De toute évidence, Olympio cache mal derrière ces arguments sa volonté de se venger des humiliations inadmissibles dont il a fait l’objet de la part de ses propres collaborateurs depuis la fin du scrutin. Mais la décision se laisse interpréter surtout par le désir du leader de l’UFC de vouloir couper l’herbe sous les pieds des hommes de l’UFC-FRAC.
Car, ce qui est au centre de la crise survenue au sein de l’UFC est une compétition interne pour le pouvoir. Pour le pouvoir de décision au sein du parti lui-même parce que depuis quelques années déjà les “hommes-ressources” de Gilchrist Olympio avaient commencé à remettre en cause l’autorité de leur chef et à ne plus accepter sans rechigner les décisions de leur chef. Faut-il voir là un problème de mécanisme de prise des décisions au sein de l’UFC ? La question n’est pas superflue dans ce contexte de la lutte d’opposition en cours pour la démocratie dans le pays.
Mais depuis 2005 déjà, tout comme la direction du CAR et de la CDPA, la direction de l’UFC avait déjà clairement engagé le parti dans la logique du “partage du pouvoir” d’Etat avec le régime de dictature à travers une collaboration avec ce dernier et son parti, le RPT. L’UFC aurait pu s’engager dans cette collaboration dès 2006 si elle avait pu tenir le premier rôle au cours du 12ème dialogue à la place du CAR. En fin de compte, c’est le CAR et la CDPA qui, à la suite de la CPP et du PDR, s’engageront dans cette collaboration directe avec le régime avec Agboyibo comme premier ministre du Gouvernement dit d’union nationale. On a vu le résultat. Mais l’UFC est restée dans cette logique en attendant son heure.
Malgré la radicalité apparente de son discours, la tendance UFC-FRAC ne visait pas autre chose. Gilchrist Olympio le sait mieux que quiconque. Il sait que les hommes du FRAC-UFC ne parviendront pas à “arracher” le pouvoir à Faure Gnassingbé comme ils ont commencé à le proclamer abusivement au lendemain du scrutin. Et il sait que le but visé en réalité à travers leur agitation politique n’est autre qu’une tentative pour faire pression sur Faure Gnassingbe et ses amis afin de les amener à ouvrir un nouveau cycle de dialogue en vue du partage du pouvoir. Patrick Lawson a été clair sur ce point dans sa déclaration publiée le 24.05.2010 sur le site Letogolais.com.
L’erreur politique des hommes du FRAC est de croire que le contexte politique international pouvait encore obliger Faure Gnassingbé et ses amis à accepter l’idée d’un nouveau dialogue. Il est certain que la fraction de la population qui est allée aux urnes n’a pas voté pour le régime. Mais les conditions dans lesquelles le FRAC et ses concurrents du courant dominant de l’opposition ont accepté d’aller aux élections ont mis Faure en position de force. Il n’a plus intérêt à ouvrir un nouveau cycle de dialogue. Ce qu’il souhaite au contraire pour conforter son image d’homme d’ouverture est que les partis qui aspirent au partage du pouvoir viennent d’eux-mêmes sans faire d’histoire.
Gilchrist Olympio l’a compris, lui. Et il a surtout compris qu’en acceptant de faire entrer sa tendance UFC-Olympio dans le gouvernement sans faire d’histoire, il coupait définitivement l’herbe sous les pieds de ses contradicteurs du parti et des hommes du FRAC qui ont participé au complot ourdi contre lui. Que veut de plus le régime ? Surtout si celui qui vient ainsi de lui-même avec la casquette d’une UFC en crise et qui, en plus, accepte lui-même de tenir une fonction dans le régime s’appelle Gilchrist Olympio, l’adversaire politique qui passe en plus pour être “l’Opposant historique” !
La CDPA-BT manifeste un profond regret face à la décision de Gilchrist Olympio de faire entrer sa tendance UFC dans le gouvernement et de collaborer cette fois-ci directement avec le régime. Il est important de revenir avec sérénité sur les arguments déplorables avancés par ce monsieur pour justifier son acte. Mais dès à présent, il faut souligner que l’une des conséquences les plus graves de cette défection est une démoralisation de tous ceux qui ont inconditionnellement soutenu l’UFC grâce au mythe fondateur de ce parti, à savoir le souvenir de Sylvanus Olympio. Cette démoralisation si palpable au sein de l’opinion rend encore plus difficile la lutte d’opposition pour le changement politique dans le pays.
Gilchrist Olympio affirme que cette lutte conduite pendant plus de 20 ans n’a pas donné “les résultats escomptés”. Est-ce pour cela qu’il faut démissionner et aller collaborer avec le régime ? Ceux qui avaient cru en 1990 qu’il suffisait d’aller à la Conférence nationale pour qu’Eyadema leur donne le pouvoir sur un plateau d’argent répondront peut-être oui ; comme plus généralement tous ceux qui se sont jetés dans la bataille sur le tard sans conviction et attirés par l’odeur du pouvoir.
La CDPA-BT, quand à elle répond “Non” ! Si l’opposition togolaise n’a pas atteint l’objectif du changement démocratique, ce n’est pas parce qu’il serait impossible de réussir ; c’est parce que l’orientation politique imprimée à la lutte dès la fin de la Conférence nationale par le courant majoritaire de l’opposition est erronée.
Dans ces conditions, la position politique la plus correcte n’est pas d’abandonner sous prétexte que “le combat pour l’avènement de la démocratie et de l’Etat de droit… n’a pas atteint les résultats escomptés”. Et aller collaborer avec le régime dans l’intention illusoire de partager le pouvoir avec lui ! La position la plus correcte est de repréciser clairement l’objectif de la lutte d’opposition, de se donner une politique alternative d’opposition et de mieux s’organiser pour mieux poursuivre le combat pour la démocratie avec cohérence et détermination.
La CDPA-BT a déjà fait des propositions positives dans le sens de la définition et la conduite d’une politique alternative d’opposition. Ce n’est pas le moment de revenir sur ces propositions. Tous les leaders des partis du courant dominant de l’opposition le savent depuis longtemps. Gilchrist Olympio a mis le feu à la maison commune par sa décision défaitiste et l’esprit qui l’anime. Il est urgent de sauver les meubles.
C’est pourquoi la CDPA-BT demande à chaque opposant, à tous les opposants, à tous ceux qui croient encore dans un destin meilleur pour le Togo de se ressaisir. Le défaitisme et la collaboration avec le régime de dictature n’est pas l’horizon indépassable de la lutte d’opposition.
Fait à Lomé le 24 juin 2010.
Pour la CDPA-BT,
Le Premier Secrétaire
Prof. E. GU-KONU