Conflit foncier entre Bafilo et Kara : La vérité !

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La publication du tendancieux et haineux article de LA DÉPÊCHE, le 16 juin dernier, a permis à de nombreux lecteurs de découvrir un des nombreux conflits fonciers qui existent entre les Kabyès et les Kotokoli ( TÉM ).
Certes, ces conflits ne datent pas d’aujourd’hui, même s’ils se sont aggravés avec l’avènement du général Eyadèma au pouvoir. Afin de vous donner une idée encore  plus précise sur ce conflit foncier, véritable bombe à retardement entre Bafilo et Kara, lisez plutôt ces deux articles publiés deux mois avant la fracassante sortie de LA DÉPÊCHE. En fait cette sortie même si elle a suscité des réactions à la mesure de l’arrogance et de l’ignorance du signataire de l’article, a permis de rendre public cette injustice. À partir de maintenant, nous tenterons de rétablir la vérité des faits à travers des publications fouillées et documentées, comme ces deux articles qui suivent. Puis, nous rechercherons la justice!   
 

EXPLOSIF SUR UN SECRET DE POLICHINELLE: ENFIN LE LITIGE ENTRE KARA ET BAFILO SUR LE TAPIS

Une des visites du chef de l’Etat dans la Kara, ces derniers temps, a été l’occasion pour mettre sur le tapis un différend foncier latent depuis des décennies. L’actuel chef canton d’Awendjaliou, se plaignant de ce que les populations de Bafilo vendaient les terrains jusqu’à la lisière des habitations de son canton, a convoqué son homologue de Bafilo devant le gouvernement. A son inquiétude, le chef canton de Bafilo a répondu qu’il n’y a pas de débats possibles entre son canton et celui d’Awendjaliou. Il est allé plus loin en déclarant que la limite entre Bafilo et Kara n’est pas Awendjaliou mais le fleuve Kara.

En effet, une plainte du chef canton d’Awendjaliou a réuni au palais des congrès de Kara une forte délégation dont les membres du gouvernement. Le chef canton de Bafilo était convoqué à répondre des plaintes de son homologue,  chef du canton voisin d’Awendjaliou, localité située à 5 Km au Nord de Bafilo. En dehors du chef canton de Bafilo et sa suite, un hélicoptère a été expressément envoyé chercher des cadres de la préfecture. Des sources bien informées ont donné les noms de MM. Bandifoh, Atti Atcha Tchagouni, tous deux anciens ministres,  de l’élue de Bafilo Mme Adjara et du D.G. DARO de la B.T.D. La version du plaignant était que les populations du canton voisin empiétaient sur ‘’ses terres’’ par des ventes. La réponse de la partie accusée a été sans appel. « La limite territoriale de Bafilo est le fleuve Kara et non Awendjaliou ». Le Général Nabédé, frère au chef canton accusateur, n’a pas caché sa colère quand l’accusé a fait ces révélations. Il a fallu la diplomatie et la sagesse du ministre Bodjona pour calmer le jeu. Ce dernier, a rendu compte au Chef de l’Etat. C’est ainsi que ce dernier, en personne, sans doute étonné, a fait le déplacement du palais des congrès pour écouter, de lui-même, ce qui se disait. Mais sa présence n’a rien diminué aux propos de l’accusé, qui a réitéré son discours. En bon responsable, le chef de l’Etat a pris la mesure du problème et l’a confié à une cellule afin d’un règlement.

Commentaires

Ce problème n’est qu’un secret de polichinelle, un secret connu de tous. Loin de vouloir s’ériger en historiens, il faut tout de même rappeler que feu Djafalo Alidou, influent homme politique de la Kozah,
bien que très proche de feu Eyadema,  a toujours soutenu haut et fort que les terres au sud du fleuve Kara n’appartenaient pas à ses frères de Lama. Il avait toujours conseillé ceux-ci de ne jamais oser vendre ces terres dont les vrais propriétaires sont ailleurs.

L’histoire récente enseigne que les déboires de feu El-hadj Souley, ancien chef canton de Lama, avaient pour racine ce problème de terre au sud du fleuve Kara. Alors que les gens de Pya réclamaient une partie de ces  terres que les populations de Lama aussi s’étaient appropriées, le défunt chef a osé dire que ces terres n’appartenaient ni aux gens de Lama moins encore à ceux de Pya. Les vrais propriétaires étant à  Bafilo. Cette audace a mis feu Eyadema dans
tous ses états. Elle a valu au défunt chef  une descente aux enfers. Il finira par perdre le trône de son vivant.

Un litige foncier  dans un autre

En 1984 plusieurs foyers ont été délogés et les habitations démolies. Ces habitations étaient sur les aires situées dans les environs de la gendarmerie nationale de Kara. La raison était que ce sont les gens de Lama qui ont vendu ces terres aux occupants alors qu’elles sont
réclamées par  ceux de Pya.

Vers la fin des années 90, on se rappelle  que feu Ernest Gnassingbé, à l’époque tout puissant décideur à Kara, venait occuper de vastes terres à Kara-Sud dans le même secteur. Il y faisait construire des bornes le jour mais la nuit des jeunes de Lama venaient démolir. La tension montait entre Pya et Lama. Ainsi, le 18 avril 2001 au matin, c’est au vu et au su de tout le monde qu’un hélicoptère faisait la ronde au dessus du quartier Adjambisa pendant qu’un bulldozer démolissait plus de 360 habitations. Ledit quartier est situé juste derrière l’actuelle Station Service Texaco de Kara-Sud.  Avant cela, le Commandant de Brigade (CB), le préfet Pepayata, le commissaire Assih et le juge Bokaname de kara, étaient chargés de faire évacuer les lieux. La raison était que les terrains ont été vendus par les gens de Lama alors que ceux de Pya s’estimaient propriétaires. Donc l’ordre était venu d’en haut. Malgré les démarches faites par les occupants pour éviter cette situation, toutes les maisons ont été détruites. Ceux qui n’ont pas cru aux menaces et avertissements ont été surpris. Certains  étaient en train de décoiffer leurs maisons et de récupérer ce qui pouvait être récupéré,  pendant que les bulldozers démolissaient en venant. Certains étaient morts des suites de ces démolitions sans contrepartie. Les habitations ont été détruites sous la supervision du juge Pokaname, du préfet Pepayata, du commissaire Assih et du CB de l’époque. Toutes les démarches préalablement faites auprès de ces responsables par les occupants, se sont soldées par un échec.

Chacun d’eux a soutenu que le problème dépassait ses compétences, ils avaient seulement reçu l’ordre de faire évacuer. Dès que les premières menaces ont commencé, une délégation des occupants est allée rencontrer feu  Kifalang  Baka, Maire de la ville de Kara à l’époque. Mais il a dit qu’il n’avait pas compétence à leur interdire ou à leur autoriser de construire. Mais tôt ou tard ils quitteront à cause de la raison du plus fort.  Il a poursuivi qu’  « il est inconcevable que les gens de Pya viennent jusqu’à Kara-Sud partager des terres avec ceux de Lama qui eux aussi ne sont même  pas propriétaires ».

Une démolition dont nous parlions tantôt a été accompagnée  des arrestations

Certains de ceux qui ont vendu ou donné ces terres aux occupants  et des responsables de l’Association AVICA ont été envoyés en prison. AVICA est l’Association des Victimes de la Casse du quartier d’Adjambisa. Une association mise en place par les victimes pour réclamer réparation. Le sujet a tellement fait des dégâts que, d’après nos sources, cette association, officiellement enregistrée, est venue faire une déposition à la CVJR. Pendent que le litige entre Lama et Pya faisait ainsi des dégâts,  les gens de Bafilo observaient de loin. On se rappelle aussi, que du vivant de feu Iratéyi, ancien Chef Canton de Bafilo, la borne qui limitait Kara à Bafilo, malgré qu’elle soit placée en toute violation des réalités, était  de temps en temps déplacée vers Bafilo. Donc au détriment de Bafilo et à l’avantage de l’autre camp. Ainsi, les populations de Bafilo ne pouvant passupporter cet état de chose, la faisait tout simplement disparaître.

Cette borne a fini par être implantée juste à côté d’une habitation de façon à ce qu’elle soit surveillée.  Dans ce contexte, un différend a éclaté et feu Eyadema a voulu ‘’mettre les choses au clair’’ en envoyant une forte délégation d’officiels sur les lieux. Le but  était que la délégation se rende sur les lieux sujets au conflit afin que les deux parties montrent clairement où se limite Bafilo et où commence Kara. Le défunt chef,  Iratéyi, convaincu que les gens de Kara n’avaient pas de terrain du côté sud du fleuve Kara, a gardé le sang-froid.  Il a quitté son vestibule et s’est rendu sur les  lieux avec sa délégation.

Plutôt que de participer à délimiter le terrain, il demande à tout le monde présent de venir avec lui. Le convoi prend la direction de la ville de Bafilo avec les délégations. Arrivé à Bafilo, dans sa propre cour royale au quartier Tchon-woro, le vieux Iratéyi  demande aux délégations de s’immobiliser. Tout le monde descend des voitures. Le chef avance vers le mât de son drapeau, les yeux tournés vers Kara et déclare:

«Implantez la borne ici. Ce n’est pas Awendjaliou, c’est plutôt ici dans ma cour  que  commence Kara, prenez tout. Ceux parmi nous qui n’auront pas de terres iront vivre dans la montagne». Le chef a donc
refusé de s’associer à un débat qui n’existe que parce que les forces en présence étaient disproportionnées. Il est alors retourné tranquillement à la maison.

Le mot Awendjaliou n’est pas un mot kabyè, mais un vocable kotokoli qui signifie le lieu où les  chevaux se retrouvent en grand nombre. Awendja,  veut dire en Kotokoli les chevaux.

Feu Atti Atcha Ayènè, délégué d’Assoli à la Conférence Nationale, avait réclamé ces terres. Il a brandi une lettre de reconnaissance de la propriété foncière desdites terres.

Revenons pour dire que cette façon ironique de la part du chef Iratéyi avait cloué le bec à tout le monde et  personne n’est plus revenu à lui pour ce problème. Aujourd’hui, il s’est éteint mais son
fils réitère son courage quand l’occasion lui a été offerte. C’est un litige qui crée des mécontents à chaque instant. Mais les forces en présence étant inégales, les mécontentements sont toujours noyés dans un bruyant silence. Les derniers remous en date tournent au tour  de la revente des terres acquises à Kara-Sud depuis des années.

En effet, présentement, des gens qui se réclament propriétaires des terres de Kara-Sud et qui, fort de ce manteau ont vendu ces terres à des populations depuis des années, sont en train de les revendre.

Alors que les gens y ont déjà construit, ceux qui ont acquis un lot par exemple à trois cent ou quatre cent mille francs au départ sont présentement en train de payer un million supplémentaire.  Ceux qui
ont deux lots auront à verser deux millions, c’est-à-dire un million supplémentaire  par lot. Soit vous payez ou alors on divise votre terrain par deux et on vend à quelqu’un d’autre. C’est ce qui se passe
présentement à Kara-Sud. Ceux qui n’ont pas de moyens pour payer en même temps sont en train de le faire par tranches. Les gens murmurent mais personne ne peut rien dire. Les autres communautés sont obligées de l’accepter. Mais les ressortissants de Bafilo, majoritaires dans les occupants de ces lieux, devant cette ironie de la situation,  ne cachent pas leur désapprobation du fait qu’on leur revende à plusieurs reprises leurs propres terres.

La plupart de ceux dont les habitations ont d’ailleurs été démolies sont majoritairement
de Bafilo.

Le fait que Faure Gnassingbé se déplace pour écouter de lui-même le discours que tenait le régent de Bafilo est la preuve qu’il n’avait pas connaissance de cette triste réalité. Nous estimons qu’il en est
désormais conscient et que de façon impartiale ce tort sera redressé.

Actuellement, devant cette situation, sans doute embarrassante, l’autorité peut envisager plusieurs options :

Soit reconnaître le droit des vrais propriétaires, ceux de Bafilo, et trouver une formule pour que la situation ne soulève pas les vagues afin que les deux peuples vivent toujours en paix.

Soit corrompre les leaders de Bafilo pour qu’ils taisent ce problème. Ce qui serait impossible car, même si les cadres sont forcés de se taire, les terres n’appartiennent pas à une seule famille de Bafilo. Aussi, tôt ou tard, le mal refera surface. Ce sont des clans qui se partagent cette propriété. En plus, malgré que Bafilo soit un milieu fortement islamisé, des familles n’excluent pas un recours à des pratiques anciennes pour  trouver les vrais propriétaires. Ce qui est
un risque car, en tout temps et en tout lieu,  des cérémonies pour départager des communautés sur des conflits fonciers ont toujours abouti à des dégâts, surtout des pertes en vies humaines, dans le rang de ceux qui ont triché.

Soit encore l’autorité peut continuer dans la logique du plus fort  en tranchant en faveur de Kara.
Ou enfin jouer sur le temps de façon à ce que les gens de Kara continuent d’en tirer profit de la situation aussi longtemps qu’ils seront en position de force.
Il faut que l’autorité compétente, qui a finalement pris la mesure de la situation s’y investisse sérieusement. Ceci afin que ces deux peuples, qui ont toujours vécus ensemble,  entretiennent  des
relations basées sur la justice. Que les mécontentements et frustrations cessent de se compiler au détriment de la paix sociale.

Il ne faut pas aussi que par cette façon anarchique de spolier autrui, une vile tradition s’instaure au Togo. Autrement, les terres dans différentes régions du pays changeront désormais de propriétaires selon que la force ou le pouvoir appartienne à tel ou tel camp. Dans ce cas, le jour où les Tchokossi, par exemple,  seront au pouvoir, ils viendront s’approprier les terres akposso. Et quand arrivera le tour des Ana ils réclameront des terres à Sinkassé. Les problèmes de terres il y en a partout au Togo mais ce cas est trop flagrant. Nous comptons sur le sens de responsabilité et d’équité des autorités pour que tous les Togolais se sentent chez eux. Pour terminer, au nom de la justice, de l’équité et de la réconciliation tant prônée, nous estimons qu’il est du devoir de l’autorité compétente d’arrêter l’actuelle revente forcée des terres déjà occupées par des habitations à Kara-Sud.

Ceci en attendant qu’une solution soit trouvée. Nous y reviendrons.

Abi-Alfa JOURNAL LE RENDEZ-VOUS N°157 DU 03 MARS 2011

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