Burkina – Un témoin révèle: « J’ai enterré Sankara »

0

 Ce n’est pas une tombe, comme nous avons l’habitude de voir. C’était un puits profond. Mais pour les autres, je ne peux pas dire que les trous étaient vraiment profonds

C’est la première fois que quelqu’un affirme avoir vu le corps de Sankara et les conditions de son inhumation. Pour l’instant, il tient quand même à garder l’anonymat parce que, explique-t-il, sur les vingt trois personnes qui ont enterré les suppliciés du 15 Octobre, il n’en reste plus que quatre qui vivent encore. Notre interlocuteur ne tient pas pour l’instant à se faire connaître, mais les détails qu’il donne sur l’enterrement autorisent qu’on ait foi à ses dires. Et puis cette personne n’est pas n’importe qui aujourd’hui. Voici le récit tel qu’il nous l’a livré.

« J’étais à l’époque détenu à la MACO. Le soir du 15 Octobre, alors que j’étais responsable des prisonniers, on me demande de désigner 20 prisonniers pour une corvée extérieure. Je demande à mon adjoint de désigner 19 prisonniers et avec moi, cela devait faire 20. Le sergent-chef régisseur à l’époque de la Maco nous embarque avec sa Vêlera et nous conduit au Conseil. Nous avions l’habitude de nous y rendre pour faire les corvées. Ce jour-là ; sans qu’on ne nous dise clairement ce que nous devions faire, on nous commande d’aller chercher des pèles et des pioches. Après quoi, nous empruntons la route de l’archevêché et à ce niveau justement, nous rencontrons les renforts qui arrivaient de Pô. J’ai eu la nette impression que les militaires qui étaient de faction ignoraient tout ce qui s’était passé à l’intérieur du Conseil. Certains nous demandaient subrepticement si le PF était parmi les cadavres ?

Arrivé au cimetière, le régisseur nous demande de creuser une fosse commune. Je lui demande s’il n’est pas possible d’individualiser les tombes. Il s’énerve un instant et je ne sais pour quelle raison, il finit par accepter ma proposition. Nous lui demandons, pour combien de personnes ? Il nous répond une dizaine. Il nous dit de faire vite, parce qu’il ne tient pas à ce que le jour se lève nous trouver ici.

Pour Sankara, je dois dire que sa tombe a été creusée avec beaucoup de respect. Tous les vingt que nous étions avons participé à creuser la tombe. Ce n’est pas une tombe, comme nous avons l’habitude de voir. C’était un puits profond. Mais pour les autres, je ne peux pas dire que les trous étaient vraiment profonds. Après ça, nous avons entrepris, avec l’aide du régisseur, d’identifier les corps à la lumière des phares des deux Vêlera militaires. J’ai pu ainsi voir le corps de Sankara. Cette image me restera toute la vie. Son corps était intact. Le fait qu’il ait porté un survêtement de sport rouge empêchait de voir le sang. Je pense qu’il a été touché au niveau de la poitrine. Thomas avait les poings fermés, même lorsque l’un de ceux qui ont creusé la tombe a enlevé son alliance. Il avait le visage gai et impassible, comme s’il voulait transmettre un message. Celui du combat. Et à jamais, j’aurai toujours cette image en tête. ».

Notre témoin affirme qu’il connaît le prisonnier qui a ôté l’alliance de Sankara et ses basquets. Cette alliance a été par la suite rachetée par Mohamed Diawara, un des responsables de la CEAO qui avait été jugé et condamné pour malversation à Ouagadougou, sur l’insistance du même Sankara, alors qu’il était président en exercice de l’institution et cela contre le gré de nombre de ses collègues présidents de la sous-région dont Houphouët Boigny. Diawara est justement de nationalité ivoirienne et puis un autre, de nationalité sénégalaise celui-là, Moussa NGom. Diawara aurait donc racheté cette alliance. De l’avis de notre confident, le pouvoir aurait tout fait pour récupérer cette alliance. Cependant, une autre source affirme que Diawara aurait remis l’alliance au président Diouf qui l’aurait à son tour remis à Mariam Sankara. Celle-ci ne confirme pas.

Ramata Soré

 

Partager

Laisser une réponse