L’Allemagne se fait rattraper par son passé, plus précisément par la page la plus sombre de son histoire. Alors qu’elle a enfin fini de payer en 2010 les réparations financières liées à la Première Guerre mondiale, voilà que la Grèce, dirigée par le parti anti-austérité Syriza, lui réclame des indemnités en lien avec la Seconde Guerre mondiale, d’un montant de 162 milliards d’euros.
Ce que la Grèce réclame à l’Allemagne. Dans cette somme de 162 milliards d’euros réclamée, soit l’équivalent de la moitié de sa dette, la Grèce range deux éléments.
Lorsqu’en 1941 l’Allemagne l’envahit, les occupants nazis obligent la Banque centrale grecque à leur accorder un prêt de 476 millions de reichsmarks, en réalité la totalité des réserves en or du pays.La somme, jamais remboursée depuis, équivaudrait à 8,25 milliards de dollars selon un rapport de députés allemands, plutôt à 11 milliards estime un rapport secret du ministère grec des Finances révélé en janvier.
Le reste de la somme réclamée correspondrait aux dégâts matériels et humains infligés par l’Allemagne à la Grèce de 1941 à 1944 Pour l’historien Mark Lazower, auteur de « Dans la Grèce d’Hitler » cité dans Le Monde, la Grèce est le pays qui a le plus souffert derrière la Russie et la Pologne, subissant « un pillage systématique de ses ressources ».
Syriza ne digère pas la Seconde guerre mondiale. Alexis Tsipras, nouveau Premier ministre grec du parti Syriza, a dès son accession au pouvoir, ranimer la flamme du passé, en allant déposer un bouquet de roses rouges au mémorial des fusillés de Kesarianis, où 200 communistes ont été exécutés par les nazis en 1944.
Durant sa campagne électorale, Alexis Tsipras avait assuré qu’il ferait valoir « ce droit inassouvi » à des compensations. Avant lui déjà, l’ancien président de la Grèce, Carolos Papoulias, avait évoqué le sujet en 2014 lors de la visite de son homologue allemand à Athènes, lui demandant d’ouvrir au plus vite des négociations à ce sujet.
L’Allemagne a bien payé des indemnités de guerre… Si la Grèce s’estime dans son bon droit de réclamer des indemnités, c’est que l’Allemagne en a versé à d’autres pays européens, victimes du nazisme. C’est en juillet 1945, lors de la conférence de Postdam, qu’il est demandé à l’Allemagne de verser 20 milliards de Reichsmarks, soit 315 millions de dollars aux Alliés. Mais le pays, qui ne dispose plus de liquidités, verse cette somme sous forme d’usines et de machines. Ces dernières sont ainsi démontées et déménagées en France, en URSS et au Royaume-Uni.
L’Allemagne paye aussi sous forme de travail forcé. En 1947, pas moins de 4 millions d’Allemands ont été utilisés dans du travail dit « de réparation » dans plusieurs pays alliés.
… mais pas à la Grèce… Si la France, le Royaume-Uni et l’URSS ont largement profité des indemnités de guerre, ce n’est pas le cas de la Grèce qui a fait partie des oubliés d’après-guerre. Dans l’accord de Londres de 1953 qui recense les dettes extérieures de l’Allemagne, le prêt forcé de la Grèce à l’Allemagne n’a, par exemple, pas été pris en compte.
… et en bénéficiant d’un traitement de faveur. Si l’Allemagne n’a pas versé des indemnités à tous les pays qu’elle a occupé pendant la guerre, c’est qu’elle a bénéficié de la clémence des Etats-Unis. Le leader du camp allié ne voulait en effet pas répéter les erreurs commises à la fin du premier conflit mondial. En 1919, les sommes pharaoniques réclamées à l’Allemagne, n’avaient jamais été acceptées par les Allemands qui s’étaient sentis humiliés. Une situation qui, conjuguée au krach boursier de 1929, avait plongé le pays dans les bras de l’extrême-droite nazie.
À la fin de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont donc demandé aux pays victimes des nazis, dont la Grèce, de faire profil bas au sujet de leur demande de réparations.
En 1990, les deux Allemagnes ont signé un nouveau traité avec les Alliés, approuvé par la Grèce. Depuis, le pays réunifié estime que le débat est clos.
La Russie s’y met aussi. La Russie de Poutine qui se montre particulièrement proche du parti Syriza, veut aussi être de la partie. Un groupe de députés russes envisage en effet de réclamer à l’Allemagne des indemnités de guerre montant à 4 milliards d’euros, rapporte le site Russia Today. « Il s’avère que l’Allemagne a payé des compensations aux 6 millions de victimes de l’Holocauste, en ignorant les 27 millions de citoyens soviétiques qui sont morts, dont plus de 16 millions de civils », se justifie le député Mikhail Degtariov.
Vyatcheslav Nikonov, député du parti de Poutine Russie Unie, a cependant rétorqué que cette demande était « une énorme bêtise ». « L’Allemagne a payé ses réparations, la plupart de la part de l’Allemagne de l’est », a-t-il précisé. Les réparations, décidées lors de la Conférence de Postdam, ont en effet finies d’être versées à l’URSS en 1953. Argument balayé par Mikhail Degtariov pour qui cet accord de cessation de paiement vaut pour l’Allemagne de l’est, pas pour l’Allemagne de l’Ouest, ni pour l’Allemagne réunifiée.
Europe 1