Duel à Mort [Par F. M. Bally]

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 Les Ivoiriens aiment se contenter de l’écume et ils n’y ont vu, pour la plupart, que du feu.
Or, ce mardi 21 novembre 2023, la Côte d’Ivoire a vécu deux scènes qui traduisent l’impitoyable face-à-face entre deux ex-alliés devenus des ennemis jurés: Alassane Ouattara, chef de l’État, et Soro Kigbafori Guillaume, son ancien Premier ministre.
L’un a été reçu à l’Élysée, à Paris par le président Emmanuel Macron, pour bétonner, dit-on, les relations ivoiro-françaises. Une audience, suivie de dejeuner, a été accordée à l’autre au Palais présidentiel de Kossyam, à Ouagadougou par le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition militaire du Burkina Faso, à l’effet d’un établissement de solides relations.
En rupture de ban avec les régimes ivoirien et français, Soro Guillaume s’est rapproché des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES, Burkina Faso, Mali et Niger). Non seulement ces États ont rompu les accords de défense avec la France, mais ils gardent des relations tendues avec la Côte d’Ivoire, dont deux gendarmes, arrêtés depuis le 19 septembre 2023 au sud du Burkina Faso, restent encore détenus à Ouaga.
En outre, la rivalité apparaît pleinement comme un duel à mort entre d’une part, Ouattara, l’homme d’État policé, et d’autre part, Soro, l’intraitable rebelle, entre d’un côté, le masque et de l’autre, son habilleur, tous deux de la région septentrionale du Tchologo.
Les observateurs ne s’en rendent peut-être pas compte, mais l’histoire semble se réécrire sous nos yeux. Et la Côte d’Ivoire vit sa copie de l’affrontement sans merci, en URSS, entre Joseph Staline, qui avait la mainmise sur toutes les institutions de l’État, et l’opposant interne au Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS, parti unique), Léon Trotski, brillant intellectuel et champion du communisme universel.
Ce duel rouge, au milieu des purges pour annihiler toute opposition et toute contestation à Staline, s’est achevé par l’exécution, en août 1940 à Mexico (Mexique), du dissident Trotski par le KGB.
A la tête d’un parti, le RHDP, et d’un pays qu’il dirige d’une main de fer dans un gant de velours, Alassane Ouattara fait la pluie et le beau temps. Il refuse la contradiction et n’accepte aucune concurrence.
« Alassane Ouattara ne conçoit l’amitié qu’en termes de soumission, » déclarait, désabusé, Charles Konan-Banny, ancien Premier ministre et ex-président de la CDVR, dans une intervention à Jeune Afrique.
De ce fait, le « soroïsme » naissant n’était pas le bienvenu, car incompatible avec l’appartenance au RHDP que, circonstance aggravante, Soro Guillaume a refusée pour se lancer dans la course à la présidentielle. Crime de lèse-majesté.
Et à ce jeu, l’ancien président de l’Assemblée nationale est devenu l’homme à abattre. Contre lequel une traque a été lancée. Obligé de démissionner de la tête de la Chambre basse du Parlement, il a été contraint, depuis le 23 décembre 2019, à l’exil pour être pourchassé dans ses retraites occidentales et asiatiques.
Avec les libertés publiques mises en veilleuse, les partisans et disciples de Soro continuent d’être poursuivis et embastillés. Certains, comme Soro lui-même à la perpétuité, sont condamnés à des peines de prison ferme et d’autres placés sous mandat de dépôt. Le GPS, l’instrument politique, créé pour le combat, a été dissous.
Face à ce leader froid, sans concession et calculateur, le secrétaire général de l’ex-rébellion armée n’entend point désarmer. Et la rupture paraît définitivement consommée.
Soro a donc mis fin à son exil, sans répit, en Europe où il était persona non grata. Mais s’il ne rentre pas encore au pays, afin de ne pas se jeter dans la gueule du loup, il a trouvé refuge dans les pays de l’AES, des empêcheurs de tourner en rond, où les autorités, l’accueillant à bras ouverts, lui accordent le gîte et le couvert.
Avant le Mali du colonel Assimi Goïta, il a été reçu au Niger du général Abdourahamane Tchiani et au Burkina Faso. Avec une classe politique réduite au silence en Côte d’Ivoire, il entend ainsi, aux portes de la Côte d’Ivoire, d’un, représenter l’objecteur de conscience et de deux, exercer la pression sur un régime « prétendument démocratiquement élu ».
Et à la guerre des nerfs comme à la guerre d’usure, en attendant la fin prochaine de ce grand film d’actions.
F. M. Bally
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