s’est vu empêtré depuis le début de la crise, par la faute de politiciens véreux et au demeurant, foncièrement égoïstes et égocentriques. En fait aucune des méthodes de résolution de crise employées jusqu’ici, n’a eu aucune approche fondamentalement inclusive. Plus grave, ceux qui gèrent le pouvoir en ce moment en Côte d’Ivoire, selon des observateurs, « ne veulent en aucun cas remettre en question leur domination quasi-princière. Elles optent par conséquent pour e cadre légal qui leur garanti ; justement, une prédominance parce qu’elles contrôlent l’état ». Ces observateurs n’ont pas tort. Récemment, interrogé sur la question des « états généraux de la république », Alassane Ouattara, candidat déclaré, a éludé la question et préféré dire à l’opinion ce qui importe pour lui: son maintient au pouvoir. La grave crise qui mine le pays, étant le dernier de ses soucis : « Je considère que c’est important que le dialogue politique puisse se poursuivre (…) Mais qu’en octobre 2015 les ivoiriens puissent voter, c’est le plus important ».
Si Alassane Ouattara et son clan étaient plus soucieux du sort des ivoiriens et de l’avenir de ce pays, s’ils étaient plus préoccupés à le sortir du cycle infernale de violence dans lequel ils l’ont eux-mêmes plongé, ils ne se seraient pas cantonnés à des approches qui ont fini par montrer leurs limites et insuffisances. Ils auraient exploré toutes les pistes de résolutions à eux offertes. Ils n’auraient pas boudé cette proposition de résoudre les problèmes de fond, sur des bases objectives, inclusives et consensuelles. Ils n’auraient pas rejeté « les états généraux de la république » proposés par l’opposition.
Mais voilà. Ils la rejettent. Sans même qu’elle ne fasse l’objet d’une analyse approfondie de leur part. Les voilà à botter en touche. Les voilà à se recroqueviller sur eux-mêmes.
En fait, la question est : pourquoi le RDR rejette-il cette proposition qui impliquerait la participation de toutes les couches représentatives du pays, notamment sur des questions d’une extrême gravité et surtout, au vu et au su du monde entier ? Le peuple ivoirien n’a-t-il pas son mot à dire dans cette crise qui dénature son pays ?
En fait, le RDR, parti politique dont Alassane Ouattara est le mentor, a tout simplement peur. Une peur bleue. Peur du FPI de Laurent Gbagbo ; peur de voir étalé sur la place publique, sa répugnante laideur ; peur qu’enfin ne soient dévoilés ses forfaits, ses crimes odieux, son imposture… Le RDR a peur que les victimes de sa barbarie ne parlent : ceux de Duékoué, de Nahibly, de Yopougon, des contrées les plus reculées de la Côte d’Ivoire. Ceux à qui il a infligé les pires atrocités de sa vengeance. Ce parti abonné aux coups fourrés et aux complots en tous genres, a peur de se voir rattrapé par ses propres crimes…. peur de subir les conséquences que le débat national lui imposera: la déchéance et la perte du pouvoir. Le RDR a peur de devoir, en fin de compte, subir ce qu’il a fait endurer aux autres. Voilà tout le sens de sa fuite en avant, face à ce qui se présente comme l’incontournable débat de fond et de vérité: les états généraux de la république.
Mar Micaèl La riposte