Crise syrienne. Quand les démocraties fabriquent des monstres pour les gouverner

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En guise d’éditorial…

Quand les Africains ont eu à subir l’arrogance du président français Nicolas Sarkozy dans les crises ivoirienne et libyenne, nous croyions avoir touché le fond du délire de l’incompétence et de la bêtise humaine.

Avec la crise syrienne, on arrive presque à regretter Nicolas Sarkozy.

Avant d’aller bombarder en Côte d’Ivoire et en Libye, il a pour le moins pris la peine d’avoir l’aval des Nations Unies, allant jusqu’à convaincre les Africains à voter avec lui et convaincre les Russes et les Chinois de s’abstenir.

Le monde entier avait pris le président américain George Bush pour un fou sanguinaire, pour sa décision de se passer des Nations Unies pour aller détruire l’Irak et perdre 6000 militaires américains. Mais à la décharge de monsieur Bush, on peut lui concéder le fait qu’il n’avait pas de précédent d’une telle erreur monumentale de laquelle s’inspirer.

Bush croyait que lorsqu’on a plus d’armes que son ennemi, on le bat en guerre. Il ne savait pas que les guerres modernes ne se gagnent plus comme les anciennes guerres du XXème siècle, avec l’armistice et la reconnaissance du perdant de payer même les frais de guerre du gagnant. Bush ne savait pas que dans les guerres modernes, il n’est pas possible de savoir qui est le vrai vainqueur des guerres, mais on sait qui est le perdant, celui qui a pris l’initiative de la faire.

François Hollande, mûri de l’expérience de Bush et de Sarkozy, s’est finalement découvert une vocation : VA-T-EN GUERRE.

Depuis le premier jour des gesticulations, je me suis toujours dit : je vais aussi voir le miracle. Parce que je ne comprends pas et je continue de croire qu’ils n’iront pas jusqu’à la folie de déclencher une attaque contre la Syrie et ce, pour plusieurs raisons:

1) La Russie : Contrairement à la Côte d’Ivoire, à l’Irak, à la Libye où les Occidentaux ont détruit leurs propres amis, pour la première fois depuis le Vietnam, il faudra aller en guerre contre un protégé de la Russie. Il faudra déclencher la guerre contre un pays qui a signé les accords de défense commune avec la Russie. Et à ce jour, personne ne sait si la Russie est capable d’avoir le cynisme de signer de tels accords et de ne pas les appliquer lorsque la nécessité se présente.

2) La Russie : Plusieurs pays qui depuis la Libye  se sont retournés vers l’Axe Russie Chine pour les protéger de l’Occident sont en train d’observer quelle sera l’attitude de la Russie dans ce conflit. Et il faut être naïf de croire  que la Russie va accepter de perdre tout ce capital diplomatique construit avec difficulté depuis les années de honte du président Eltsine, qui croyait devoir plaire aux Occidentaux en les laissant bombarder la Serbie.

3) La Russie : La Syrie est la seule base militaire russe en Méditerranée. Au moment où on nous remplit les oreilles des 4 bateaux américains dans la zone, on oublie d’ajouter qu’en Syrie accostent en ce moment 40 bateaux de guerre russes. En cas de guerre, les 4 ne pourraient jamais faire le poids face aux 40. J’ai du mal à croire qu’ils seront aussi fous de faire leurs calculs d’aller bombarder la Syrie sans tenir compte de ce détail.

4) La Russie : On nous dit qu’ils vont bombarder des cibles en territoire syrien. A ce jour, personne ne connait les bases secrètes russes en Syrie. Et si la cible qu’on détruit et croyant être un centre de commandement d’Assad est en effet une base militaire russe ? Sommes-nous certains que cela sera suffisant d’avoir tiré de très loin pour ne pas recevoir des « orgues de Staline » sur l’origine des missiles ? Ah, j’oubliais : on nous annonce le départ d’une frégate française vers la Syrie pour protéger le bateau américain de la riposte russe.

Conséquences immédiates de la crise syrienne en Afrique

La Russie reste la clé pour calmer les ardeurs des fous furieux qui veulent attaquer la Syrie. L’intransigeance du président russe Poutine est en train de faire de lui le sauveur des pays démunis. En Afrique, plusieurs pays ont déjà tourné le dos à cet Occident capable de vous demander de vous désarmer, comme en Libye avant de venir vous assommer.

Hier 28/08/2013, par exemple, le Cameroun a signé avec l’armée russe de très nombreux accords en plus de ceux déjà signés auparavant.  L’agence d’information russe RIA Novosti qui nous fournit cette information, nous annonce aussi les accords pour les premières livraisons au Cameroun des  hélicoptères de combat MI-17 équipé de 1.500 kg de bombes, roquettes et canons disposés sous six points au-dessous et sur les côtés de l’hélicoptère.  Selon la même source, le Cameroun n’est pas le seul pays africain qui cherche la protection russe, avant, on a eu le Botswana, le Ghana et la Guinée Equatoriale et ils sont tous équipés des mêmes appareils.

Lorsque les prétendues démocraties poussent les pays faibles à chercher la protection de la Russie et de la Chine, c’est le symptôme d’un monde qui va mal et qui a pu générer de vrais monstres pour les administrer.  Lorsque le président américain Barack Obama nous annonce que le fait que le président syrien Assad a donné son accord à l’inspection des Nations Unies 3 jours après les faits était trop tard, c’est la preuve qu’il nous prend tous pour des cons, puisque les Etats-Unis ont donné leur accord pour faire arriver en Syrie le même jour d’une première délégation chargée de faire la lumière sur les mêmes accusations d’utilisation d’armes chimiques survenue 3 mois auparavant. Si 3 jours c’est trop tard, parce que Bachar el-Assad a pu effacer toutes les preuves, comment expliquer pour l’inspection des faits de 90 jours que l’ambassadrice américaine aux Nations Unies n’ait fait aucune objection ?

La vérité est plus triste. Observez bien qui sont les dirigeants qui sont les plus pressés d’aller bombarder la Syrie : ce sont ceux-là qui n’ont pas trouvé la moindre solution convaincante pour résorber le chômage dans leur pays, pour réduire le poids de la dette. Leur espoir est le cynisme d’aller tuer des gens ailleurs afin que leurs populations passent plus de temps à parler de la Syrie que des retraites, du chômage, de la dette etc.

Pourquoi la Russie est déjà en guerre

Les pseudo-experts se succèdent sur les médias occidentaux pour nous expliquer que la Russie ne va jamais entrer en guerre pour protéger la Syrie. Or la Russie est déjà en guerre. Une guerre n’est pas que militaire, mais aussi tout ce qui va avec, et le nerf de la guerre, c’est l’argent. Je conseille à tous ces experts du dimanche de lire l’interview que le vice-premier ministre syrien Qadri Jamil a donné au journal britannique Financial Times à la fin du mois de Juin.

Il explique pourquoi tous les embargos, le gel des avoirs syriens, la séquestration des comptes des opérations bancaires de la Syrie en Occident n’ont eu aucun effet. Il a alors donné 2 pistes de l’aide que le peuple syrien reçoit depuis 3 pays : Chine, Russie et Iran. D’un côté, les opérations ne se font plus en dollars, mais directement en monnaie chinoise, le Yuan. Ce qui évite à la Syrie les désagréments qu’on a connu en Côte d’Ivoire et en Libye. La deuxième piste est l’aide économique directe : la Syrie reçoit de ces 3 pays, chaque mois, beaucoup d’argent pour survivre et s’équiper.

Selon les propos du vice-ministre syrien, dans cette interview, la Syrie reçoit l’équivalent de 500 millions de dollars en livraison de pétrole chaque mois. Ce pétrole est consigné par les navires russes que jusqu’aujourd’hui, aucun de ceux qui montrent les muscles n’ont tenté de bloquer. La question qu’on ne peut s’empêcher de se poser est comment des experts peuvent-ils affirmer que la Russie n’aidera pas la Syrie, en cas d’attaque, si cette dernière est celle qui va lui livrer le pétrole gratuit chaque mois en bravant les navires de guerre occidentaux devant les côtes syriennes ?  Si ces pays qui montrent les muscles n’ont pas pu stopper ces navires russes, pourquoi auraient-ils plus de courage aujourd’hui de le faire ?

La guerre que les Etats-Unis avaient déclenchée contre le Vietnam s’est conclue à la faveur de ce dernier, parce que la Chine, secrètement, finançait le Vietnam. Et l’écroulement économique du Vietnam sur lequel avaient misé les stratèges de Washington, n’a pas eu lieu, d’où la perte des USA au Vietnam. A cela, il faut ajouter les centaines de milliers de militaires de l’armée populaire de Libération de  Mao qui ont aidé en secret leur voisin.

Aujourd’hui, le soutien économique n’est plus un secret, ce qui veut dire que la Syrie peut très bien tenir le coup à 3 ans de guerre avec l’Occident. Les talibans qui n’avaient pas d’armée forte ont pu tenir tête aux Américains, montrant par-là que la solution militaire était la plus catastrophique. Pourquoi pas la Syrie qui dispose, elle, d’une armée très forte ?  On peut donc imaginer que si les fous furieux vont déclencher la guerre contre la Syrie, nous n’aurons aucune déclaration officielle russe de soutien à l’armée  syrienne, mais avec l’expérience du Vietnam, on est en droit de penser qu’ils seront bien là, pour en profiter pour tester leurs nouvelles armes sur les systèmes militaires qu’Obama, Cameron et Hollande vont déployer dans la région.

Conclusion

Lorsqu’en 2003 Bush a décidé de mettre en pratique ses plans diaboliques de détruire l’Irak, tous les mouvements  de gauche se sont mobilisés sur la planète entière. Aujourd’hui, que c’est un membre actif du parti socialiste français et Président de la République qui décide d’aller répliquer Georges Bush, on est pour le moins surpris de la tiédeur des réactions  des mouvements de gauche qui avaient décrié le président américain. Où sont-ils ?

Comme le cynisme n’a pas de limite chez ces « démocrates », la première dame française qui avait disparu de tous les radars est comme par enchantement sortie pour nous parler des enfants syriens gazés par un méchant Bachar el-Assad. La dernière fois qu’on l’avait vue en public, c’était pour aller recevoir son trop facile bain de foule au Mali. On se demande si une Danièle Mitterrand serait à ce point cynique de participer au lynchage de Cuba en pleine Guerre Froide où il fallait obligatoirement faire le choix d’être d’un côté ou de l’autre.

On se rappelle un Chirac, capable de dire NON à Georges Bush et aujourd’hui, l’histoire a donné raison à ce président qui ne s’est pas fait manipuler par les médias qui étaient tous pour appuyer la décision de Washington.

Aujourd’hui, c’est le président français qui pousse Obama à faire la guerre. Ce dernier a donné 4 interviews en 4 jours pour dire qu’il ne veut pas aller en Syrie, qu’il n’a rien décidé etc. J’ai eu comme l’impression que ces interviews au fond étaient toutes destinées à François Hollande et David Cameron. Certains commentateurs et journalistes français et britanniques, comme Bourdin qui se vante de ne jamais diner avec les politiciens et qui sur les ondes de RMC du 27/08/2013 dit qu’il connait bien les Russes et suggère au président français d’être ferme et d’être intransigeant. C’est-à-dire que la France doit montrer les muscles  face à la Russie sur le plan militaire, que Monsieur Hollande doit sermonner et réprimander monsieur Poutine.

Je dis qu’ils ne seront pas aussi fous d’attaquer la Syrie. Et vous qu’en pensez-vous ?

Douala, le 29/08/2013

Jean-Paul Pougala

www.pougala.org

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