Parce que Blé Goudé n’est pas « n’importe qui » dans le paysage politique ivoirien, parce qu’il fait partie des leaders qui, jusqu’à cette triste date du 11 avril 2011, ont continué à mobiliser « les troupes » pour faire barrage à l’imposture de la coalition franco-onusienne dont le but ultime était d’imposer un certain Alassane Ouattara au peuple ivoirien. Parce que Blé Goudé est le leader incontesté des « jeunes patriotes » pro-Gbagbo…
Comment donc « ce » Blé Goudé, tout conscient qu’il est d’être « l’homme à abattre » d’un régime qui a juré d’avoir sa peau – régime auquel il a réussi, plus de deux ans durant, à échapper – a-t-il pu se faire arrêter et extrader dans des conditions tout aussi rocambolesques que faciles ? Pourquoi les autorités ghanéennes ne se sont-elles pas opposées – comme ce fut le cas du ministre Koné Katinan – à son extradition « immédiate » ? Autant de d’interrogations qui confortent ses « compagnons » d’hier – de la ‘’galaxie’’ patriotique – devenus, du coup, ses détracteurs dans la thèse du « deal ».
Blé Goudé aurait-t-il donc trahi ?
Cette question mérite que l’on s’y attarde et qu’au-delà même des passions. Que nous en faisions une analyse froide et objective. Non pas parce qu’il s’agit simplement de l’individu Blé Goudé, mais que cette énième arrestation d’un proche de Laurent Gbagbo a forcément un impact certain sur cette Côte d’Ivoire meurtrie, en quête de paix et de réconciliation.
Aussi, de peur de nous perdre dans des conjectures faciles et improductives, nous en tiendrons-nous aux faits, rien qu’aux faits. Quand bien même les partisans de la thèse du « deal Blé Goudé-Régime Ouattara » soulèvent dans leurs démonstrations, des suspicions légitimes, il est bon que chacun comprenne que jusqu’à ce que l’on ait les preuves irréfutables de « sa trahison », Blé Goudé bénéficie jusqu’ici – qu’on le veuille ou non – de « la présomption d’innocence ».
Règlements de comptes entre Blé Goudé et ses « camarades » ? « deal » entre lui et le régime d’Abidjan… ? Que faut-il retenir par-dessus-tout ? C’est qu’une fois de plus le processus de réconciliation national – saboté par une justice à vitesse variable – vient, une fois de plus, d’être mis à mal, aux yeux de l’opinion nationale et internationale.
Car comment des dirigeants qui disent rechercher la paix et la réconciliation, peuvent-ils ramer contre-courant de ce qu’ils disent rechercher ? Il y a là absolument un amalgame voulu, doublé d’une incompétence notoire et d’un manque de véritable vision politique des nouvelles autorités ivoiriennes pour la Côte d’Ivoire. Toute chose que nous nous empressons de dénoncer ici.
Une justice à vitesse variable. Une justice nationale et internationale qui – délibérément – ont décidé de ne punir que les partisans de Laurent Gbagbo, diabolisés à dessein. Pourtant nul ne peut soutenir – sauf s’il est animé d’une mauvaise foi – que le camp d’en face – celui d’Alassane Ouattara – est exempt de tout crime.
Alors, nous soutenons que, de deux choses, l’une : soit on applique – d’abord – la justice. Mais une justice équitable pour tous, appliquée dans toute la rigueur de la loi. Soit, on se réconcilie – ensuite – tout simplement en faisant en sorte de réunir tous les fils et filles de la, Côte d’Ivoire, autour de leur patrie commune. Pour que démarre enfin, le vrai jeu politique et s’installe une véritable démocratie, gages de tous les progrès, sociaux, économiques et culturels.
Malheureusement, nous sommes bien loin d’un tel schéma. Le régime de monsieur Ouattara peine visiblement à mettre en place les mécanismes d’un Etat démocratique et véritablement de Droit. Il n’y a pas quatre chemins pour trouver les causes de cet état de fait : on n’impose pas un dirigeant indigne à un peuple, pour ensuite le spolier et l’embastiller de concert avec ce dernier. Ni par la force, ni par des coups foireux.
Voilà, le mal de la Côte d’Ivoire. Voici ce qui devrait être et rester l’objet de la lutte, menée par l’opposition ivoirienne, c’est à dire l’ensemble de la ‘’galaxie’’ patriotique et le Front Populaire Ivoirien (FPI), au-delà même de ses querelles intestines et des ambitions individualistes, certes inévitables, mais qui ne doivent en aucun cas, constituer un frein à son élan dans la lutte pour la reconquête du pouvoir.
Cela, l’excellent Théophile Kouamouo, le relève de fort belle manière lorsqu’il affirme : « L’opposition ivoirienne, naturellement menée par le Front populaire ivoirien (FPI), est engagée dans un combat dont elle ne maîtrise absolument pas les échéances les plus importantes. Le vrai enjeu pour elle est de maintenir et de renforcer ses outils idéologiques structurants. Ce n’est pas pour rien que le régime travaille au corps à corps le FPI, flattant certains hiérarques, jetant d’autres en prison pour faire place nette et obtenir une entrée au gouvernement qui serait, pour le coup, une véritable trahison. Dans quelle mesure ce travail patient porte-t-il ses fruits, crée-t-il de mortelles suspicions et des ambitions inavouables, entrave-t-il les nécessaires pressions destinées à contraindre le pouvoir à laisser libre cours à une activité politique normale et contradictoire ? Qu’est-ce qui relève, dans la diaspora, de l’activisme de positionnement ou de «défoulement», et qu’est-ce qui participe à éclairer les consciences sur la nature réelle de la dictature ivoirienne, à rallier les alliés objectifs, à faire bouger les lignes chez les autres ? Ces questions sont incontournables ».
En tout état de cause, cette ‘’galaxie’’ patriotique doit s’interroger d’avantage : à qui profite ces divisions ? A qui profite ces bruits de traitrise qui l’agite et disperse inutilement ses forces ?
Marc Micael La Riposte