Bien avant l’ouverture officielle de la campagne pour l’élection présidentielle du 28 février 2010 au Togo, les leaders et les militants des partis de l’opposition et ceux du parti au pouvoir se relaient dans l’organisation des manifestations de rue. Si l’animation qui règne dans les deux camps à travers l’expression de leurs points de vue sur le mode de scrutin en vigueur est à saluer en ce sens qu’elle peut être source de débats pouvant être enrichissants, il convient cependant de déplorer le choix de la rue par les organisateurs comme cadre privilégié pour l’étalage de leur désaccord.
Car, autant les uns ont le droit de revendiquer le retour au scrutin à deux tours, autant les autres qui veulent le maintien du vote à un tour doivent savoir trouver des voies de recours plus républicaines et plus honorables.
Et en la matière, le dialogue entre gouvernants et opposants déjà entamé à Ouagadougou, même s’il n’a pas encore porté tous les fruits escomptés, pourrait permettre de faire une économie utile des marches répétées dont les résultats sont des répressions qui se terminent le plus souvent dans des bains de sang. La systématisation de l’instrumentalisation des populations à des fins politiques frise le ridicule, et dans le cas togolais elle se caractérise par une indécence diplomatique, car les deux parties étaient renvoyées à Lomé par le facilitateur aux fins de concertations internes avant la prochaine rencontre de Ouagadougou. Leur comportement donne l’impression que la terre togolaise est comme frappée d’une espèce de malédiction, qui veut qu’à tous les événements importants de la vie de la République, les démons de la répression réapparaissent.
Les clichés des scènes d’extrême brutalité qu’ont vécues les opposants de l’ère Eyadéma sont encore présents dans les esprits qu’elles ont négativement marqués à cause de leur caractère sanguinaire. Et les prochaines semaines au Togo s’annoncent chaudes, car les opposants, sûrs de remporter l’élection si elle est organisée en deux phases, n’ont pas l’air de vouloir lâcher prise, allant jusqu’à menacer de la boycotter au cas où on n’accéderait pas à leur requête. Quand on sait ce que Faure Gnassingbé, marchant droit dans les pas de son feu président de père, a déjà posé comme actes juridiquement répréhensibles qui l’ont conduit au pouvoir, il est aisé d’entrevoir de sa part un durcissement de ton, dût-il emprunter, pour ce faire, à son ascendant et prédécesseur ses réflexes du tout répressif. Et il est même à craindre qu’il n’y associe la méthode ivoirienne en remettant aux calendes togolaises la tenue du scrutin en attendant de réunir toutes les conditions nécessaires à sa réélection.
Honoré OUEDRAOGO