Or, il y a quelques jours, ce même régime, pour justifier son refus de transférer Simone Gbagbo, l’épouse de Laurent Gbagbo, déclarait au sortir d’un Conseil des ministres que : « les juridictions ivoiriennes sont aptes à la juger ». Mieux, que : « ces juridictions sont aujourd’hui à même de lui garantir un procès juste et équitable garantissant les droits de la défense ». Pourquoi ce flagrant deux poids deux mesures pour deux personnages pourtant poursuivies, pour les mêmes chefs d’accusations de crimes contre l’humanité ? Pourquoi ce triste désaveu ?
Parce que nous sommes bien ici, en face de bricoleurs. Nous sommes en présence d’un club d’amateurs politiques.., bref, nous faisons face à un groupe de personnes sans foi ni loi, n’ayant aucune vision glorieuse pour ce pays, la Côte d’Ivoire. Conséquence: Blé Goudé transféré à la CPI, la Côte d’Ivoire ne s’en portera pas mieux. Bien au contraire.
C’est sans doute, pour cette raison, qu’à l’annonce de la décision de transfèrement de ce dernier, certains ont vite fait de crier : « C’est fini pour la réconciliation » ; « Le régime enterre la réconciliation » ou de remarquer, enfin, que : « La réconciliation nationale est un échec ». Savent-ils seulement, ceux-là, que la réconciliation en Côte d’Ivoire n’a jamais existé que de nom ?
La réconciliation nationale telle que « goupillée », par le nouveau régime, n’est en fait qu’un habillage cosmétique ayant un double objectif : pour ce régime, il s’agit d’abord de donner à l’opinion internationale, mais surtout à ses soutiens étrangers, les gages de bonne foi. Ensuite, il s’agit pour lui de calmer les ardeurs de ceux qui, au sortir de la guerre post-électorale, avaient encore des velléités d’en découdre avec lui. Rien de plus. C’est pourquoi plusieurs années après cette crise, les observateurs objectifs s’accordent à dire que : « la réconciliation est au point mort ». D’ailleurs Alassane Ouattara et son clan, eux-mêmes, n’ont jamais cru en la réconciliation. Car on ne s’investit totalement et sincèrement que dans ce que l’on croit. En fait, la réconciliation n’a jamais eu son vrai son sens à leurs yeux. Pourquoi ne peuvent-ils pas croire en la réconciliation direz-vous ?
Simplement parce qu’ils sont conscients qu’ils ont posé des actes qu’ils savent quasiment inexcusables. Ils ont perpétrés des actes, les uns plus ignobles que les autres, des actes qu’eux-mêmes ne sauraient pardonner aux autres. Souvent, dans leurs délires, ils vont jusqu’à affirmer que Laurent Gbagbo est un « dictateur », un « tyran ». Sauf que lui, Laurent Gbagbo, contrairement à eux, n’a jamais brûlé un seul village ivoirien ; ni emprisonné à la pelle des centaines d’ivoiriens ; il n’a aucunement contraint à l’exil plusieurs milliers d’entre eux ; ni exproprié certains de leurs terres ; encore moins monté une rébellion-armée tribale, pour en faire une armée nationale ; Laurent Gbagbo n’a point forcé des ivoiriens à se réfugier sur leurs propres terres comme à l’ouest, comme à Nahibly…
Parce que ce régime n’a pas le courage de reconnaitre ses crimes, le courage de les regarder en face…, de les admettre. Il ne peut ni croire, encore moins, être artisan de la réconciliation. C’est aussi là que se trouve le drame ivoirien.
Ce drame débute avec la contestation des résultats de l’élection présidentielle de 2010. Deux camps ont été aux prises. Mais la compétition s’est terminée dans la douleur et la confusion. A ce jour, il subsiste encore de grosses zones d’ombres, qui donnent au camp, forcé à être perdant, de nourrir des doutes légitimes sur les résultats de ces élections. La course au pouvoir s’est achevée dans le sang, avec fracas, douleurs et gémissements…, avec le net sentiment pour un camp d’avoir été floué par son adversaire. Un adversaire, en complicité avec des forces étrangères, qui ne doit finalement sa victoire, qu’à la force sauvage et brutale. Naissent alors des ressentiments qui ne quitteront jamais plus certains. Dans le même temps, d’autres s’armeront d’esprit de revanche et de vengeance. De ces sentiments, les uns et les autres ne s’en sont jamais départis jusqu’à aujourd’hui. Ce qui nous amène à dire que la crise ivoirienne, est une crise qui transcende le temps. Car on ne peut sereinement envisager ce qui se déroule aujourd’hui ou qui se passera demain, sans avoir à l’esprit ce qui a été hier. Quatre ans plus tard, la crise ivoirienne reste entière. Le temps n’a eu sur elle, sur les ressentiments nés au départ de la crise post-électorale, aucun effet. Se demander si Alassane Ouattara a vraiment remporté l’élection de 2010, c’est aussi apporter une réponse à la question suivante : pourquoi Blé Goudé est-il aujourd’hui transféré à la CPI ?
La crise post-électorale a eu pour conséquence de semer dans le cœur de la plupart des ivoiriens, les graines de la haine. Les nouveaux arrivants, après et malgré une prise brutale et sanglante du pouvoir, avaient pourtant l’occasion de se rattraper. Malheureusement, ils n’ont pas été à la hauteur des attentes, ils n’ont pas été au rendez-vous du dépassement de soi, du sacrifice… Pire, ils sont descendus dans la poubelle de la chasse aux sorcières de la justice sélective, du tribalisme et du régionalisme…. Ils ne se sont jamais démarqués de leur haine viscérale, de leur désir de vengeance… Sinon, nous n’en serions pas là aujourd’hui, à parler de divisions en Côte d’Ivoire.
En fait, ils sont arrivés au pouvoir avec une feuille de route bien précise. Dans la forme : il s’agit de préserver une certaine image d’eux-mêmes. Une image très reluisante, en vue de rassurer leurs soutiens étrangers. Dans le fond, il s’agit de se venger contre leurs adversaires d’hier, ne leur laisser aucun répit, ne leur laisser aucun temps pour reprendre leur souffle et mieux s’organiser, il s’agit de tenir l’opposition en laisse, le temps de jouir d’un pouvoir immérité.
Résultat, ils n’ont fait que renforcer les ressentiments qui étaient déjà présents dès le début de la crise post-électorale. Le transfèrement de Blé Goudé, ce jeune leader d’opinion, doué d’une force de mobilisation exceptionnelle au sein de la jeunesse ivoirienne ; Blé Goudé, partisan de Laurent Gbagbo, celui qui aura visiblement donné du fil à retordre à ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir, mais aussi à leurs soutiens étrangers, participe à cet état de fait.
Ils sont donc plusieurs à avoir maintenant compris à quelle sorte de régime ils avaient affaire en Côte d’Ivoire. Ils sont plusieurs à soutenir qu’il faut agir dès à présent sinon la Côte d’Ivoire coure inéluctablement à sa perte. Ils ont certes raison. Mais avant, il faut se poser la question qui conditionnera les actions futures : sommes-nous des démocrates ou des partisans de la lutte armée ? Ce que nous savons, c’est que Laurent Gbagbo et ses amis, bien qu’étant des démocrates, ont pourtant réussi à faire « plier » le régime d’Houphouët Boigny.
Malgré tout, certains soutiendront, d’ailleurs comme la CDVR (commission dialogue vérité et réconciliation), pilotée par monsieur Charles Konan Banny, que : « les ivoiriens veulent de la réconciliation ». Nous leur répondront : les ivoiriens veulent vivre en paix, sans être humiliés, sans être spoliés de leurs biens, sans être opprimés… Nous leur rétorqueront que : ce ne sont pas les ivoiriens qui ont apporté la guerre en Côte d’Ivoire, mais des politiciens assoiffés de pouvoir. Les ivoiriens ne peuvent donc en aucun cas être les héritiers d’une guerre qu’ils n’ont pas provoqué. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils n’en n’ont pas gros sur le cœur.
Nous leur déclareront, à ces personnes qui prennent les ivoiriens pour des marionnettes, que chaque ivoirien, porte probablement en lui, son fardeau trop lourd, péniblement et patiemment. Il n’attend qu’une occasion espérée pour sen délester. Alors, il le fera certainement, d’une manière ou d’une autre. Prenons donc garde, le pire est à craindre.
Marc Micaèl La Riposte