Ce ne sont pas les armées africaines qui sont nulles mais les journalistes français

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Béchir Ben Yahmed et Jeune Afrique : la vieillesse est cruelle !

 

On ne peut passer sous silence les dernières bêtises formulées et par l’hebdomadaire Jeune Afrique, et par son patron Béchir Ben Yahmed, « BBY » pour ses employés.

Commençons par ce dernier qui, dans l’édito du numéro paru samedi dernier, 8 décembre 2012, répète pour ceux qui le  lisent encore, que le décollage économique de l’Afrique subsaharienne est une farce. « Le Nigeria est-il en train de décoller ? » demande-t-il à l’appui de ses dires. « Et l’Ethiopie ? Et le Soudan ? Et, surtout, l’Afrique du Sud ? ». Bref, pour lui, les principaux pays « nègres » manquent à l’appel du décollage et celui-ci n’existe donc pas. Sauf bien sûr la nouvelle Côte d’Ivoire, managée par son copain Ouattara qui n’a comme seul inconvénient d’être meilleur économiste que policier. Je ne mens pas, cet argument a été au cœur de l’éditorial de François Soudan, « la voix de son maître », dans le numéro précédent…

Voyez-vous et face à la véritable déferlante de chiffres contraires à ses vues, « BBY » maintient son analyse raciste et, ce, sans autre argument qu’une affirmation sans preuve : selon lui, l’Ethiopie, le Soudan, le Nigeria, l’Afrique du Sud n’auraient pas bougé d’un cil depuis des lustres. En fait,  depuis le départ des Blancs, car c’est cela que sous-entend le patron de Jeune Afrique qui voulut, un temps, embaucher Stephen Smith. Je le sais car il en parla en conférence de direction quand je travaillais encore pour lui, demandant si quelques uns d’entre nous le connaissaient. Il le trouvait vraiment épatant, cet ancien directeur du service international du quotidien Le Monde, ne fréquentant, tout comme « BBY », que les chefs d’Etat et les ministres africains « qui comptent ».

Ces illustres personnages, tout à fait dignes des plus compromis de nos prestigieux journaleux français, cul et chemise    avec les grands de ce monde et remplis de mépris envers la « piétaille », voire de racisme envers les « basanés », n’ont bien entendu jamais foulé les chemins poussiéreux de la brousse africaine où se passe l’évolution des contrées subsahariennes. Ils n’ont pas vu, comme moi, des filiales des crédits agricoles locaux fleurir dans les bourgs des zones rizicoles    africaines ni les tracteurs faire leur apparition dans celles où la récolte des fruits et celle des enclos de manioc se sont ajoutées à la culture traditionnelle des céréales tropicales. Ni au nouvel élevage subsaharien, non plus transhumants mais à la ferme, ajoutant ce revenu carné à ceux des autres diversifications…

Ils n’ont pas non plus vu les doubles récoltes des zones cotonnières, le maïs faisant son apparition du fait des engrais nécessités par le coton. Et qui, là encore, a multiplié le nombre des engins agricoles modernes. Ils n’ont pas vu l’extraordinaire envolée des banques à capitaux africains, remplaçant en moins de    10 ans des banques occidentales aussi méprisantes qu’eux et, de ce fait, délaissées par les riches autochtones. Ils n’ont même pas pris la peine de compter les multinationales de cette Afrique du Sud qu’ils voient périr, selon eux, sous la gouvernance « désastreuse » de syndicalistes soi-disant fous.

Ne voient-ils pas que la coupe est pleine. Et ne voient-ils pas, à Jeune Afrique, que leur mépris les coulent, qu’ils n’existeraient plus depuis belle lurette sans l’argent de Ouattaras de divers bords et sans la publicité des Occidentaux. Que leur diffusion n’existe plus ou pratiquement plus en Afrique    et que les rares lecteurs qui leur restent sont essentiellement français et/ou institutionnels ? Jamais sans doute l’acharnement d’un vieil homme contre des « Nègres » qu’il ne    comprend pas, qu’il ne veut pas comprendre, n’aura été si préjudiciable à l’image de marque de tout un continent ! Car ce journal reste encore, aux yeux des Blancs, une référence. Les Africains, eux, s’en sont détournés depuis longtemps mais les confrères de BBY aiment son langage tellement ils sont eux aussi méprisants. Personne ne l’attaque de ce côté ci de la Méditerranée. Et quand attaque il y a, essentiellement venant des Africains eux-mêmes, elle est vite enterrée sous un tombereau de silence glacé…

Il n’y a pas que le vieillard à raconter des bêtises. Il y a un mois environ, la rédaction de cet organe de presse  annonçait, sure de ses sources, que le Mali se préparait à reconquérir le nord du pays. « Bruit de bottes à Bamako », disaient ces journaleux. Pendant ce    temps, tout seul dans mon coin, sans enquêter autrement que sur le site de la CIA (un très bon site sur l’Afrique), je sortais un tableau des dépenses militaires des pays    africains et pouvais alors estimer les armes détenues par les rebelles en annonçant que le Mali n’avait pas les moyens de ses ambitions et qu’il lui fallait absolument l’aide des    Occidentaux : même la CEDEAO ne pouvait rien faire, ne disposant pas de l’armement suffisant. L’article fut publié dans New Africa en français mais  bien évidemment délaissé par mes confrères. Aujourd’hui, ces crétins de Jeune Afrique, se rendant compte de l’impossibilité de guerroyer dans laquelle se morfondent les Maliens, titrent    sur la « nullité » des armées africaines (subsahariennes, s’entend). Avec tout un tas d’argument à la mord moi le nœud dont le manque de moyens n’est qu’un parmi d’autres. A    croire que la jeune génération de journaleux recrutée à Jeune Afrique pour qu’ils coûtent moins cher que les plus anciens, poussés périodiquement et méchamment vers la sortie, a oublié    la victoire éclatante des forces d’Hissen Habré sur les chars de Kadhafi ou l’extraordinaire stratégie ayant permis aux Tanzaniens d’écraser les chars ougandais au temps d’Idi Amin Dada. Peut-être ne se rappellent-ils pas non plus la victoire des rebelles de Mugabe sur l’armée régulière et blanche de Ian Smith ni la victoire des Angolais sur l’Afrique du Sud de l’Apartheid. La même Afrique du Sud donna lieu d’ailleurs, un siècle auparavant, à une bataille mémorable entre les Zoulous et les Anglais, bataille gagnée par des Zoulous sous armés !

Mais il y a plus grave : aucun des ces soi-disant « africanistes » n’a pris le temps de réfléchir à    l’environnement dans lequel évolue les armées subsahariennes : pratiquement pas de moyens  et une population encore très rurale. Pour laquelle la guerre n’est pas une option    « normale », à l’Occidental. En Afrique, les guerres ont été toutes, exception faite bien entendu des guerres de libération, provoquée par l’Occident. De la guerre du Biafra, orchestrée par la France et l’Angleterre sur fond de pétrole aux guerres des Congo, préparées par les Anglo-Saxons toujours sous fond de matières premières. Angola et Mozambique furent secoués    par la Guerre froide, les oppositions étant ici financées, armées et conseillées par les Etats Unis tandis que l’ont ne peut pas dire que ces derniers furent totalement absents et de Somalie, et    du Soudan ! Quant aux guerres antiques, il faut que les incultes sachent tout de même qu’avant l’arrivée des Arabes, finançant et armant les Sahéliens pour que ceux-ci aillent razzier les  Forestiers, ces derniers dominaient totalement l’Afrique subsaharienne. Avant l’arrivée de l’Islam, le royaume du Ghana s’étendait par exemple jusqu’au fleuve Sénégal tandis que les Ethiopiens d’alors, successeurs directs de l’Egypte pharaonique, étaient établis au Soudan. Peut-être existait-il des conflits tribaux, sans doute même. Mais le droit de l’époque ne connaissait pas  l’emprisonnement : tout se résolvait par des réparations en nature…

Bref, les vraies guerres, à l’origine de la pénétration des Sahéliens chez les Forestiers sous la forme de « royaume    commerçants » à l’est et « d’empire » à l’ouest, ne commencèrent qu’avec l’arrivée des Blancs sémites puis aryens au sud du Sahara, CQFD !

Revenons-en maintenant à nos armées africaines : c’est vrai que la guerre n’était pas dans la nature des Subsahariens et que des armées tant offensives que défensives ne font pas partie des points forts là bas, en dépit des exceptions que je vous ai citées en supra. De là à les traiter de nulles    alors qu’elles sont surtout sous-équipées et très mal rémunérées, il y a un pas que seul le racisme peut expliquer : bien équipées et bien motivées, les armées africaines sont performantes,  jusqu’à défaire des armées encadrées par des officiers blancs. Il fallut d’ailleurs l’entrée en guerre des Français en Côte d’Ivoire pour battre l’armée régulière ivoirienne : le ramassis de    pilleurs et violeurs réunis par les Français au Burkina Faso et surarmés par les mêmes Français les renseignant en outre sur les positions de l’armée ivoirienne n’y suffit pas, comme n’y suffirent pas les forces pourtant surarmées de l’ONU sur place. Ce sont des hélicoptères de combat qui ont vaincu Gbagbo, il faut le répéter. Même les chars    français ne purent déloger les loyalistes. Alors, « nulles », les armées africaines manquant de moyens ?

Non, bien évidemment. Si nuls il y a, ce sont essentiellement les journalistes occidentaux dont ceux de Jeune Afrique,    même à la peau basanée, font sans aucun doute partie.  Et, tout comme l’ensemble des Occidentaux, ils sont vieux : « la vieillesse est un naufrage », dit-on en Occident. Et il est vrai que, dans cet Occident, les vieillards qui meurent ne sont pas comme les bibliothèques qui disparaissent en Afrique : ils ont, eux, la maladie d’Alzheimer…

Christian d’Alayer

 

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