Entre marge décisionnelle, autodétermination : Les BRICS+avancent sans le G7et l’OTAN, une opportunité pour l’Afrique !

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L’Union européenne affirmait déjà en 2012 qu’en s’appuyant sur la richesse exprimée en produit intérieur brut (PIB), « la Chine devrait devenir la plus grande économie du monde avant 2020[1] ».

Lorsqu’on s’attache à revisiter les positions de l’Union européenne, notamment au travers d’un rapport du parlement européen de 2012 portant sur les « objectifs et les stratégies » de « la politique étrangère de l’UE à l’égard des pays BRICS et puissances émergentes[2] », il faut bien constater qu’aujourd’hui en 2023, les risques identifiés par l’Union européenne se sont révélés exacts, sauf que rien ne permette de percevoir une volonté effective de les éviter dans le cadre d’une coopération loyale avec les dirigeants des BRICS. Au contraire, le constat semble s’apparenter à une forme d’auto-prédiction fondée sur le doute quant à une « consolidation » de la poursuite de la croissance économique des BRICS que rappellent six points cruciaux du rapport :

  • absence d’un nouveau système de gouvernance mondiale inclusif et fondé sur la consultation approfondie et la coopération étroite avec les BRICS et autres économies émergentes ;
  • peu d’incitation en faveur de la coopération internationale et d’actions concertées sur les principales questions d’importance mondiale ;
  • risque de « fragmentation politique et économique et l’émergence de programmes mondiaux en concurrence et de zones régionales séparées » ;
  • risque de « détricotage des structures économiques mondiales et des flux d’investissements » ;
  • risque de « création de groupes régionaux d’influence caractérisés par une coordination internationale très limitée » ; et
  • une absence de possibilités de solutions concertées aux défis transnationaux[3].

Pourtant, l’Union européenne était bien consciente « des défis transnationaux – tels que le changement climatique, les questions de réglementation mondiale, l’accès aux matières premières et aux terres rares, le terrorisme, la lutte contre les mouvements radicaux non étatiques, le développement durable, la stabilité politique et la sécurité mondiales ». Elle se proposait à l’époque de « prendre l’initiative en la matière » pour :

  • faciliter une approche inclusive réglementée, basée sur des valeurs communes si elles sont véritablement partagées, le partenariat le consensus, la consultation et la coopération étroite avec les nouvelles puissances émergentes ;
  • trouver des solutions efficaces aux défis transnationaux ; et
  • promouvoir les échanges intra-BRICS élargis.

Or, il semble qu’il y a une très grande difficulté à définir ce que peuvent être des « valeurs communes partagées » entre les dirigeants du l’UE, et plus largement du G7 et de l’OTAN d’une part, et les dirigeants du groupe des BRICS et plus largement du Sud global. Il faut même croire que la difficulté vient du fait que les valeurs communes qui doivent être partagées soient celles de l’UE, du G7 et de l’OTAN. Si le sujet de la coopération entre les pays du Nord global et ceux du Sud global porte sur la part de marge décisionnelle, de souveraineté et d’autodétermination des uns et des autres, assurément, le sujet n’est plus sensible. Il devient explosif.

Le point de vue du Sud global, en l’occurrence celui de l’Afrique, semble avoir régulièrement et systématiquement été considéré comme négligeable et insignifiant dans les discussions sur les enjeux mondiaux. Conscient de sa montée en puissance, le Sud global est en train de se réorganiser dans le cadre de l’impulsion des cinq pays des BRICS : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud. La trajectoire n’est assurément pas linéaire, mais les BRICS ne font pas non plus du surplace. Alors où placer le curseur au cours d’une période de transition où la souveraineté du Sud global ne peut plus passer par pertes et profits par le Nord global ?

Sommaire :

1. LES BRICS DOIVENT DÉCONSTRUIRE LE NARRATIF OCCICDENTAL SUR LA SOUVERAINETÉ

Les dirigeants du monde dit « occidental » ont structuré leur narratif[4] en mettant en valeur unilatéralement et excessivement leurs propres mérites, en absolvant leurs propensions à la belligérance, de manière à établir leur légitimité, devenus au fil du temps, un droit unilatéral à s’imposer face aux autres. Leur souveraineté n’est pas négociable. Or, la souveraineté des pays à influence faible, ceux du Sud global et plus particulièrement de l’Afrique, demeure négociable, voire influençable. Pourtant les dirigeants en lutte pour la nouvelle indépendance du Sud global, des BRICS et de l’Afrique en particulier, n’ont jamais sollicité le G7 -États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Canada, France, Japon- et l’OTAN[5] pour les « aider », ou les « accompagner » dans cette tâche puisqu’il s’agit justement de se libérer des stigmates laissés par le joug occidental.

Or, la souveraineté repose sur la possibilité pour un individu ou un peuple de choisir librement sa conduite et ses opinions, hors de toute pression extérieure. En droit international, ce terme renvoie par extension au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, c’est-à-dire de choisir librement leur État et leur forme de gouvernement, de ne pas être cédés ou échangés contre leur volonté, et au besoin de faire sécession. Ce principe possède de profondes racines historiques et africaines. Mais sa déclinaison dans le cadre du narratif occidental se fait avec une ambiguïté institutionnalisée en fonction des véritables bénéficiaires et surtout des conséquences de son applicabilité sur les intérêts que se sont arrogés les dirigeants occidentaux en Afrique. Le contraire ne viendrait même pas à l’esprit d’un dirigeant occidental.

Or, l’objectif ultime des peuples africains et d’ascendance africaine est de retrouver une unité africaine respectueuse de toutes les diversités. Le panafricanisme en tant que forces idéologique, cultuelle, culturelle, économique et stratégique n’a d’autres choix dans ce contexte que de lutter pour assurer la réalisation collective du destin du Peuple africain. Cela ne pourra pas se faire avec l’ingérence des dirigeants du G7 et de l’OTAN, comme au demeurant, la souveraineté du G7 et de l’OTAN ne s’est pas faite avec les dirigeants africains. De nouveaux partenariats gagnant-gagnant devront se tisser au sein du Sud global, et plus particulièrement entre le Sud global, comprendre les BRICS en extension, et l’Afrique.

Il faut pour cela d’abord contribuer à trouver des solutions opérationnelles à l’absence de souveraineté effective des Peuples africains. Tous les pays africains ont été invités par le Président sud-africain.

Le 15e sommet de l’organisation des BRICS qui s’est tenu à Johannesburg du 22 au 24 août 2023 sous la présidence tournante du Président sud-africain, Cyril Ramaphosa, se révèle avoir été une étape décisive dans le processus par itération d’accroissement de la capacité d’influence du Sud global, même si une part considérable a été réservée aux pays émergents à quelques exceptions près.

La participation de plus de 40 pays du continent au niveau de chefs d’État, de chefs de gouvernement ou de ministres des affaires étrangères, démontre l’intérêt des pays africains pour les BRICS et les opportunités économiques qu’ils offrent.

2. L’ABSENCE DE LA SOUVERAINETE EFFECTIVE DES AFRICAINS : ATTENTION AU NARRATIF

L’extensions du G7 au G8[6] avec la Russie n’a pas fonctionné. Quant au G20, il s’agissait pour le G7 d’intégrer 11 autres grands pays, dont la Chine et l’Inde, ainsi que la direction de l’Union européenne tout en restant maître de l’agenda. Autrement dit, il s’agissait d’aligner sur les positions occidentales, des pays importants et en émergence, officiellement ou officieusement considérés comme des « non-alignés ». La création des BRICS marque les limites de cette tentative de neutralisation de la souveraineté collective des dirigeants mal à l’aise au sein du G7 élargi au G20.

Les répercussions des actes posées par les dirigeants occidentaux du G7 et de l’OTAN influencent leur propre image au point de leur faire oublier la réalité d’une histoire occidentale qui s’est construite, voire institutionnalisée aux dépens du Sud global, de l’Afrique en particulier. Pour le cas particulier des Africaines et des Africains, il n’est plus possible de faire comme si l’unilatéralisme, l’humiliation, la condescendance, l’usurpation, les promesses non-tenues, le non-respect du droit et des engagements n’existent pas. Au contraire, ils sont légion au point qu’une partie du Peuple africain et des Afrodescendants est de plus en plus convaincue de devoir entrer en résistance pour exister. Cette résistance pacifique s’accompagne de la volonté de résister aux impostures, à des stratagèmes de dissimulation, à de la mascarade, bref à tout ce qui conduit à la démocrature en Afrique, à savoir la violation des droits de l’Homme, de la Femme et des Peuples africains[7].

Il faut nécessairement se rappeler que les paradigmes, la conception de l’ordre mondial sous hégémonie occidentale, et les textes, -secrets ou pas, disparus ou pas-, et dits « juridiques » qui ont régit le partage de l’Afrique entre 1884-1885 lors de la Conférence de Berlin[8] demeurent en application sous des formes plus subtiles et avec le zèle éhonté de certains Africains et afrodescendants. L’essentiel de cette « culture occidentale » se retrouve autour de techniques de la servitude de l’Afrique. Cela se matérialise par la soumission de certains Africains, ce au sein d’un système d’aliénation structuré sous forme de groupes ésotériques où règne une omerta institutionnalisée. On y promeut des marionnettes et des valets des dirigeants occidentaux aux lieux et place des patriotes et nationalistes africains, avec ou sans violence, avec ou sans coup d’Etat.

Rappelons que la culture occidentale, d’après le narratif occidental, est quasi-systématiquement équivalent à la notion de civilisation occidentale et de société occidentale et fait référence à l’héritage diversifié de normes sociales, de valeurs éthiques, de coutumes traditionnelles, de systèmes de croyances, de systèmes politiques, d’artefacts et de technologies du monde occidental. Le problème commence lorsque ces termes sont unilatéralement appliqués, voire imposés aux cultures des pays ayant des liens historiques avec un pays européen ou par extension à tout le monde occidental, comme si les autres cultures sont inexistantes, inférieures ou constituent une menace pour l’Occident. Ce procès d’intention n’est plus acceptable et est systématiquement contesté. Les BRICS élargis en ont fait un critère de sélection pour trouver un consensus sur l’adhésion d’un nouveau membre. La culture occidentale n’est en rien rejeté ou combattu. Elle doit simplement co-exister pacifiquement à côté des autres cultures émanant des grandes régions continentales du monde. Utiliser cet état de fait comme un alibi pour se victimiser est une constante dans le narratif occidental. Plus personne, consciente des enjeux mondiaux, n’est dupe.

Dès lors que la défense des intérêts occidentaux est en jeu, ces intérêts occidentaux ont une priorité sur les intérêts des Peuples africains et du Sud global, à fortiori, le droit international ne s’applique plus sauf pour défendre les intérêts occidentaux. Lors des velléités de contestation de cet état de fait dans les pays victimes de cet unilatéralisme, la liberté d’expression, le droit des médias, la liberté d’association, de manifester et les droits humains et le droit des peuples à choisir leurs dirigeants sont neutralisés en amont. Cela passe entre autres par une liste électorale faussée, l’élimination des adversaires sérieux en amont, un découpage électoral inique, une commission électorale dite « indépendante » exécutant la voix de son maître, et des élections ne reflétant pas la vérité des urnes. Il arrive que les dirigeants africains vassalisés, souvent par pur zèle, optent pour l’achat des consciences pour mieux empêcher toutes chances d’émergence d’une alternative politique au service du Peuple.

Le narratif permet de légitimer ou de délégitimer comme la politique des deux poids deux mesures des dirigeants français actuels au Niger et au Gabon. Face à un coup d’Etat militaire, dans un cas, il est systématiquement rappelé que l’on a à faire à une « junte militaire » au Niger et à un « Président de la Transition » au Gabon, une véritable politique du « en-même-temps », un ADN jupitérien. A croire que la qualification du militaire putschiste dépend de sa capacité à défendre les intérêts de la France, et plus largement du G7 et de l’OTAN.

Clairement, le mal africain tient en un mot : « l’absence de souveraineté » ; un constat rappelé par Aminata Traoré et qui se présente sous la forme d’une absence de liberté dans le choix des dirigeants africains et de l’orientation des politiques[9], ce dans tous les domaines stratégiques de souveraineté. Il suffit de rappeler l’historique des indicateurs économiques, sociaux, environnementaux et psychologiques, comme par exemple le nombre de chômeurs, les inégalités, la pauvreté chronique, les dégât environnementaux et l’humiliation. Mais, ne s’agit-il pas plutôt du mal occidental qui se décline, sous couvert d’aides et autres coopérations factices, en une limitation dans l’accessibilité des Africains à la souveraineté effective ?

Or, l’absence de souveraineté est l’œuvre et la responsabilité du G7 et de l’OTAN, ce que ces derniers ont toujours nié et démenti dans leurs narratifs. Mais qui écoute encore le narratif et les promesses du G7 et de l’OTAN ? Ni l’Afrique consciente, ni les BRICS clairvoyants ! Les promesses n’engagent-elles pas que celles et ceux qui veulent bien y croire ?

Toutefois, entre crédulité et suspicion d’un grand nombre d’Africaines et d’Africains et perte de crédibilité des dirigeants du G7 et de l’OTAN en Afrique et dans le Sud global, les responsabilités sont partagées.

3. AFRIQUE ET BRICS : LUTTE COMMUNE DE LIBÉRATION DU JOUG OCCIDENTAL

Sortir de ce joug occidental, asymétrique et anormal est une gageure. Les liens avec des partenaires en concurrence avec l’Occident, les coups d’Etat, les guerres civiles, certaines formes de terrorisme, et surtout la volonté d’une mutation forment une partie de la panoplie des tentatives désespérées d’un Peuple africain pour retrouver le chemin du panafricanisme

Le narratif occidental plaqué sur le monde africain, et plus largement sur le Sud global a toujours posé un problème. Mais, il a toujours été difficile d’en faire état. Alors, régulièrement, la loi du silence saute sous la forme, entre autres, d’une succession de coups d’Etat en Afrique.

Il n’y a pas de dilemmes de coups d’Etat en Afrique. Il y a une révolte contre la démocrature[10] occidentale, une forme occidentalisée de la démocratie du G5[11] devenu G7[12] et de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), imposée à certains dirigeants africains. La raison est simple : permettre à des Africains placés à la tête des Etats de défendre les intérêts occidentaux avant les intérêts du Peuple africain. Cette démocratie-démocrature est fondée sur des lois liberticides où les libertés et la participation des citoyens ne sont que des apparats d’une vraie « fausse » démocratie.

Cela a fonctionné et continue de fonctionner tant que l’ignorance, la pauvreté, la peur, la répression, l’impossible unité des partis dits de l’opposition, l’intimidation des militaires et surtout les élections frauduleuses multipartites des régimes dictatoriaux et autocratiques adoubés par l’Occident empêchaient ceux qui sont à la tête de l’Etat de voir d’où pouvaient venir des forces nouvelles ou alternatives pour les dégommer.

Or sur un plan géostratégique, l’élargissement des pays membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du sud) représente une opportunité pour les dirigeants africains conscients des enjeux mondiaux et de leur positionnement en tant qu’acteur ou spectateur dans les décisions géopolitiques et économiques mondiales. Pourtant, le paradigme qui lie et fonde une alliance d’Etats hétéroclites constituant les BRICS élargis, avec des ambitions disparates voire opposées, repose sur la volonté de retrouver, au sein de la communauté internationale, une inclusivité basée sur le retour d’une marge décisionnelle, d’une souveraineté qui sied à un pays non-aligné et une autodétermination dans le choix de leurs dirigeants et de leurs destinées.

Or, cet objectif de libération du joug occidental, n’est rien moins d’autre que la véritable lutte d’indépendance dans un monde multipolaire. Celle-ci ne peut se faire avec le G7 et l’OTAN, reconnus historiquement en Afrique et au sein des pays non-alignés comme les experts en ingérence et en déstabilisation pour préserver leurs intérêts communs, ce qui n’exclut pas au sein du G7 et de l’OTAN, une compétition farouche pour la défense des intérêts nationaux.

4. LA DEMOCRATIE DU CAMOUFLAGE OU LE CAMOUFLAGE DE LA DEMOCRATIE ?

Toutes les formes possibles et inimaginables pour se défaire de cette démocratie-démocrature ne passent plus nécessairement par la bénédiction des dirigeants occidentaux. Paradoxalement, la propagande occidentale qui faisait croire aux citoyennes et citoyens occidentaux que la présence militaire et économique de l’Etat et des entreprises occidentales en Afrique servaient les intérêts du peuple occidental est en décalage avec la réalité sur le terrain. En Afrique, le camouflage de la démocratie s’appelle la démocrature. Toutefois, la démocratie du camouflage s’appelle aussi la démocrature… Alors, on fait « comment » ?

Le réveil des peuples africains pour se libérer du joug impérialiste et de ses prolongements coloniaux, néocoloniaux, postcoloniaux avec certains dirigeants africains, certains militaires africains non républicains, certains partis politiques africains alimentaires, et même des organisations de la société civile et une diaspora africaine légitimatrices du statu quo de la servitude volontaire, est un appel à la vigilance et à la mutation.

En filigrane, tout est une question de rapports de force et d’influence. De nombreux dirigeants africains, issus de la dictature ou de la démocratie-démocrature héritée ou imposée par l’Occident, se sont fondus dans ce moule en démultipliant les contre-vérités et les injustices envers le Peuple africain. L’Occident s’est terré dans un silence coupable dès lors qu’il continuait à piller les ressources africaines[13] avec le soutien tacite de certains dirigeants africains serviles[14] en mode procuration ayant abandonné la défense des intérêts du Peuple africain. Faut-il rappeler qu’« aucun continent n’a connu la moitié des assassinats politiques, des coups d’état, des guerres internes et externes, des troubles civils et des bouleversements économiques depuis la seconde moitié du 20e siècle comme l’Afrique[15] ». Aucune force extérieure à l’Afrique ne peut réussir à exploiter et dominer l’Afrique sans l’aide d’Africains achetés, prédisposés ou traîtres. L’utilisation de marionnettes africaines sous couvert d’une démocratie-démocrature ne peut perdurer sans la violation des droits des peuples africains, la violence envers les citoyens libres et l’absence de vérité de comptes publics dénoncés comme étant les seuls faits des marionnettes africaines.

Alors, il n’y a pas d’issues possibles sans une forme de « bipolarisation systémique[16] » tant au sein des dirigeants du monde que des dirigeants africains. Les formes alternatives d’une démocratie qui passeraient par la transparence des résultat des urnes semblent devoir passer par des périodes plus ou moins longues, plus ou moins chaotiques d’une transition politico-militaire qui verra les pays africains devoir choisir entre deux systèmes économiques pour sauvegarder ou pas leur souveraineté.

Alors où trouver des partenaires non hypocrites pour continuer la longue lutte de libération du peuple africain ? Comment le faire sans retomber dans les travers de la dépendance envers d’autres puissances non occidentales qui défendent aussi leurs intérêts ? Comment s’organiser en identifiant et neutralisant les Africains « peau noire, masques blancs[17] » qui sont inconscients des enjeux mondiaux et se satisfont des miettes du ruissellement économique engendré par l’échange inégal quand il ne s’agit pas purement de pillages des richesses africaines ? Comment convaincre les militaires qui ne disposent que de la force militaire pour protéger les représentants africains des intérêts étrangers ou lorsqu’ils trahissent, ne défendre que leur propre intérêt ?

Bref, une équation à plusieurs inconnues que seul un peuple africain conscientisé[18] peut résoudre pacifiquement par la palabre africaine intelligente, mais aussi en liant des nouveaux partenariats. Les pays non-alignés dont ceux membres des BRICS élargis peuvent faire partie de la solution.

5. LES BRICS RÉDUISENT LES POUVOIRS ET LES INFLUENCES EXORBITANTS DU G7 ET DE L’OTAN

Après le 15e sommet des pays membres du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) le 24 août 2023 à Johannesburg en Afrique du Sud, et au-delà des discours, il convient de retenir ce qui finalement va permettre de réunir durablement des pays qui ont décidé d’imposer un rééquilibrage plus juste de la prise de décision dans les affaires du monde.

Contrairement à ce qui se dit en Occident, il ne s’agit pas d’une volonté de remplacer l’Occident mais bien de contraindre les décideurs du G7 et de l’OTAN à comprendre que l’avenir du monde et plus particulièrement celui des pays classés dans le Sud global y compris les pays émergents, ne peut plus relever de leur décision unilatérale dont les conséquences négatives sont principalement supportées par les pays disposant d’une faible influence ou pas d’influence du tout.

La lecture occidentale du monde ne concernera dorénavant que l’Occident. Une autre lecture multipolaire, multiculturelle et surtout inclusive du monde est en train de se cristalliser, sans les représentants occidentaux, habitués à jouer les « avocats » du Sud global, avocats qui ne gagnent jamais les procès engagés. Normal, ils ont toujours été, ce pour la très grande majorité, « juge et parti ». Si le monde multipolaire doit se construire sur une base plus équitable, encore faut-il offrir une capacité d’influence doublée d’une conscientisation auprès des populations du Sud global sur la férocité occidentale[19].

L’impérialisme, l’hégémonie et le colonialisme[20] des dirigeants occidentaux du G7 et de l’OTAN ont laissé des meurtrissures impossibles à cicatriser, le tout doublé d’une humiliation des peuples, surtout quand il est l’œuvre des dirigeants occidentaux, agissant sous procuration de dirigeants africains incompétents et traîtres au panafricanisme. Pourtant, cette culture d’un monde occidentalo-unipolarisé se perpétue au 21e siècle sous de nouvelles formes dont on ne peut exclure la montée en puissance d’un terrorisme servant les intérêts occidentaux.

6. LES BRICS CONSTRUISENT UNE CAPACITE D’INFLUENCE POUR EXISTER

Alors, à force de croire aux promesses non tenues du G7 et de l’OTAN sur leur droit international, les pays du BRICS ont compris qu’il fallait organiser les fruits de la croissance pour le plus grand nombre, contrairement à ce qui est promu, sous la forme du néolibéralisme-protectionniste, par les dirigeants occidentaux au cours de l’histoire humaine. Il faut bien constater que le système de gouvernance sous-jacent aux tenants du G7 et de l’OTAN, descendants de ceux qui se sont partagés l’Afrique sans les Africains en 1884-85 et en 1945, n’a reposé et n’a perpétué dans le monde, sous le couvert du libre-échange, qu’un commerce inégal et des échanges asymétriques aux dépens des pays et nations sans ou dotés de peu d’influence. Les BRICS ont compris qu’il fallait nécessairement construire une capacité d’influence[21] pour espérer pouvoir exister, puis concurrencer avant de se libérer des règles internationales handicapantes pour les non-membres du club des G7 et de l’OTAN. L’Organisation des Nations Unies (ONU) qui aurait dû servir d’instance internationale de dialogue et de règlements à l’amiable des conflits a été discrètement privé de tous moyens d’actions. Entre le Secrétaire et le Général, les pays du G7 et de l’OTAN ont préféré renforcé le Secrétaire au niveau du Conseil de Sécurité de l’ONU.

Le mot « colonisation de l’Afrique » exprimé par les dirigeants britanniques, français, allemands, belges, portugais, italiens, considérés comme des colonisateurs européens, ne pouvait pas se décliner en Afrique et partout où vous trouverez les Afrodescendants et les Diasporas africaines,

  • sans des guerres ou des déstabilisations asymétriques ; et
  • un narratif médiatif.

Le soubassement de cette culture de la non-égalité entre les nations repose sur un concept non écrit où les victimes ne doivent pas avoir le même statut que ceux qui sont déterminés à imposer leur conception du monde à ceux qui étaient dans le monde avant l’arrivée du monde occidental.

Mieux, il faut arriver à convaincre les victimes qu’ils sont eux-mêmes les responsables de leur sort, non sans organiser, voire désigner, des agents de la trahison de la cause panafricaine qui repose sur l’autodétermination et la souveraineté. Ce sont ces concepts fondamentaux du non-alignement et de la liberté qui expliquent la participation des pays africains, ou plutôt de leur dirigeants conscients et représentant réellement les intérêts de la grande majorité de leurs peuples respectifs, au processus d’émancipation du G7 et de l’OTAN prôné par les tenants du BRICS, membres ou non membres.

Les dirigeants de l’Occident ont donc dans leur « ADN » une maladie consubstantielle qui repose sur l’obligation de n’exister que par la guerre, la déstabilisation et la subordination de l’autre, quand cela ne se double pas d’humiliation. Alors parler de paix sans hypocrise peut conduire à des quiproquos irréconciliables. La décision des dirigeants du BRICS de sortir de ce quiproquo est une décision salutaire qui ne peut qu’ouvrir des opportunités pour l’Afrique, quand les dirigeants ne sont pas au service du G7 et l’OTAN.

7. NON-ALIGNEMENT ET SOUVERAINETÉ, CRITÈRES ESSENTIELS D’ADHÉSION AUX BRICS

Les conflits et belligérances dans le monde trouvent l’essentiel de leur sources dans la défense unilatérale des intérêts du G7 et de l’OTAN. Or, les dirigeants de ces deux entités considèrent que la supériorité militaire et industrielle dont ils disposent, suffit à imposer au monde, leur conception du monde, et surtout leur trajectoire de développement qui produit en Occident, une large majorité de citoyens pauvres, marginalisés et exclus de la dite « démocratie occidentale ». Toute les guerres mondiales sont le fait des ancêtres du G7 et de l’OTAN.

En Afrique, ces guerres occidentales, par procuration ou pas, froides ou chaudes, sont basées sur un travail de bouc-émissarisation des victimes. Elles ont abouti aux fractionnement des territoires cibles afin de préserver, de manière unilatérale, la supériorité occidentale. L’Afrique et les Africains sont les principaux témoins et victimes. Mais ils ne sont pas les seuls… La colonisation des Amériques, de l’Asie par exemple s’est transformée en des tentatives de s’adjuger des zones d’influences, qui sont devenues des pré-carrés et fondent la françafrique.

Aussi, la postcolonisation s’est muée en une détermination occidentale d’empêcher les Africains, aussi les Afrodescendants panafricains, de devenir des acteurs de leur destinée. Tant que le maillage décisionnel occidentalisé en Afrique pouvait le permettre avec le soutien des militaires non-républicains, tout allait bien et le Peuple africain était marginalisé. Or, c’est ce Peuple qui, grâce à l’apport des réseaux sociaux et la libéralisation de la parole et les comparaisons, a pris conscience du niveau d’usurpation de ses biens, de ses droits, de ses espaces, et de son sous-sol, et de sa culture, bref de sa citoyenneté mondiale.

Le problème est que ce « contrôle de l’autre » sous forme d’une privation de l’autodétermination des individus et des peuples, s’est fait au grand mépris des peuples, des cultures, des langues en Afrique, mais aussi en dehors de l’Afrique, par :

  • un démembrement calculé de ce qui fonde l’unité des nations par les puissances impérialistes, coloniales[22], néocoloniales et post-coloniales ;
  • une militarisation forcée doublée de l’accaparement des richesses non occidentales par l’autoritarisme, l’accaparement par la fiscalité et les circuits monétaires, la banque coloniale et les taux d’intérêts usuriers, l’endettement, la soumission, la servitude, et les substituts de religion, et l’acculturation ;
  • l’organisation subtile de la « bonne conscience occidentale » doublée par la « banalité du mal[23] » et de la déstabilisation pour s’assurer de la supériorité des mondialistes et de la perpétuation de l’unilatéralisme occidental sous des formes en constante mutation.

Il s’agissait de créer des « sous-hommes et des sous-femmes » occidentaux par la force ou la servitude volontaire comme s’il s’agissait d’une nouvelle religion, accompagnée parfois de l’imposition de la langue du colon et de sa culture de remplacement et d’assimilation… L’identité des autres peuples du monde, ceux de l’Afrique en particulier, s’est peu à peu dissoute sans pourtant abdiquer. Les stratégies de reconquête des espaces territoriaux, des richesses nationales, des valeurs africaines et de l’organisation du vivre ensemble en harmonie a repris le dessus. Or, pour parvenir à opérationnaliser une telle révolution, il fallait déconstruire et reconstruire sans les tenants du G7 et de l’OTAN, mais aussi sans les agents jouant le rôle de courroies de transmission au sein du Sud global.

C’est donc en considération de cette géopolitique de la stratégie de reconquête de la souveraineté[24] d’un ensemble de pays non-alignés sur le G7 et l’OTAN qu’il faut comprendre les décisions d’élargissement des BRICS lors du sommet historique de Johannesburg du 22-24 août 2023. Les dirigeants qui ont choisi de ne pas servir leur Peuple, mais de les appauvrir pour servir les intérêts du G7 et de l’OTAN se sont retrouvés marginalisés. L’hypocrisie et la duplicité ne payent plus.

8. DU BRICS AU BRICS PLUS, EN ATTENDANT LE BRICS ÉLARGI : DE l’UNANIMITÉ AU VOTE CONSENSUEL

Les cinq (5) pays constituant les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont choisi de s’élargir. Six (6) pays, dont deux africains, ont été choisis pour rejoindre ce groupe lors du 15e sommet des BRICS le 24 août 2023 à Johannesburg en Afrique du Sud. Sur la base d’un processus décisionnel basé sur un Etat égale une voix, c’est l’unanimité qui prévaut aux décisions, y compris au choix des six nouveaux membres parmi les pays émergents et performants : l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran, constituant ainsi les BRICS Plus à compter du 1er janvier 2024[25]. En définitive, il s’agissait d’abord de trouver des partenaires commerciaux et économiques solvables au sein d’un groupe de pays adeptes ou épousant les contours du non-alignement.

Trois pays africains sur 11 est une belle représentation de l’Afrique indépendante. Mais aucun pays pauvre ou pays à faibles revenus n’a été retenu. Ces derniers seront couverts à la marge dans le cadre de l’Alliance des BRICS dite BRICS élargis. Il s’agit donc bien d’un club de pays émergents dits BRICS 11 Plus, déterminés à consolider d’abord leur capacité à résister au G7 et à l’OTAN dans tous les domaines. Les autres pays du Sud global devront patienter, à moins d’adopter les principes de la souveraineté et démontrer une réelle capacité d’autodétermination, y compris avec le soutien des membres des BRICS Plus.

Les critères d’adhésion aux BRICS privilégient, entre autres, les principaux indicateurs géopolitiques et géoéconomiques comme le poids de la population, le Produit intérieur brut (PIB), le PIB par tête d’habitant, l’indice du développement humain, le niveau des réserves de change et la structure diversifiée de l’économie. Il est préférable que la croissance économique ou le produit intérieur brut (PIB) soit, si possible, supérieure à la moyenne mondiale afin de soutenir une coopération commerciale entre les pays membres, notamment l’exportation des biens transformés avec du contenu technologique et/ou avec une importante valeur ajoutée.

Il s’agit en filigrane d’atteindre rapidement les objectifs communs recherchés, à savoir le renforcement de leur influence grandissante dans le monde, afin d’assoir une représentativité plus équilibrée dans les institutions mondiales actuellement dominées par les pays du G7 et l’OTAN. La prise de décision se faisant à l’unanimité au sein des BRICS, chaque pays doit voter en toute souveraineté sans pour autant devenir le pays bloquant le consensus, compte tenu de la rigueur du principe de décision basé sur l’unanimité. Personne ne doit douter toutefois de la capacité de persuasion des pays fondateurs, notamment la Chine, l’Inde, la Russie et le Brésil.

En référence à plus de 40 pays qui ont souhaité devenir membre des BRICS[26] et n’ont pas été retenus, 11 pays ont été retenus afin de démontrer qu’outre les critères politiques de la souveraineté et de l’autonomie décisionnelle, il fallait absolument démontrer des bons résultats en matière de transformation industrielle que reflète la valeur ajoutée manufacturière.

Toutefois, à y regarder de plus près et à côté de la souveraineté et du non-alignement, c’est donc bien la capacité à développer de manière durable son pays et assurer le bien-être de sa population par la transformation industrielle et la création d’emplois locaux décents qui ont été déterminants dans le choix des six nouveaux pays[27] qui vont intégrer les BRICS en janvier 2024. C’est aussi cet aspect qui devra renforcer l’influence et la crédibilité des BRICS à 11 à moyen terme.

9. L’INDUSTRIALISATION HOLISTIQUE DE L’AFRIQUE POUR CORRIGER LES ÉCHANGES ASYMÉTRIQUES AU SEIN DU BRICS

La Chine n’est pas l’Ethiopie même si les échanges commerciaux n’ont fait qu’augmenter et même si cela s’est révélé asymétrique au profit de la Chine. Si en termes de magnitude, les performances des pays choisis ne devraient pas être comparées, il suffit pourtant de rappeler que la valeur ajoutée manufacturière, sous toutes ses formes, a augmenté et progressé de manière substantielle et apparait, de fait, comme l’un des critères qui ont facilité d’atteindre l’unanimité entre les pays du BRICS dans le choix des six pays choisis pour rejoindre les BRICS Plus. La présentation de quelques indicateurs ciblés sur la transformation industrielle et l’inscription dans les chaines de valeurs mondiales et locales permettent de mieux comprendre les choix effectués et surtout de donner des indications sur les futurs pays qui iront dans ce sens.

Néanmoins, il faut bien constater que parmi les cinq (5) pays du BRICS, le Brésil et l’Afrique du sud n’ont pas progressé en termes d’amélioration de leur valeur ajoutée manufacturière entre 2010 et 2021. La mauvaise gouvernance industrielle, les crises financière et sanitaire (Covid-19), la corruption et le faible développement des infrastructures d’interconnexion physiques et digitales sont à la base de cette situation.

Les trois pays qui remplissent les deux conditions proposées dans les indicateurs ci-dessous, à savoir la valeur ajoutée manufacturière en million (VAM en M*) de $ EU entre 2010 et 2021 et la croissance annuelle réelle de la VAM entre 2000 à 2010 et entre 2010 à 2020, exprimées en pourcentage, sont la Chine, les Emirats Arabes Unis et l’Ethiopie. Tous les autres ont des difficultés à progresser (voir tableau ci-après Ligne A). Les contre-performances de l’Afrique du Sud et du Brésil sont de nature à mettre en jeu leur appartenance aux BRICS à terme si un redressement ne se produit pas rapidement.

Pour ce qui est de la croissance annuelle réelle de la VAM entre 2000-2010 et 2010-2020, aucun des cinq pays du BRICS, pour les mêmes raisons, n’a été capable de démontrer une croissance durable, y compris la Chine (voir tableau ci-après Ligne B).

Parmi les six (6) pays qui ont été choisis dans le cadre de la première série d’adhésion, tous sauf l’Afrique du sud et le Brésil, ont vu leur VAM progresser, parfois fortement, entre 2010 et 2021. Il s’agit là donc assurément d’un des critères clés pour coopter un pays. Seuls les Emirats Arabes Unis et l’Ethiopie ont pu maintenir un taux de croissance annuelle de la VAM entre 2000-2010 et 2010-2020. Ces deux critères sont donc bien l’un des points où les BRICS Plus doivent collectivement s’entraider et mettre à niveau les pays retardataires, avec en filigrane la création d’emplois décents.

La valeur ajoutée manufacturière de la Chine entre 2010 et 2021 et la croissance annuelle réelle de la VAM entre 2000-2010 et 2010-2020 demeurent exceptionnellement hautes en comparaison avec les autres pays du BRICS Plus. Il n’est pas étonnant que la priorité du Président chinois ait porté sur le développement des capacités productives afin de corriger ce point « faible » des membres du BRICS, surtout en comparaison avec le niveau industriel des pays du G7 et l’OTAN.

C’est ainsi que de nombreux dirigeants des BRICS ont mis l’accent sur tout le processus de transformations locales avec des paiements en monnaies locales, ce dans le cadre des chaînes de valeur au sein des BRICS. En cohérence avec son approche au cours du 14e sommet des BRICS[28], le Président chinois Xi Jinping a promis de contribuer à l’amélioration de cet état de fait, et l’a rappelé dans son discours du 22 août 2023 à Johannesburg au 15e sommet des BRICS : « de nouvelles voies » seront proposées «pour une coordination plus étroite des politiques industrielles entre les pays des BRICS » et permettre à un grand nombre de « personnes d’accéder aux fruits des avancées scientifiques et technologiques », d’accélérer « la construction du Centre d’innovation du partenariat BRICS sur la nouvelle révolution industrielle à Xiamen », d’accueillir « le Forum sur le développement de l’internet industriel et de la fabrication numérique » ainsi que « le Forum sur le Big Data pour le développement durable dans le Cadre du partenariat pour l’économie numérique », lancer et publier « l’Initiative de coopération sur la numérisation de la fabrication », « établir un réseau de centres de transfert de technologie », « un mécanisme de coopération aérospatiale », « mettre en place l’Alliance pour la formation professionnelle » notamment grâce à la digitalisation, « organiser le concours de compétences et le concours d’innovation pour les femmes », et « constituer un vivier de talents pour renforcer la coopération des BRICS en matière d’innovation et d’entrepreneuriat »[29].

Il est fortement recommandé que les dirigeants du BRICS élargis considèrent l’industrialisation holistique de l’Afrique en préservant l’environnement comme la voie la plus efficace pour corriger les échanges asymétriques au sein du groupe et créer des emplois décents et pérennes.

10. CORRIGER LE FOSSÉ TECHNOLOGIQUE ET NUMÉRIQUE AU SEIN DU BRICS : VOLONTÉ EFFECTIVE DE PARTAGER LE SAVOIR TECHNOLOGIQUE ?

Lorsque la part des exportations avec un haut contenu technologique de la Chine s’élevait à 942 315 millions de $EU en 2021 contre 43 millions de $EU pour l’Ethiopie ou 526 millions de $EU pour l’Egypte[30], et que ces pays se retrouvent ensemble au sein du BRICS Plus, il n’y a pas besoin de beaucoup d’expertise pour comprendre qu’une mise à niveau est indispensable pour que les nouveaux pays du BRICS et plus largement du Sud global puissent rapidement sortir de cette situation asymétrique, qui se traduit par une dette colossale africaine et une corruption non sanctionnée dans le cadre d’octrois de prêts facilités et des processus contractuels qui se font aux dépens des Etats africains.

Pour information, la part des exportations avec un haut contenu technologique des Etats-Unis s’est élevée à 169 217 millions de $EU, ce en comparaison avec un pays comme Vietnam, qui totalisait pour la même année, 101 534 millions de $EU, et n’a pas été retenu dans la première liste des pays devenus membres du BRICS.

Or, le Vietnam a plus que triplé sa VAM entre 2010 et 2021 (3,6 fois, de 25 à 90 millions de $EU entre 2010 et 2021) et a pu maintenir sa croissance annuelle réelle moyenne de la VAM entre 2000-2010 et 2010 à 2020, soit pendant plus de 20 ans, à 9,3 %, un niveau tellement élevé parmi les 11 pays du BRICS que seule l’Ethiopie a pu surpasser avec 15 % de moyenne entre 2010-2020 (voir tableau 1) et que le Gabon avait dépassé entre 2000-2010 avant de chuter à 3,1 % entre 2010-2020 (voir tableau 2).

Aussi, il est étonnant que le Vietnam n’ait pas pu faire partie des premiers pays asiatiques dans le cadre de l’élargissement des BRICS. Seuls les arguments politiques et les réticences d’au moins un des cinq pays du BRICS ont pu aboutir à un tel résultat. La prise de décision à l’unanimité n’est pas de nature à favoriser objectivement l’arrivée de pays dont les performances et la gouvernance économiques sont supérieures à celles des BRICS Plus.

Il est donc fortement recommandé d’introduire la possibilité de passer à un vote, si possible à main levée, pour clarifier et forcer les pays à justifier leur « véto » à l’encontre d’un pays candidat aux BRICS élargis.

11. BRICS ÉLARGI OU ALLIANCE DES BRICS ÉLARGIE : LISTE DES PAYS QUI POURRAIENT ADHÉRER

En comparant les résultats de quelques pays non retenus par le BRICS dans le cadre de son élargissement, les résultats décevants de la politique industrielle et de création de valeurs ajoutées dans le cadre de l’intégration aux chaines de valeurs mondiales et locales ont lourdement pesé dans la décision finale. Sur la liste des pays qui ont annoncé leur volonté d’adhésion et en absence d’une liste officielle de pays qui ont soumis leur demande d’adhésion, il est possible de citer les pays suivants : Algérie, Bangladesh, Bolivie, Congo Démocratique, Comores, Corée du Sud, Cuba, Gabon, Kazakhstan, Indonésie, Mexique, Nigéria, Philippines, Sénégal, Turquie, Venezuela, Vietnam[31] (voir tableau 2).

Si le véto politique de l’un de 11 membres du BRICS Plus ne s’exerce pas, les pays suivants et démontrant une réelle stratégie de promotion des capacités productives et commerciales dans le cadre du renforcement de leur présence au sein des chaines de valeurs mondiales et locales devraient pouvoir rejoindre les BRICS au cours de la prochaine session d’adhésion : Le Vietnam, la Turquie, les Philippines, le Bangladesh, le Kazakhstan, le Congo démocratique, l’Algérie. Mais, d’autres pays qui n’ont pas encore, -intimidé par le G7 et l’OTAN-, posé leur candidature d’adhésion au BRICS élargi, pourraient le faire.Aussi, la difficulté à corriger la trajectoire industrielle et énergétique des pays conduit à encourager peut-être la notion d’Alliance des BRICS. Il s’agit de s’assurer que des pays déterminés à promouvoir d’abord la souveraineté de leur pays, malgré des résultats économiques et industriels peu glorieux, puissent bénéficier des effets de levier d’une participation à une alliance élargie au sein d’un BRICS plus ouvert au Sud global.

Il est fortement recommandé que les BRICS ne soient pas qu’un club de pays émergents et ne voient dans le « reste » du sud global, qu’un marché et des emprunteurs. Aussi, il est suggéré qu’au moins 1 pays par sous-région puisse faire son apparition dans lors de la prochaine phase d’adhésion au groupe des BRICS élargis.

12. BRICS À 11 ET ALLIANCE DES BRICS : NEUTRALISER LA CAPACITÉ DE NUISANCE DU G7 ET DE L’OTAN

Le monde unilatéral, qui a été façonné par une certaine communauté internationale, n’a pas permis à une grande majorité de la population mondiale d’améliorer son bien-être au cours des dernières 60 années (1963-1923). Malgré des efforts pour réduire l’extrême pauvreté, la population africaine est devenue, au fil du temps, la variable d’ajustement qui permettait à ce système de perdurer. Or, ce sont les pays occidentaux, dont les structures faîtières comme le G7[32] et l’OTAN avec les Etats-Unis et l’Union européenne, qui dominent et décident unilatéralement de la marche du monde.

Avec les pays occidentaux comme centre décisionnel, le G7 et l’OTAN exercent une influence internationale considérable, souvent au-delà de leur puissance réelle. La composition limitée et exclusive de ses membres explique aussi les nombreuses erreurs et l’inefficacité quant aux traitement des problèmes du Sud global et des pays émergents. En réalité, le G7 et l’OTAN refusent le droit à l’autodétermination des pays du Sud global, que ce soit par des moyens militaires, économiques, financiers, monétaires ou encore subtilement de la diplomatie du « hard and soft power », la fameuse diplomatie de la carotte et du bâton.

Or, il faut bien constater qu’au lieu et place de la coopération et du partenariat proposés dans le cadre de cette Communauté internationale, les dirigeants du G7 et de l’OTAN sous pression de leurs lobbies, ont décidé de structurer un monde unilatéral sous le couvert du contrôle d’institutions. Il s’agit principalement des Nations Unies, des institutions financières issues des accords de Bretton Woods (Banque mondiale, Fond monétaire internationale et les courroies de transmission régionale), et du circuit financier Swift dominé par le capital financier et privé. C’est ainsi que les tenants de cette doctrine, considérée par eux comme universelle, tendent à transformer la coopération et le partenariat en « alignement » ou « isolation ». Pourtant, s’aligner, se faire aligner ou isoler des Nations entières pour défendre les intérêts des dirigeants du G7 et de l’OTAN, ce avec ou sans sanctions, c’est mettre en cause la souveraineté des peuples et donc des nations.

L’Afrique digne, pas celle des chefs d’Etat alignés, a choisi d’avancer dignement, lentement vers le panafricanisme fondé sur la Maât. Or, ce panafricanisme ne peut se décliner sans la souveraineté pleine et entière. Les chemins conduisant à cette souveraineté sont systématiquement bloqués, ralentis, détournés par ceux qui se sont appropriés les richesses de ces Nations. Pour perdurer, il a fallu créer, entretenir et positionner comme des « dirigeants » des individus, des institutions politiques et non gouvernementales télécommandées afin de continuer à mener la guerre contre le Sud global par procuration.

Avec le maintien dans l’ignorance, la pauvreté, la non-redistribution des richesses par la corruption, et surtout le transfert systématique des ressources humaines, minières, économiques et financières vers l’espace de l’OTAN, l’Afrique du panafricanisme effectif a dû se réorganiser à partir de la Diaspora, puis de plus en plus dans les pays africains pour comprendre, puis lutter contre la stratégie d’autodestruction de l’Africain par l’Africain. Or cette stratégie a été systématiquement mise en place pour permettre aux stratégies des pays du G7 et de l’OTAN de continuer à régner tout en offrant le visage des apporteurs de solutions qui ne développent pas, qui n’émancipent pas, qui ne rendent pas la dignité violée, et surtout qui n’enrichissent que les inconscients et ceux qui ont choisi de trahir le Peuple africain.

Aujourd’hui, la prise de conscience est telle qu’il ne s’agit plus de combattre uniquement les stratégies de blocage de l’émancipation du Peuple africain et des afrodescendants, mais bien d’organiser un monde sans la capacité de nuisance du G7 et de l’OTAN. La difficulté à trouver un consensus large a conduit à la création d’un premier bloc de pays émergents, notamment avec l’élargissement des pays membres du BRICS Plus à 11. Les autres étapes de l’élargissement se feront en fonction de la capacité à rejeter les positionnements hypocrites et ambivalents des dirigeants du Sud global, une combinaison des pays en développement, du Groupe des 77 et des pays non-alignés.

Le critère d’entrée à ce club étant la détermination à contourner la capacité de nuisance et déstabilisation des pays du G7 et de l’OTAN, il est clair que de nombreux dirigeants des pays africains se sont retrouvés pris au piège de leur turpitude en matière de positionnement culturel, cultuel, politique, social, économique, monétaire et même environnemental. Autrement dit, la diversité des 11 pays membres du BRICS Plus, au lieu de constituer un handicap, a été transformée en une force de résistance aux gestionnaires de la zizanie au sein des forces de contre-pouvoirs. Paradoxalement et contrairement à ce qui se dit, il n’est pas question en retour de faire du G7 et de l’OTAN des boucs-émissaires en criant à la dédollarisation, mais bien de leur faire comprendre que le monde de l’unilatéralisme irrespectueux des autres cultures du monde est terminé. Il va falloir accepter l’autre, et surtout apprendre à voir l’autre vivre sans le G7 et l’OTAN.

Il s’agit d’un passage obligé pour que l’arrogance historique et existentielle de ce qui est décliné comme l’Occident puisse avoir le temps de reconsidérer son histoire génocidaire contre les Peuples sans défenses et dotés d’une culture supérieure fondée sur la vérité, la justice et la solidarité[33]. Paradoxalement, cette arrogance tend à s’appliquer aussi aux peuples sans défense au sein de l’espace OTAN.

Attention, pour les tenants du système sous-jacent à la domination de l’OTAN, toutes les formes de velléités de souveraineté doivent systématiquement être neutralisées, tuées dans l’œuf. Le Peuple africain a du mal à le comprendre, les dirigeants africains aussi. Mais pas ceux qui ont subi les conséquences des actes stratégiques erronés et déstabilisateurs de l’OTAN en Afrique et dans le monde. Alors, pour ne plus être piégé, il faut obligatoirement pouvoir en parler sans la présence des représentants du G7 et de l’OTAN. C’est en fait les fondements de l’Unité des BRICS Plus qui ne manqueront pas de s’élargir lentement, mais sûrement.

13. LA RICHESSE DES PAYS DU BRICS DÉPASSE CELLE DES PAYS DU G7

Selon le rapport de 2022 du Conseil des affaires des BRICS (secteur privé), les pays du BRICS représentaient déjà en 2022, 41 % de la population mondiale, 31 % de la production mondiale et 18 % du commerce mondial[34].

Au 1er janvier 2024, l’organisation des BRICS à 11 dit BRICS Plus constituera 45 % de la population mondiale (3,6 milliards d’individus) près de quatre fois plus élevés que le G7 avec une superficie deux (2) fois plus importante, soit 36 % de la superficie mondiale (48,5 millions de km2). L’arrivée des six (6) nouveaux membres -Arabie saoudite, Argentine, Égypte, Émirats Arabes Unis, Ethiopie, Iran– en janvier 2024, la part de la richesse mondiale totale des BRICS à 11 rappelée par l’indicateur économique du produit intérieur brut (PIB) total en exprimé en parité du pouvoir d’achat sera de 37 % contre 29,9 % pour le G7.

La prospective nous apprend qu’en 2028, le PIB des BRICS plus représentera 38,6 % du PIB mondial contre 28 % pour le G7[35]. Il est clair que de nouveaux pays vont rejoindre les BRICS Plus pour un BRICS élargi, ce qui ne pourra que creuser l’écart et renforcer la capacité d’influence des pays non alignés du BRICS élargi pour assoir sa souveraineté.

En référence aux données de 2021, les BRICS Plus (à 11) représentaient en termes de volumes de production, 49 % de la production mondiale de blé contre 19,1 % pour le G7. Pour le riz, les BRICS totalisent 55 % de la production contre 2,6 % du G7. Sur le plan des avantages compétitifs, les BRICS disposent de la plupart des métaux rares (dits terres rares) indispensables dans les technologie de pointe et l’intelligence artificielle. Rappelons que la part du G7 représente respectivement en termes de production d’aluminium est de 1,3 % contre 79 % pour les BRICS, et pour l’aluminium, 6,9 % contre 77 %. Les successions de coups d’Etat en Afrique sont à corréler avec l’urgence pour le G7 et l’OTAN d’accéder à ces matières premières dans les conditions de contrôle ou de perte de contrôle, selon l’orientation donnée à ces changements de pouvoirs.

Or, avec la Russie, l’intégration des pays comme l’Arabie saoudite, les Émirats Arabes Unis et l’Iran, pays riches en pétrole et en gaz naturel, va transformer le Groupe des BRICS en un mini-cartel de pays non-alignés en matière d’énergie, capable d’influencer l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et les lobbies de la décarbonisation qui en profitent pour stopper ou ralentir le processus d’industrialisation notamment en Afrique. Le BRICS Plus selon l’Agence Anadolu et à partir des données provenant du ministère turc de l’énergie et des ressources naturelles détiendront 42 % des réserves mondiales de gaz naturel et 32 % des réserves de pétrole à partir de janvier 2024[36]. La capacité d’influence des BRICS Plus se retrouvera renforcée.

14. LA RÉUSSITE DU BRICS PASSE PAR UNE ALTERNATIVE AU SWIFT AVEC UN SYSTÈME MONÉTAIRE ET BANCAIRE COMMUN, ALTERNATIF, ET DIGITALISÉ

En termes de production industrielle, les BRICS à 11 représenteront 38,3 % de la production industrielle mondiale contre 30,5 % pour le G7, même si les pays du G7 exporteront plus que les BRICS Plus, soit 28,8% des exportations mondiales contre 23,4 %[37]. Actuellement, l’essentiel des transactions financières transite par des circuits de paiements (le SWIFT) et des monnaies (Dollar américain, Euro, Livre Sterling essentiellement) contrôlés par le G7 et l’OTAN.

L’objectif principal des BRICS que constitue des avancées vers une souveraineté pleine et entière est incompatible avec une dépendance envers les pays occidentaux du G7 et de l’OTAN. Il n’est donc plus possible pour les BRICS de dépendre des systèmes de paiements et des monnaies liés aux G7 et à l’OTAN s’ils espèrent continuer à avoir des transactions financières :

  • sans sanctions unilatérales ; et surtout
  • sans usurpation d’une partie de leurs réserves internationales par l’inflation et le non-paiement immédiat des dettes colossales occidentales, notamment américaines et européennes.

Aussi, la création d’une monnaie commune s’est imposée avec l’utilisation des monnaies locales, l’utilisation de la compensation et des systèmes de paiements alternatifs dans les transactions sécurisées. Ce point est considéré par le Président russe Vladimir Putin comme l’une des urgences pour accélérer l’intégration des membres du BRICS Plus et ceux de l’Alliance des BRICS. La Russie prenant la présidence tournante des BRICS Plus en 2024, le thème prioritaire porte sur le renforcement d’un monde multipolaire avec plus de sécurité et de multilatéralisme[38].

A force d’attendre une hypothétique réforme des institutions internationales afin de rééquilibrer le poids et l’influence des pays non occidentaux au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, du Fonds monétaire international (FMI) et du groupe de la Banque mondiale, le groupe des BRICS Plus a choisi proactivement de s’organiser sous la forme d’une défense légitime contre l’agression monétaire et financière occidentale considérée comme une forme d’institutionnalisation du Nord global, à savoir le G7 et de l’OTAN, pour imposer leur hégémonie au monde, en fait au Sud global.

15. SWIFT : UN RÉSEAU FERMÉ DE MESSAGERIE, DE PAIEMENT SECURISÉ ET DE SANCTIONS ARBITRAIRES

La Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications (SWIFT) est une entité privée au sein du G7 et de l’OTAN qui permet à ses membres d’effectuer des transactions financières, les paiements et les règlements internationaux en toute sécurité et célérité. SWIFT est un vaste réseau de messagerie utilisé par les institutions financières pour envoyer et recevoir rapidement en toute sécurité des informations, telles que les instructions de transfert de fonds, essentiellement des transferts internationaux d’argent et de titres.

Le système SWIFT fonctionne en attribuant à chaque institution membre un code d’identification unique (un numéro BIC) qui identifie le nom de la banque ainsi que le pays, la ville et la succursale.

Les institutions financières utilisent SWIFT pour transmettre en toute sécurité des informations et des instructions au moyen d’un système de code standardisé. Bien que SWIFT soit essentiel à l’infrastructure financière mondiale, il ne s’agit pas d’une institution financière. SWIFT ne détient ni ne transfère d’actifs, mais facilite une communication sécurisée et efficace entre les institutions membres.

Le système SWIFT a été utilisé pour imposer des sanctions économiques à l’Iran, à la Russie et au Belarus, et indirectement à plusieurs pays du monde sous la forme d’intimidations et d’utilisation de « fonds vautours ». Aussi, la réaction contre cette injustice a tardé mais pourrait prendre la forme de la création au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) et plus tard de l’organisation des BRICS Plus d’un « Centre international d’arbitrage de BRICS[39] » afin de lutter principalement contre les « sanctions adoptées par certains pays occidentaux ».

Avec les sanctions unilatérales, les pays du Sud global ont compris qu’ils n’étaient plus à l’abri des décisions unilatérales du « clan » occidental agissant au sein du G7 et de l’OTAN. Il devenait urgent de trouver un consensus sur la mise en place ou des correspondances entre des circuits de paiement nationaux et internationaux hors SWIFT, tout en facilitant les paiements en monnaies locales entre les pays du BRICS élargis.

Au cœur d’une transaction SWIFT, on retrouve toute la problématique de l’endettement et du paiement des dettes. Les BRICS travaillent aussi sur la création de leur propre agence de notation. « Une agence de notation financière est un organisme chargé d’évaluer le risque de non-remboursement de la dette ou d’un emprunt d’un État, d’une entreprise ou d’une collectivité locale[40] ».

il importe de rappeler que de nombreuses banques membres du groupe BRICS, et plus particulièrement la Russie, sont exclues du système privé SWIFT. Les menaces unilatérales d’un gel discrétionnaire, voire d’une saisie arbitraire des transactions souveraines par les « propriétaires » du système SWIFT, tous membres du G7 et de l’OTAN pose un problème. Paradoxalement, c’est cette exclusion qui a conduit à une réaction et à organiser des systèmes alternatifs en réseau fermé utilisant la technologie de la Blockchain.

Les services, digitalisés ou pas, qui seront fournis par les systèmes alternatifs au SWIFT profiteront autant aux grands comptes d’entreprises transnationales, mais aussi aux petites et moyennes entreprises du pays y compris dans le secteur informel à condition d’avoir une régulation prévisible, transparente et souveraine par rapport aux accords secrets monétaires post-coloniaux et aux tentatives d’exclusivité du système SWIFT.

Il s’agira aussi à ce réseau mondial alternatif de paiement de permettre aux Etats, aux entreprises, aux institutions et aux particuliers d’effectuer des paiements électroniques ou par carte, même si l’un des clients bénéficiaires utilise une banque du G7 ou de l’OTAN. Le défi est important mais pas insurmontable avec la présidence tournante des BRICS qui passera au Président de la Russie en 2024.

Il est fortement recommandé que l’adhésion à une alternative au système de paiement SWIFT soit élargie à tous les pays subissant les contraintes de la convertibilité centralisée et des menaces tacites de sanctions en cas de divergence avec les dirigeants du G7 et de l’OTAN.

16. PRÉSIDENCE TOURNANTE DE VLADIMIR PUTIN EN 2024 : DÉDOLLARISATION ACCÉLÉRÉE ?

Au cours de la présidence tournante du BRICS par Vladimir Putin, une attention particulière sera consacrée à accélérer la dédollarisation de l’économie mondiale en augmentant la part de l’utilisation des monnaies locales dans les transactions internationales, à commencer par les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, de infrastructures, de la logistique, des technologies et de l’économie numérique y compris la sécurité dans le monde digital.

L’objectif recherché est d’augmenter les échanges intra-BRICS élargis par des interactions renforcées et la promotion des échanges intra-régionaux. Le rôle du secteur privé sera valorisé notamment par le Conseil des affaires des BRICS, créé depuis 2013 lors du 5e sommet des BRICS à Durban, en Afrique du Sud. Des consultations et des dialogues réguliers entre le monde des affaires et les gouvernements des pays des BRICS pour faire émerger des solutions communes de type partenariat-public-privé (PPP) aux problèmes rencontrés.

En filigrane, ce sont des tentatives de rééquilibrage des balances des paiements et des balances commerciales qui fondent le choix des projets. Il va de soi que sans une réelle volonté d’un « juste transfert des technologies » dans tous les domaines avec une priorité pour les transports, les infrastructures, la logistique et le numérique entre le Nord et le Sud, les objectifs affichés risquent de n’être qu’une lettre morte. Aussi, un fonds fiduciaire spécifique pourrait voir le jour pour faciliter l’accélération de tout ce processus.

Toutes ces initiatives ne pourront pas se faire sans que les BRICS Plus ne proposent une alternative au SWIFT et mettent en place toute une architecture monétaire et bancaire comprenant une banque d’émission propre aux BRICS avec des banques digitales communes, un fonds monétaire de rééquilibrage des balances de paiements dits fonds monétaire des BRICS et une monnaie commune. La sécurisation et la rapidité dans les transactions nécessiteront l’utilisation de la technologie des blockchains et de nouvelles formes d’adossement de la monnaie des BRICS à une ou plusieurs monnaies marchandises afin de mettre fin au refus des Etats-Unis depuis 1971 d’adosser le dollar américain à la matière première qu’est l’or. Une matière première acceptée par toutes les banques centrales du monde. Il s’agit moins de dédollarisation que de stopper la propension des gouvernements successifs américains à augmenter le plafond de leur dette quasi-annuellement, générant une forme de ponction unilatérale injustifiée et abusive sur l’épargne mondiale, plus particulièrement celle des pays du Sud global.

Le renforcement de la coopération Sud-Sud entre les pays émergents et les pays africains trouvera aussi un effet de levier auprès de la Nouvelle Banque de Développement dite la « banque des BRICS » dirigée par l’ex-présidente du Brésil, Mme Dilma Rousseff.

Cette institution bancaire alternative est basée à Shanghai et pourra bénéficier, entre autres, d’apports financiers nouveaux grâce à certains nouveaux membres influents financièrement comme l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis et pourra augmenter ses financements pour les projets d’infrastructures et de développement humain dans des domaines aussi divers que les infrastructures, l’énergie, l’eau, l’agriculture, la digitalisation et l’économie numérique, l’industrialisation, le transfert de technologies, l’éducation, la santé, la sécurité et le changement climatique.

C’est toute une architecture monétaire, financière et bancaire alternative que les BRICS sont en train de mettre en place. Celle-ci fonctionnera plus en mode de concurrence-complémentarité aux institutions internationales de financement du G7 et de l’OTAN existantes. Cette architecture de l’argent et de son environnement est un moyen effectif de contribuer à la stabilité dans les pays du BRICS et dans le monde si elle contribue mieux au renforcement effectif des capacités productives et commerciales dans les pays emprunteurs afin d’assurer les remboursements des prêts tout en préservant leur autonomie et souveraineté, le tout dans le cadre d’un respect mutuel inédit.

Il est fortement recommandé que tous les pays emprunteurs puissent faire l’effort d’entrer au capital de la nouvelle banque de développement pour mieux s’approprier le mode de fonctionnement. En filigrane, il s’agit de s’assurer que tous prêts octroyés par cette banque du BRICS se traduisent pas la réalisation d’un projet dont le retour sur investissement permettra non seulement le remboursement, mais la modernisation et la création d’emplois dans le pays emprunteur.

17. LA SOUVERAINETÉ EN TRANSITION EN AFRIQUE : AU-DELA DE LA COMPLEXITÉ

Comment assurer un développement inclusif et équitable pour tous, et pour chaque Etat et assurer ainsi une vie meilleure entre le moment où l’on nait et le moment où l’on meurt, ne peut plus être réservé à une minorité, encore moins dépendre d’une minorité.

Sans les améliorations substantielles des pays comme la Chine et les pays asiatiques à une croissance mondiale inclusive, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies n’aurait paradoxalement pas connu d’amélioration substantielle dans ses objectifs de développement durable (ODD) qui restent en deçà des résultats attendus.

Il suffit de tenter d’évaluer les nations à l’aune de l’indicateur du Bonheur national brut (BNB) proposé par le roi du Bhoutan, Jigme Singye Wangchuck en 1972, pour se rendre compte que cet indicateur de mesure du bonheur et du bien-être de la population d’un pays, doit reposer sur des considérations multidimensionnelles propres d’une nation, notamment sa culture, ses valeurs spirituelles, son mode de vie fondé sur le respect mutuel et la solidarité, la préservation de l’environnement et de la biodiversité, bien avant toutes les considérations sociales, économiques, politiques que proposent de manière réductionniste, le produit national brut (PNB) ou le produit intérieur brut (PIB). Il n’est pas possible de mesurer le niveau de vie en des termes holistiques sans s’assurer auparavant de l’existence de la souveraineté pleine et entière des citoyens et de celles et ceux qui sont censés les diriger.

Il est toujours possible de tenter d’appréhender la complexité de la notion de souveraineté[41] d’un point de vue afrocentriste afin de positionner un narratif alternatif à celui de la souveraineté de l’Afrique vue par les dirigeants occidentaux. Aucune approche, méthode et indicateurs ne feront l’unanimité pour mesurer la souveraineté compte tenu de la multiculturalité des peuples et la multipolarité des pouvoirs décisionnels dans le monde. C’est ce que le président sud-africain Cyril Ramaphosa a qualifié de « multilatéralisme inclusif[42] ». Aussi, ce n’est plus intéressant de classer les pays sur une échelle de la souveraineté, mais plutôt de s’assurer que chaque nation dispose de dirigeants choisis, patriotes et nationalistes dans la défense des intérêts de leurs peuples respectifs.

Le contexte de la souveraineté prend alors l’ascendant sur le concept de souveraineté. Il n’est pas possible d’affirmer que l’on est souverain si l’on ne dispose pas d’une autorité centralisée ou décentralisée qui dispose du contrôle d’un territoire et administre une population consentante. Aussi, toute conception d’une souveraineté dans un monde multipolaire doit pouvoir recouvrir le contrôle d’au moins neuf volets interdépendants, sans intimidation ou coercition du peuple qui doit pouvoir choisir et adhérer librement au processus de sélection de ses représentants et participer de manière inclusive et régulier aux différentes formes de prises de décision et d’orientation stratégique de l’avenir de la communauté, non sans garder en filigrane un œil sur les modalités du vivre ensemble en paix : le territoire, la sécurité, le politique, le juridique, l’économie, l’information, le cultuel, le culturel, et la redevabilité, notamment le processus consistant à rendre des comptes des actes posés.

Le narratif non africain brouille la représentation de la réalité de la souveraineté en Afrique. Il est fortement recommandé de promouvoir le concept de « bonheur national brut » et d’identifier les obstacles objectifs qui sont l’œuvre des dirigeants africains.

18. LA SOUVERAINETÉ PARTIELLE OU TRANSFÉRÉE EST UNE SOUVERAINETÉ USURPÉE

De ce fait, la souveraineté d’un pays peut être inexistante, partielle, partagée, transférée, contestée ou usurpée. Ne pas avoir pris conscience de ce fait est une erreur fatale de nombreux dirigeants africains. Le degré d’indépendance et d’autonomie des élites dirigeants d’un pays dans le processus de prise de décision au nom d’une communauté devient fondamental pour juger de la réalité de la souveraineté effective d’un pays.

Oui, un pays peut avoir une souveraineté partielle ou usurpée, c’est-à-dire qu’il y a effectivement une souveraineté de « jure », c’est-à-dire le droit légal d’exercer une autorité, mais pas une souveraineté « de facto », c’est-à-dire la capacité factuelle de le faire. Il s’agit alors d’une véritable occupation qui prend de formes multiples dont les interventions unilatérales ou les influences étrangères ou encore l’utilisation de dirigeants liges africain pour défendre les intérêts autres que ceux du Peuple.

Le tout conduit à une véritable limitation de l’autonomie décisionnelle des dirigeants d’un tel Etat, et de fait limite sa souveraineté qui est de facto partielle, partiale et souvent usurpée. Le cas de militaires prenant le pouvoir en Afrique en habit militaire, ou habit civil, ou encore en positionnant une représentation civile à la tête de l’Etat comme au Togo, ne relève bien de la souveraineté partielle, partiale et usurpée. Personne ne doit s’étonner des contestations par différents acteurs qui pêchent souvent par le fait de ne pas avoir un agenda commun pour le Peuple avant de fonder leur unité autour du départ de ceux qui concentrent l’unité d’oppositions hétérogènes et souvent non préparées pour offrir une alternative politique et sociétale crédible. Aussi, les successions de coups d’Etat en Afrique ne sont que des périodes transitoires d’ajustement du processus de souveraineté retrouvée ou usurpée à nouveau, selon les forces instigatrices de ces coups d’Etat.

En s’inspirant de travaux de Hendrik Spruyt[43] datant de 1994 sur les changements structurels du système qui conduit à l’émergence d’un État souverain dans un monde où les concurrents cherchent à s’en prendre aux attributs de la souveraineté, il est possible de l’adapter et de rappeler que la souveraineté d’un Etat africain doit s’inscrire dans une logique d’une Nation panafricaine et s’analyse à partir au moins des six (6) principales catégories d’indicateurs suivants :

  • la souveraineté politique est directement liée d’une part, au degré d’indépendance, d’autonomie, ou d’autre part, au niveau de soumission et d’influence à des puissances étrangères des dirigeants d’un pays dans son processus de prise de décision.
  • la souveraineté juridique relève plus de la capacité des dirigeants d’un pays à mettre en place et faire fonctionner de manière indépendante des institutions dites « fortes » avec des prérogatives d’auto-saisine en cas de violation de la loi, des droits et libertés, et plus particulièrement de la Constitution.
  • la souveraineté monétaire et économique repose sur la capacité d’un pays à gérer librement et sans corruption ses propres ressources, de décider de ses choix politiques, monétaires, économiques, bancaires et financières au service du bien-être du peuple et du développement du pays. A ce titre, la convertibilité de la monnaie ne peut dépendre d’une entité extérieure comme c’est le cas du Franc CFA dans les pays de la zone franc en Afrique.
  • la souveraineté territoriale, sécuritaire et sanitaire repose sur la capacité des dirigeants d’un pays à organiser ses forces de sécurité et sa population pour défendre son territoire et ses intérêts contre toutes les formes d’ingérence, de menaces et d’agressions extérieures et intérieures.
  • la souveraineté culturelle et cultuelle repose sur un ensemble de valeurs et de libertés communes qui fonde la nation et conduit à préserver et renforcer l’identité plurielle des ressortissants du pays y compris sa Diaspora avec des références aux conditions du vivre ensemble, ce en référence aux traditions séculaires propres au pays et à la communauté élargie au-delà des frontières, à condition que ces traditions ne soient pas en contradiction avec les droits humains et des peuples.
  • La souveraineté d’influence est un concept mettant en valeur la légitimité et le respect dont jouissent les dirigeants d’un pays ou d’une communauté au sein de la communauté internationale en fonction de sa trajectoire historique en matière de respect ou pas, des engagements, des actes posés, et du respect des principes et de l’autre à des fins de la préservation de la paix et du vivre ensemble.

Toutes ces formes de souveraineté sont interdépendantes et peuvent être mesurées par des indicateurs plus ou moins imparfaits, qu’il faudra combiner pour s’approcher d’un idéal, caractéristique de la réputation, vraie ou fausse d’un pays. Or, il est difficile de définir la réalité de la souveraineté d’une démocratie-démocrature en Afrique ou dans le Sud global.

Il est donc fortement recommandé que les pays du BRICS organisent sur la base de l’inclusivité, des conférences de sensibilisation et de conscientisation sur la notion de « souveraineté » selon le narratif des pays du Sud Global.

19. LA DÉMOCRATIE-DÉMOCRATURE, LE CONCEPT OCCIDENTAL ANTI-UBUNTU

Tout est fait pour que le concept fourvoyé de la « démocratie-démocrature » prenne le pas sur la question de la souveraineté des peuples africains, avec en filigrane l’obligation de s’aligner sur la démocratie et le rejet des coups d’Etat salvateurs pour mieux perpétuer l’amnésie des dirigeants du secteur privé africain, de l’intelligentsia africaine et des afrodescendants sur la priorité que la souveraineté[44] impose à la démocratie.

L’histoire occidentale s’est paradoxalement structurée autour de la souveraineté et de la liberté, avant de découvrir les avantages et pièges de la démocratie occidentalisée hors sol en Afrique. L’Afrique se doit de puiser dans la Maât et dans ses pratiques ancestrales de la « palabre intelligente » pour que le système démocratique occidental plaqué en Afrique ne se résume à déstabiliser des siècles de pratiques africaines du « vivre ensemble » malgré les différences que fondent les diverses pratiques de l’Ubuntu.

Selon Monseigneur Desmond Tutu, « Ubuntu est un mode de vie dont nous pouvons tous nous inspirer… Il englobe toutes nos aspirations quant à la manière de bien vivre ensemble. Nous le ressentons lorsque nous sommes en contact avec d’autres personnes et que nous partageons un sentiment d’humanité. Nous le ressentons lorsque nous écoutons l’autre avec profondeur et que nous ressentons un lien émotionnel, et lorsque nous nous traitons nous-mêmes et traitons les autres avec la dignité qu’ils méritent[45] ».

Il ne faut pas s’étonner que ce soit en Afrique du Sud que le président chinois, Xi Jinping[46], lors du sommet des BRICS et du dialogue BRICS Plus, a fait allusion à cette conception du vivre ensemble en concluant son discours comme suit : « Restons unis, mettons nos forces en commun et allons de l’avant pour construire une communauté avec un avenir commun pour l’humanité et créer ensemble un avenir radieux pour l’humanité[47] ». Il a profité de l’occasion pour rappeler un proverbe africain : « si tu veux aller vite, vas-y seul ; si tu veux aller loin, vas-y ensemble » ainsi que la philosophie de l’Ubuntu, selon laquelle « je suis parce que nous sommes ». La notion « d’interdépendance et l’interconnexion de tous les peuples » fonde une partie des valeurs communes autour d’une « vision d’une communauté ayant un avenir commun pour l’humanité[48] », ce qui suppose que « le partenariat stratégique, la coopération dans tous les domaines… et la volonté d’avancer ensemble sur « le chemin de la modernisation » ne peut se faire en fonction des ingérences et décisions unilatérales du G7 et de l’OTAN.

Xi Jinping rappelle donc qu’au sein des BRICS où un Etat égale une voix, il va falloir « faire preuve d’ouverture et d’inclusivité et mettre en commun la sagesse et la force collectives ». La « coopération Sud-Sud » doit pouvoir augmenter sa capacité d’influence en s’appuyant sur « la force » que confère « l’unité d’actions » et d’échanges au sein des nations et marchés émergents et en développement. Ce n’est pas tout à fait ce que prônent le G7 et l’OTAN.

20. LA SOUVERAINETÉ NEUTRALISE LA MASCARADE DE LA DÉMOCRATIE-DÉMOCRATURE

En effet, la lutte politique et électorale en Afrique qui aboutit, avec ou sans vérité de urnes, avec ou sans usurpation, avec ou sans inversion des résultats, avec ou sans proclamation des résultats, à la victoire d’un candidat, avec une majorité relative ou pas de l’ensemble des voix des électeurs ou des représentants des électeurs, conduit à un système autocratique, mais sous la forme d’une mascarade démocratique, la fameuse démocrature[49]. Le vivre ensemble africain, dans des espaces où cohabitent paisiblement des ethnies, des cultures et des langues multiples depuis des siècles, ne peut plus accepter la conception occidentalisée de la démocratie où lorsque la vérité des urnes est respectée, 49,9 % de la population sont gouvernés par les représentants des 50 % plus une voix. Ce système est clivant.

La réalité est que le dégoût d’un tel système, même en Occident, contribue à augmenter le niveau d’abstention. Cela contribue au fait que des pays comme les Etats-Unis ou la France, auréolés du titre prestigieux et ambigu de nation démocratique, sont en train d’expérimenter la colère rentrée des populations sans influences. En effet, ces populations occidentales, privées de la « palabre intelligente » qui permet de participer aux décisions, de corriger les errements des dirigeants ou les orientations d’une oligarchie financière mondiale, sont en mode révolte au ralenti. La montée des partis d’extrême droite en sont le reflet le plus visible.

Or, de nombreux dirigeants occidentaux, du fait des milliards de dollars américains ou d’Euro nécessaires pour gagner des élections, se sont graduellement transformés en des gouvernants-exécutants, de véritables acteurs -(ou comédiens, c’est selon)- par procuration pour mettre en œuvre non plus un projet de société, mais bien un projet politique de l’alignement sur les intérêts des entreprises transnationales, adeptes des transferts- ponctions des richesses des Peuples vers des Etats qui n’utilisent plus les impôts pour améliorer le bien-être des populations. Il faut bien constater en Occident que le fonctionnement de certaines institutions est de nature à limiter, voire empêcher le respect de la souveraineté de l’Etat occidental. Mais le silence des médias « mainstream » sur ce sujet ne facilite pas la prise de conscience. Et les partis politiques occidentaux classés à l’extrême droite de l’échiquier politique n’en sont pas dupes.

C’est ainsi qu’il devient urgent pour ces « vrais faux démocrates » de neutraliser en Occident, comme au demeurant dans le Sud global, toutes les velléités de contestations internes d’un système dit « démocratique », avec ou sans coup d’Etat constitutionnel ou électoral. La réalité est que les citoyennes et les citoyens ont choisi un projet qui va se dérouler aux dépens des peuples sans influence au cours de la législature. Contrairement à ce que racontent les médias « mainstream », -c’est-à-dire les médias politiquement correct-, ce projet est en réalité imposé, il suffit pour cela de brandir l’urgence de pallier la mauvaise gouvernance budgétaire, financer les guerres de déstabilisation, financer des laboratoires P4 de création de virus et bactéries afin de justifier les vaccins pour en stopper les proliférations, etc.

Mais, alors, ne s’agit-il pas là d’une forme subtile, moderne et inattendue, mais toujours indolore, de la démocrature, cette forme hypocrite, trompeuse, déloyale et donc mensongère de la dictature qui se présente sous les hospices de la « démocratie », avec ou sans coups d’Etat ? Assurément !

Il est fortement recommandé d’intégrer l’approche adoptée dans l’Afrique ancestrale et consistant à formaliser la palabre intelligente est crucial. Il s’agit d’obtenir l’accord de la partie mise en minorité sur la mise en œuvre de la décision qui a emporté la majorité.

21. LE NOUVEAU PARTENARIAT DE LA RÉSISTANCE POUR REFONDER LA SOUVERAINETÉ AFRICAINE

Alors, si les citoyennes et citoyens des pays occidentaux s’en accommodent, il ne faudrait pas que celles et ceux du Sud global, surtout en Afrique, tombent dans ce piège grossier. La vigilance s’impose et ne peut se structurer qu’au sein de grands ensembles panafricains. Or, le panafricanisme de l’Union africaine avec les dirigeants africains actuels, comme celui des institutions sous-régionales africaines comme la CEDEAO, sont dévoyés avec des dirigeants non élus sur une base transparente de la vérité des urnes. Donc, c’est bien l’approche du bas-vers-le haut qu’il convient d’adopter, à savoir revaloriser la conscientisation de la société civile africaine et du Sud global sur l’urgence de retrouver les vertus de

  • la souveraineté ;
  • du vivre ensemble pacifiquement ; et
  • la volonté de trouver des institutions et procédures de règlements des conflits qui ne se limitent pas et unilatéralement à la guerre et aux sanctions occidentales.

Néanmoins, le niveau d’engagement panafricaniste des dirigeants africains actuels est tellement proche de zéro que la conscientisation des Peuples africains et du Sud global ne peut prospérer qu’à partir du partenariat entre cinq principales composantes de la résistance :

  • une société civile qui n’accepte plus de se laisser neutraliser par la peur, l’intimidation ou la corruption de proximité ;
  • une élite souverainiste panafricaine ;
  • les forces de sécurité républicaine dont les militaires ;
  • les journalistes et médias compétents et panafricanistes ; et
  • un appui en termes de capacité de résistance et d’influence à rechercher auprès des BRICS Plus.

Il est vrai qu’il existe des blocages au niveau des Etats qui tentent de neutraliser la portée, voire d’empêcher la construction de ces nouveaux partenariats. Il ne faut donc pas s’étonner que la déclinaison des coups d’Etat, militaires ou constitutionnels ou électoraux en Afrique puisse se faire aux dépens des peuples africains, dès lors que :

  • ceux qui sont derrière ces coups d’Etat sont pas des panafricains, des patriotes ou des nationalistes en quête de souveraineté ; ou que
  • ces derniers agissent en mode procuration pour des intérêts étrangers, dont ils ont la charge de perpétuer les principes d’accaparement des richesses nationales aux dépens des populations africaines, et plus largement du Sud global.

Que ceux qui quittent leur métier de base pour jouer à l’apprenti-sorcier de Président de transition d’un Etat, sachent que les rapports de force et la férocité occidentale sont tels que leurs chances de succès passent par :

  • le soutien d’une société civile et d’une Diaspora africaine conscientisée et souverainiste ; et
  • le partenariat « gagnant-gagnant » avec les pays du BRICS Plus qui s’inscrivent dans une logique multipolaire de la souveraineté.

Ce partenariat d’un nouveau genre passe par la mutation des économies de pays à faible influence, notamment par un partenariat effectif et non hypocrite autour du transfert de technologies, de développement des capacités productives et commerciales, d’un nouveau circuit monétaire, bancaire, financier et économique mondial en parallèle à celui du G7 et de l’OTAN. Ces changements de nature structurels du mode de fonctionnement de la politique et de l’économie mondiale reposent sur le développement accéléré des pays à faible influence afin d’en faire des partenaires commerciaux à valeur ajoutée.

La domination du monde occidental par des formes « soft ou hard » de la guerre froide ou chaude, y compris à l’aide de terroristes doit prendre fin, ou tout au moins neutralisée. Pour cela, ce sont des multitudes de nouveaux centres décentralisés de la production, du développement et du partenariat gagnant-gagnant qui doivent voir le jour. Les initiatives en termes de logistique et d’infrastructure comme le programme et projets des « routes de la soie », l’initiative « Belt and Road » de la Chine, ou les nouveaux circuits de paiements en monnaie locale de la Chine, de la Russie[50] et de l’Inde sont au cœur de ce nouveau paradigme des pays non-alignés sur le G7 et l’OTAN. Ce n’est pas de confrontations directes ou indirectes dont il s’agit, mais bien de réactions multiformes à la belligérance occidentale, n’en déplaise aux médias « mainstream ».

Le développement des infrastructures, avec ou sans les « routes de la soie » est une obligation pour les pays africains. Il est donc recommandé d’opter pour un mémorandum d’accord (Memorandum of Understanding) avec la Chine dès lors que ce pays s’engage à ne pas surendetter les pays emprunteurs.

22. CONCLUSION : AFRIQUE ET LES PAYS DU SUD GLOBAL : PROMOUVOIR LES CONTRE-CHOCS DE LA SOUVERAINETÉ RESTAURÉE

Les médias occidentaux se sont organisés pour que le narratif officiel fasse des responsables du G7 et de l’OTAN les seuls à n’être responsables de rien des problèmes mondiaux, mais à s’immiscer dans les affaires des autres, même quand personne ne les a sollicités. Il n’y a de chocs de « souveraineté » que d’un point de vue occidental[51]. Alors, le narratif occidental présente les dirigeants occidentaux comme des victimes de ceux qu’ils ont eux-mêmes déclenchés.

La réalité est que l’Occident ne supporte par la souveraineté du Sud global dès lors que le prix des matières premières et le développement des capacités productives et commerciales africaines vont remettre en cause l’échange inégal instauré et maintenu par le G7 et l’OTAN. La restauration de la souveraineté violée et volée de l’Afrique et du Sud global relève de la vérité et de la justice.

Rejeter ces valeurs pour un Etat ou une nation sous le couvert de la démocratie occidentale du deux poids deux mesures n’est ni justifiable, ni tolérable, sauf d’accepter de s’inscrire dans le statu quo de la servitude volontaire.

Les coups d’Etat en Afrique ou ailleurs, militaires ou constitutionnels, ne sont que des parenthèses, parfois salvateurs, parfois condamnables, dès lors qu’ils ne permettent pas au Peuple africain et du Sud global de retrouver la voie de sa souveraineté.

Le G7 et l’OTAN, en l’espèce la France[52] pour les pays francophones en Afrique, ne peuvent s’adjuger le droit unilatéral de déterminer de la légitimité démocratique d’un régime politique, à fortiori d’un Etat en Afrique. Ce n’est pas à ces entités qui n’ont pas encore faire le deuil de l’impérialisme, de l’injustice dans le droit international de décider unilatéralement, sous couvert de « défense des intérêts d’une oligarchie financière et de la déstabilisation grâce au terrorisme instrumentalisé dont elles ont perdu le contrôle, que la transformation, voire la mutation sous toutes ses formes d’un État africain, ne doit pas avoir lieu sans leur bénédiction. C’est cette attitude de condescendance et d’humiliation de peuples entiers qui construisent les situations d’insurrection, de coups d’État militaires, électoraux et constitutionnels.

Alors, à quand le mea culpa du G7 et de l’OTAN envers les Peuples qu’ils ont savamment et pendant des siècles exploités, usurpés et humiliés[53] à l’aide de supplétifs noirs et africains inconscients de leur rôle en tant que traîtres à la cause de la défense des intérêts des peuples africains, considérés comme des variables d’ajustement sans capacités d’influence ? Cette erreur de parallaxe est en train de changer en suivant une approche non linéaire de la démocratie-démocrature imposée en Afrique par les dirigeants occidentaux. Le nier ne sert à rien. Tous les africains jusqu’au fin fond des villages sont au courant et ne croient plus les médias politiquement corrects, même lorsqu’ils s’expriment dans les langues locales africaines.

Paradoxalement, les successions de coups d’Etat en Afrique sont en réalité le signe annonciateur de la fin la diplomatie de « déviance[54] » de la démocratie-démocrature en Afrique. Encore faut-il avoir prévu un projet de transition politique et économique et s’accorder sur un projet de société au cours justement d’une période de mutation des certitudes obsolètes et des comportements peu respectueux d’autrui de nombreux dirigeants occidentaux.

Alors coup d’Etat ou pas, là n’est pas le débat. Souveraineté ou pas de souveraineté, nationale puis panafricaine, là se trouve le vrai débat. La palabre africaine intelligente devrait lentement, mais sûrement y conduire le peuple africain déterminé à retrouver sa liberté, son indépendance et sa souveraineté grâce à la vérité des urnes et la vérité des comptes publics.

La vigilance et l’engagement restent de mise pour construire une communauté acceptant que le développement et les fruits de la croissance soient partagés. Cela ne peut se faire sans une souveraineté retrouvée de chaque nation, ce dans le cadre des partages des connaissances dans un processus de modernisation multipolaire où aucun pays ne doit être marginalisé.

En définitive, ils sont nombreux les citoyens ordinaires, animés d’une conscience patriotique nationale et globale, qui considèrent que la diffusion du narratif afrocentrique et du savoir occidental déconstruit sont devenus de véritables instruments d’émancipation et de solidarités panafricaines et intra-sud global. Pour cela dans un monde multipolaire, chacun doit pouvoir valoriser sa culture sans l’opposer à l’autre tout en réalisant qu’il faudra systématiquement faire l’effort de rechercher ce qui construit et moins ce qui différencie[55] pour continuer à interagir positivement avec les Peuples occidentaux, tout en se libérant du joug des dirigeants du G7 et de l’OTAN.

Il est fortement recommandé de faire le bilan des 70 ans de relations avec le G7 et l’OTAN en Afrique et de le comparer avec les résultats déjà obtenus en moins de 12 ans avec les BRICS, si l’intimidation du G7 et de l’OTAN n’y fait pas ombrage. Le fait que les BRICS Plus et l’alliance des BRICS avancent sans le G7 et l’OTAN constitue une opportunité pour des dirigeants africains soucieux de la défense des intérêts de leur Peuple. Ils trouvent là une chance unique d’améliorer leur marge décisionnelle, d’augmenter leur influence, d’assurer leur autodétermination dans la transparence et surtout d’affirmer leur souveraineté. YEA.

7 septembre 2023.

Dr. Yves Ekoué AMAÏZO

Directeur, Afrocentricity Think Tank

yeamaizo@afrocentricity.info

 

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