Dépigmentation : plaire aux hommes en décapant sa peau

0

Les femmes pratiquent de plus en plus la dépigmentation à Bobo-Dioulasso. Si certains encouragent cette pratique, d’autres, par contre, la dénoncent.

Se sentir belle et attirante, c’est toute la raison d’être de certaines femmes, prêtes à tous les sacrifices pour y parvenir. Elles vont jusqu’à changer la couleur de leur peau, avec toutes les conséquences que cela comporte. A Bobo-Dioulasso, le phénomène de la dépigmentation prend de l’ampleur. Cette pratique s’explique pour plusieurs raisons. Pour les unes, c’est le plaisir d’avoir une peau claire qu’elles estiment plus agréable à regarder. « Moi, particulièrement, personne ne m’a poussée à me dépigmenter. Je l’ai fait par plaisir», explique Alimata Sanou. Selon cette jeune fille, voir ses camarades dépigmentées a toujours suscité de l’envie chez elle. Comme par imitation, Biba Sanou a également éclairci sa peau. « Je me suis dépigmentée pour ressembler à mes amies qui ont la peau claire », dit-elle. Pour Kadi Ouédraogo, une autre jeune fille, c’est pour plutôt plaire aux garçons qu’elle a « décapé » sa peau. « C’est parce que les hommes ne s’intéressent qu’aux femmes au teint clair que les jeunes filles se dépigmentent », explique-t-elle. Une idée partagée par Kadidiatou Ouattara, qui a, elle, choisi de garder sa peau naturelle. « Lorsque ton mari s’intéresse à une femme claire, cela te pousse à lui ressembler pour pouvoir conserver ton homme », affirme-elle. En effet, Fousséni Ouattara, un électricien, dit avoir plus de penchant pour les femmes de teint clair. « Moi franchement, j’aime les femmes claires. Il n’y a rien de mal lorsqu’une femme se dépigmente », soutient-il.

« Mauvaise odeur »

Contrairement à lui, Tidiane Sawadogo, commerçant au grand marché de Bobo-Dioulasso, dénonce ce phénomène. « S’il ne tenait qu’à moi, chacun allait garder son teint naturel. On peut utiliser une pommade qui rend la peau lisse, mais aller jusqu’à changer la couleur de la peau, nous les hommes, nous n’apprécions pas cela », clame-t-il. Pour Tidiane Sawadogo, la couleur n’est pas un critère de choix d’une épouse. « Que tu sois claire ou noire, l’essentiel est que tu sois une femme qui me plaît », dit-il. Harice Sanou, un agent de police, va plus loin, en affirmant que la dépigmentation est un fléau à combattre. Il recommande aux femmes et aux jeunes filles de garder leur peau naturelle. « Il ne faut pas qu’elles se fient à la belle vie en détruisant leur peau », conseille-t-il. Anasy Ouédraogo, un mécanicien, lui aussi se dit farouchement opposé à la dépigmentation. « Une femme qui s’est dépigmentée sent très mauvais et sa peau devient très fragile », argument-il. Il demande aux autorités de lutter contre l’importation des produits éclaircissants au Burkina Faso.

En effet, les pommades éclaircissantes sont exposées aussi bien dans les salons de beauté que sur les places de marchés. Et de nombreux commerçants sont spécialisés dans la vente de ces produits. Pour Ibrahim Dafe, vendeur de produits cosmétiques au grand marché de Bobo-Dioulasso, les crèmes éclaircissantes sont très prisées par les femmes. « La marque Caro white marche plus, parce que la plupart des femmes disent que ce produit est super éclaircissant, et qu’il rend belle aussi », dit-il. Selon ce commerçant, les usines de fabrication ont leur façon d’arnaquer. Elles ont su, explique-t-il, que les femmes préfèrent les produits éclaircissants, et donc elles (ces usines) écrivent abusivement le terme « éclaircissant » sur leurs produits. M. Dafe fait comprendre qu’il y a toutes sortes de pommades pour rendre clair, bronzé ou noir. Ce commerçant ne fait pas de la couleur de la peau un critère pour le choix de sa bien-aimée. « Je n’ai pas de préférence de couleur de la peau car la femme, c’est le comportement », déclare-t-il. Une autre, Kadidiatou Ouattara, gérante d’une boutique de produits de beauté, fait savoir que les pommades éclaircissantes s’achètent bien. Outre « Caro white », elle affirme que les femmes achètent bien « Rapide clair ». En tant que vendeuse de produits de beauté, cette dame conseille aux femmes qui utilisent ces produits éclaircissants, de le faire de façon modérée, pour que la peau ne se dégrade pas.

Responsable du cancer de la peau

Pour avoir une idée des effets négatifs de la dépigmentation, nous avons approché un spécialiste de la peau, le docteur Boukary Diallo, médecin dermatologue au Centre hospitalier universitaire Souro Sanou (CHUSS). Il a expliqué que la dépigmentation est l’utilisation cosmétique des produits dépigmentants pour obtenir un éclaircissement de la couleur naturelle de la peau, et que c’est un phénomène qui a pris de l’ampleur. Il fait savoir, a-t-il souligné, que les gens qui se dépigmentent ont la peau plus claire, sur laquelle il y a une certaine inhomogénéité. Suivant le dermatologue, des études ont été menées dans quelques capitales africaines pour estimer la prévalence du phénomène.

Ainsi, à Ouagadougou en 2005, l’étude a démontré que 44,3% de la population féminine se dépigmentait. Une étude qui date de plus de 10 ans et qui doit être actualisée pour permettre de voir réellement l’ampleur du phénomène. Cette pratique tant prisée par la masse est source de nombreuses complications sur la peau, générales ou systémiques. Ces complications sur la peau sont entre autres, les « phares », la photosensibilité, les vergetures, une atrophie de la peau qui à la longue, devient froissée, l’ochronose exogène, les furoncles, la gale. « En ce qui concerne les complications systémiques, il y a le cancer de la peau, le diabète, l’insuffisance rénale, l’hypertension artérielle. Pour les femmes enceintes, elles provoquent un faible poids du nouveau-né », a renchéri le dermatologue. Et de conclure que les gens qui se dépigmentent doivent être conscients des risques.

Seyka Yé
Djénèba BARRO
Sidwaya 

{fcomment}

Partager

Laisser une réponse