Gros enjeu que ce procès Gbagbo, ouvert le 1er février à la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye. L’ex-président ivoirien, chassé du pouvoir en avril 2011 par l’armée française soutenue par l’ONU – après une défaite électorale qu’il contestait -, est accusé de crimes contre l’humanité. A savoir, la répression de deux manifestations d’opposants, le bombardement du marché d’Abobo et le massacre de Yopougon. Tous perpétrés dans des quartiers d’Abidjan et qui se sont soldés par plus de 160 morts.
Même si sa responsabilité directe est reconnue – Gbagbo la nie et a plaidé non coupable -, la CPI n’aura pas la paix. Depuis près de cinq ans, elle assure que lumière et justice seront faites sur les massacres postélectoraux qui ont causé la mort de 3000 Ivoiriens. Or son action se révèle sélective. La très contestée procureure Fatou Bensouda (ex-garde des Sceaux du dictateur gambien Yahya Jammeh) n’a enquêté que sur les exactions des partisans de Gbagbo, nullement sur celles du camp Ouattara, l’actuel président ivoirien.
Plusieurs ONG – Amnesty International, Human Rights Watch – et l’ONU elle-même ont pourtant dénoncé des horreurs équivalentes, en face. Commises notamment par les « comzones », ces chefs de guerre qui ont, entre autres, mis la moitié nord du pays en coupe réglée durant dix ans. Pas un n’a, pour l’instant, été inquiété. La CPI risque donc de continuer d’être accusé de rendre « une justice des vainqueurs » et même de « Blancs » : à ce jour, les huit enquêtes qu’elle a ouvertes ne touchent que des Africains.
Le pouvoir d’Abidjan risque gros – lui aussi – dans ce procès. Des révélations trop poussées saperaient sa légitimité. Mais leur passage par profits et pertes lui infligerait une image d’impunité… Et la France n’échappera pas non plus à l’examen de conscience. Outre l’appui militaire décisif de Sarko à Ouattara en 2011, Paris a nourri l’enquête de la procureure en lui fournissant des documents saisis lors de l’assaut. Et en protégeant des proches de l’actuel président, très impliqués dans le conflit. Exemple tout récent, le patron de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, également acteur du putsch de 2002 et de celui de septembre 2015 au Burkina …
Ce n’est pas Jean-Pierre Mignard, avocat de Ouattara et conseiller de Hollande, qui protestera…
Canard enchaîné
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