Dégommer Gbagbo, un projet politique français

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06 Novembre 2004. Nous sommes bien en Afrique, en Côte d’Ivoire. Faut-il le rappeler ? Le pays a obtenu son indépendance depuis 1960. Cela fait 4 ans que ce pays est dirigé par un président démocratiquement élu : Laurent Gbagbo. Les institutions de ce pays d’Afrique de l’ouest sont en place et fonctionnement normalement. Mais ce jour, 06 novembre 2004, la scène est surréaliste : l’esplanade de l’Hôtel Ivoire, un hôtel de luxe d’Abidjan, la capitale économique, est en état de siège. Plus d’une vingtaine de chars, sortis d’on ne sait où, et de nombreux soldats de français, armés jusqu’aux dents, occupent le site. A quelques pas de là, la résidence du président de la République. Les soldats français viennent d’établir un périmètre de sécurité, matérialisé par des fils barbelés. La veille au soir, la même armée française venait de détruire la quasi-totalité de l’aviation de l’armée ivoirienne. On pouvait même apercevoir des snippers postés aux derniers étages de l’immeuble principal de l’hôtel. Ce 06 novembre 2004, la souveraineté de la Côte d’Ivoire est menacée jusque dans ses derniers tréfonds par une armée étrangère, l’armée française, qui venait ainsi d’outre-passer les limites de sa zone de confinement.

Que cherchaient-ils ? Que faisaient-ils là, ces soldats français, lourdement armés ? Des milliers de jeunes ivoiriens, sortirent, ce jour-là, en masse, pour tenter d’empêcher ce qu’ils soupçonnaient – à juste titre d’ailleurs – d’être une tentative de renversement de leur président Laurent Gbagbo, et des institutions de la République leur pays, la Côte d’Ivoire. Malheureusement, plusieurs d’entre eux tombèrent ce jour-là, sous les balles assassines des soldats de l’armée française aux ordres du président français d’alors : Jacques Chirac. Heureusement, ce jour-là, le monde entier découvrit aussi avec stupeur, le visage hideux de la France néo-colonialiste, impérialiste et sûre de son impunité, dans ce qu’elle a toujours considérée comme son pré-carré : la Côte d’Ivoire. Une France couverte d’opprobre et qui ne pouvait que battre en retraite sous les regards impuissants et indignés des ivoiriens. La suite, on la connait… Michelle Aliot Marie, ministre française de la défense d’alors, demanda aux ivoiriens, avec non moins une pointe de cynisme, de « tourner la page ». Laurent Gbagbo venait ainsi d’échapper à la deuxième tentative de coup d’Etat, après celle de 2002, en à peine 4 ans d’exercice du pouvoir… Mais la France n’avait pas dit son dernier mot, ni n’abandonné son lugubre projet ; à savoir : « dégommer » Laurent Gbagbo. L’avènement de Nicolas Sarkozy à la tête de l’Etat français, sera le coup d’accélérateur d’un complot longtemps et secrètement préparé depuis l’Elysée. Tout l’abattage médiatique qui réunit dans une solidarité sans précédent l’ensemble des médias français, ne fut en somme qu’une vaste opération d’intox : le monde entier a été trompé sur la réalité de la crise post-électorale en Côte d’Ivoire. La déstabilisation du régime de Laurent Gbagbo, sa capture et son emprisonnement à la CPI (cour pénale internationale), au profit d’Alassane Ouattara, ne sont que le couronnement d’un plan nourrit de haine, d’un travail acharné et savamment orchestré par la France, de concert avec des complicités internes. Les témoignages des juges français en charge des dossiers sur la Côte d’Ivoire, les entraves à la justice dont se sont rendus coupables les autorités politiques françaises, les documents ultra-confidentiels qui ont pu être consultés au cours des différentes enquêtes, les soldats et généraux français interrogés…

Le Général Renaud de Malaussène, adjoint du général Henri Poncet de la force française Licorne basée en Côte d’Ivoire, témoigne : «Je pense qu’il y avait un projet politique qui était de mettre Ouattara en place et de dégommer Gbagbo, qui est un homme intelligent, cultivé, fin, qui a traversé beaucoup de crises (…) et qui, au fond de lui-même, aime la France (…) Je suis convaincu que Gbagbo n’a pas voulu tuer des soldats français, et que quelqu’un de son entourage a pris cette décision sans le dire à Gbagbo (…) Je crois que la mouvance Gbagbo est tombée dans un piège».

Comme on peut le voir, entre autres, les résultats de l’enquête menée par, Charles Onana, journaliste français dont on peut, en tout état de cause, douter du sens de la rigueur, de l’objectivité et de la crédibilité, attestent, bel et bien, la sombre machination mise en œuvre par Paris: dégommer Laurent Gbagbo au profit d’Alassane Ouattara ; un homme plus maniable, plus servile aux yeux de l’Elysée. En fait, le sort de Gbagbo était scellé, depuis belle lurette, par la volonté politique de Nicolas Sarkozy, président français. Dès lors – nous ne le répéterons jamais assez – toutes les calomnies fabriquées et entendues, ça et là, contre ce dernier, n’ont fait que participer à la mise en œuvre d’une telle volonté et ne relèvent, au final, que de la pure distraction. Les balbutiements de la CPI sur le cas Gbagbo, les énormes difficultés pour la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, à réunir des preuves solides, en vue, ne serait-ce que pour débuter l’ouverture d’un procès contre Laurent Gbagbo, en sont une preuve éclatante.
Faut-il le rappeler, à quelques jours d’une nouvelle audience prévue : Laurent Gbagbo est un dirigeant atypique et insoumis. Il est la victime innocente d’un complot, d’une volonté, d’un projet politique français. Il en a lui-même fait le témoignage à la face du monde, lors de sa première comparution à la CPI : « C’est l’armée française qui a fait le travail et elle m’a remis aux forces d’Alassane Ouattara… ». Laurent Gbagbo a simplement voulut faire valoir les intérêts de son pays et de ses populations. La France lui a préféré un allié du FMI et de la Finance internationale : Alassane Ouattara. La France a préféré « dégommer » Laurent Gbagbo. Les faits sont là, sous nos yeux. Sauf pour ceux qui refusent de les voir. Car ils savent, ces ennemis de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique, qu’ils devront en tirer la conclusion qui s’impose : mettre fin à cette parodie de procès en cours à la CPI et libérer, sans délai, Laurent Gbagbo.

Marc Micael

Chroniqueur politique

marcmicael@yahoo.fr

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