Au moment où le Président Ouattara reçoit l’Internationale Libérale en Côte d’Ivoire, venue célébrer les succès de son régime nous dit-on, de nombreux observateurs s’interrogent, et sur toutes les langues, une question se pose : Quelle est la réelle nature du régime Ouattara? Sans être exhaustif, retenons trente (30) points des principales politiques pratiques qui caractérisent le régime ivoirien actuel.
1- Une grande insécurité qui n’arrive pas à être résorbée et qui, au contraire, augmente et met en péril tous les milieux d’affaires;
2- Une présence militaire et paramilitaire oppressante dans les rues et une marginalisation des corps de police et de gendarmerie alors que les populations sont abandonnées au racket d’hommes armés, qu’elles doivent accepter les barrages, et les fouilles à répétition qui prennent des allures de tracasseries;
3- Des violations constantes des droits de la propriété individuelle caractérisées par des vols à main armée, braquages des honnêtes gens, expropriations de maisons par des amis du régime, de terrains urbains, d’entreprises, de véhicules, appropriations autoritaires de forêts classées par des bandes armées proches du pouvoir;
4- Des violations répétées de la loi fondamentale sur laquelle le président de la République lui même, qui va ouvrir le congrès de l’Internationale Libérale, a prêté serment, notamment par des nominations anticonstitutionnelles à la tête de grandes institutions de l’Etat, (Conseil constitutionnel, Conseil économique et social, Assemblée nationale) et la prise d’ordonnances illégales qui lui permettent de se passer de son parlement dans lequel il n’y a pourtant aucune opposition;
5- Une non-dénonciation de l’environnement juridique qui donne la propriété de la terre à l’Etat et qui maintient un régime foncier archaïque, déconnecté des besoins et attentes réelles, en interdisant par exemple aux populations d’avoir le choix de vendre leur terre à des acquéreurs suivant les simples principes du libre échange;
6- Une gestion patrimoniale de l’Etat avec un gouvernement de quarante (40) ministères dont au moins quatre (4) sont délégués à la présidence de la République ;
7- De nombreux membres de la famille du président de la République impliqués dans la gestion directe des affaires de l’Etat ;
8- Un président de la République, également chef suprême des armées, qui ferme pourtant les yeux sur des violences perpétrées par les forces de défense nationales et leurs mercenaires supplétifs dans différentes villes et régions du pays, notamment à Duékoué, Sikensi, Yopougon, Azaguié, Arrah, Abidjan;
9- Une vengeance justicière qui se caractérise par une traque acharnée des militants de l’ancien régime et des personnes supposées proches. Traque confirmée par de nombreuses organisations internationales (HCR, ONU, Amnesty International, International Crisis Group, Human Rights Watch) ;
10- Une justice inéquitable aux ordres des puissants dont l’inefficacité est confirmée par l’indice de la liberté économique que ce soit celui de Heritage Foundation de Washington ou celui réalisé par l’institut canadien Fraser et qui donnent une note de 3,2 sur 10 à la Côte d’Ivoire en 2012;
11- Un manque de responsabilité du pouvoir et un déni de justice par le Président de la République qui refuse d’y soumettre les coupables de crimes de guerre, de crimes de sang et de crimes contre l’humanité issus de ses propres rangs ;
12- Une promotion des anciens Com’Zones (Chefs de guerre de l’ancienne rébellion 2002-2011) à des grades supérieurs dans l’armée et dans l’administration civile, même si leur formation est en inéquation totale avec les compétences exigées par ces postes;
13- Un recrutement ethnique marqué dans l’administration publique et les entreprises du grand secteur public avec des nominations autoritaires, hors concours, sans aucun critère de compétence, pour répondre à la volonté affirmée de «rattrapage ethnique» promue par le président le la République comme méthode de bonne gouvernance ;
14- Une décentralisation dénaturée qui consiste plus en une déconcentration administrative de l’Etat qu’en une réelle volonté de subsidiarité ;
15- Des accords et traités internationaux signés dans une opacité totale. Les Ivoiriens n’ont, par exemple, toujours aucune information sur les derniers accords de défense signés avec la France ni sur le coût effectif du troisième pont à Abidjan dont la construction a été attribuée sans appel d’offre international;
16- Un contrôle des changes aux frontières alors que le gouvernement prétend que nous sommes dans une zone monétaire qui autorise la libre convertibilité de la monnaie locale;
17- Des prix administrés et fixés par l’Etat, notamment dans les filières agricoles du cacao, du café, de l’anacarde, du coton…;
18- Un contrôle direct de l’Etat dans la gestion et la commercialisation des produits agricoles de rente tel le cacao à l’exclusion des paysans producteurs qui sont parmi les populations les plus pauvres et les plus vulnérables du pays;
19- Une violation constante et impunie du Code des Marchés Publics. De grands marchés ont été octroyés à des proches du régime ou des entreprises sélectionnées sans appel d’offre, en dehors des règles de libre concurrence et dans un cadre de corruption manifeste (réhabilitations des universités et des prisons, confection des tenues des Forces Républicaines, lampes dites à économie d’énergie, etc.);
20- Des connivences avec des entreprises dont les monopoles sont protégés par l’Etat notamment dans les secteurs de la distribution de l’eau, de l’électricité, de la télévision, de la télécommunication;
21- Des licences d’importation et des quotas sur des produits de première nécessité et de grandes consommations, dont le riz, par exemple, réservés à des proches du pouvoir;
22- Un hyper-réendettement en désordre de l’Etat alors que le pays est sous perfusion PPTE et que les gaspillages des ressources publiques sont monnaies courantes;
23- Une augmentation sans justification et sans mesure transitoire des prélèvements obligatoires pour le financement de la retraite imposée par l’Etat au dépens des générations futures;
24- Des entraves fréquentes aux activités de la société civile que le gouvernement voudrait étouffer;
25- Des médias publics aux ordres, marginalisant les opposants au pouvoir et filtrant les communications de la société civile;
26- Une presse d’opposition régulièrement muselée et censurée même si celleci n’est pas exempte de critiques;
27- Un nombre important d’exilés et de refugiés dans les pays voisins qui justifie, pour la première fois dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, un vote massif par les pieds de nombreuses populations apeurées et craignant pour leur vies face aux pratiques du régime;
28- Des étudiants sombrant dans les années blanches, soumis à des orientations autoritaires vers des filières choisies par l’Etat et non par les familles et à l’inefficacité de l’administration universitaire qui rend cauchemardesque, voire impossible pour beaucoup, leurs formalités d’inscription dans des facultés gardées par des hommes armés à la solde du régime;
29- Des partis d’opposition laissés en marge de l’activité politique sans statut ni financement, alors que les partis au pouvoir se financent grassement sur fonds publics;
30- Un cadre électoral déterminé autoritairement par l’Etat sans consensus et qui se manifeste par un redécoupage électoral arbitraire avantageant le parti du président de la République, une Commission Electorale prétendue Indépendante fortement déséquilibrée avec la présence de militaires alors que le chef de l’Etat est aussi le ministre de la défense, le chef supérieur des armées et le président du Conseil Supérieur de la Magistrature.
L’énumération de ce chapelet de trente mesures entre des centaines d’autres qui sont souvent évoquées ici, devrait aisément permettre à chacun de trouver un qualificatif adéquat au régime ivoirien actuel. Devinette : de quoi le régime Ouattara est-il donc le nom? Démocratie libérale? Tyrannie? Dictature?
A chacun son choix.
Prof. Mamadou Koulibaly
Président de LIDER
Membre de la Société du Mont Pèlerin