La sous-région ouest-africaine est secouée par une grave instabilité politique et militaire. Si le Mali a perdu son nord suite à l’occupation des rebelles touaregs et des islamistes du mouvement Ansar-Dine, la Guinée-Bissau est confrontée à un coup d’Etat militaire qui a paralysé le processus électoral. Lequel devait s’achever par le second tour de l’élection présidentielle du mois d’avril. Face à cette situation inacceptable, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a pris deux mesures pour montrer son autorité : Rétablir l’ordre constitutionnel en Guinée-Bissau et au Mali, dans un premier temps. Puis, le régime de transition installé au Mali, aider ce pays à reconstituer son intégrité territoriale. Pour y parvenir, les Etats de la Cedeao ont décidé de passer à l’action avec le déploiement immédiat d’une force armée africaine au Mali et en Guinée-Bissau. Dans ce dernier pays, il s’agit d’une force de 600 hommes tandis que dans celui de Soundjata Keïta, ce sont 3000 soldats qui doivent être déployés. Forces de la Cedeao ? Déjà, nous imaginons rire sous cape nos confrères Amadou Mbaye Loum de la Rts et Alassane Samba Diop de la Rfm. En effet, en compagnie de votre serviteur, ces deux reporters de guerre ont vécu la débâcle des forces militaires de la Cedeao en Guinée-Bissau lors de l’opération Gabou en 1998.
Cette année-là, rappelons-le, la Guinée-Bissau était confrontée à une mutinerie de l’Armée dirigée par le général Ansumane Mané suite à une tentative de coup d’Etat contre le président Joao Bernardo Vieira. Pour mater cette rébellion et sauver le pays du chaos, des forces sénégalaises se sont déployées en Bissau dans le cadre de l’opération « Gabou ». Sous le commandement du colonel Abdoulaye Fall (actuel Cemga), puis du colonel Yoro Koné, les troupes sénégalaises avaient chassé les mutins de la capitale, Bissau, avant de les poursuivre jusqu’à l’aéroport de Bra où ils s’étaient retranchés. L’ordre constitutionnel fut ainsi rétabli et le président Joao Bernardo Vieïra dit Nino réinstallé dans ses fonctions de chef de l’Etat. Et ce bien que la situation fût précaire dans la zone occupée par les rebelles du général Ansumane Mané. « Attendons le départ des Sénégalais pour obtenir ce que nous voulons » ne cessait de déclarer le chef rebelle à ses hommes. Au niveau de la Cedeao, les négociations de sortie de crise ne pouvaient continuer sans le retrait des troupes sénégalaises de Bissau. Un retrait qui était une exigence des mutins soutenus diplomatiquement par le Portugal et les pays de la Cplp (Communauté des pays de langue portugaise), une sorte de Francophonie des lusophones. A la suite de ces pressions, un accord de cessez-le-feu prévoyant le retrait des troupes étrangères à savoir le Sénégal et la Guinée Conakry fut signé. Ensuite, une force d’interposition de la Cedeao composée du Mali, du Togo et du Bénin fut déployée. Pour respecter ces accords, le Sénégal a retiré ses troupes de Bissau laissant ainsi le théâtre des opérations aux forces de la Cedeao.
Seulement, deux semaines après le départ des hommes de Yoro Koné et d’Abdoulaye Fall, les mutins du général Ansumane Mané ont pris le pouvoir sans coup férir après avoir chassé les forces de la Cedeao commandées par un colonel togolais. De ce fait, le président Joao Bernardo Vieira était obligé de prendre la fuite. Une honte pour le contingent communautaire ! Et surtout pour une Armée composée de six pays dont les uns ont dit avoir donné leurs unités… d’élite.
14 ans après cette déroute des forces armées de la Cedeao, on reprend les mêmes et l’on recommence. Cette fois-ci, la Cedeao compte s’engager sur deux fronts : Le Mali et la Guinée-Bissau. Faut-il en rire ou en pleurer ? En pleurer ! Pourquoi ? Prenez note ! Spécialiste des questions militaires, « Le Témoin » est en mesure d’avancer que le déploiement d’une éventuelle force de la Cedeao dans le nord du Mali est déjà voué à l’échec ! Un enlisement voire une débâcle militaire programmée pour toute armée africaine qui participerait à cette expédition sous la bannière de la Cedeao. Y compris notre vaillante armée sénégalaise bien sûr ! Et ce bien qu’elle soit une armée de métier ayant fait ses preuves partout dans le monde. Car, le Nord du Mali c’est une autre affaire. En effet, ce sera une guerre en plein désert où la Cedeao n’a pas de capacités de projection militaires pour faire face aux Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) épaulés par les islamistes du groupe Al-Qaida. Et surtout dans un désert qui s’étend sur 1.500 km, c’est-à-dire non seulement à perte de vue, mais aussi à l’infini…
Pape NDIAYE
Le Témoin N° 1081 –Hebdomadaire Sénégalais (MAI 2011)