Burkina Faso: Compaoré veut effacer sa date de péremption

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L’Assemblée nationale doit en effet examiner, jeudi, un projet de loi controversé, visant à réviser l’article 37 de la loi fondamentale pour faire passer de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels. 

L’Union africaine, bien prompte d’habitude à condamner chaque coup d’Etat militaire, ne prévoit curieusement rien pour ce qui concerne les coups d’Etat constitutionnels. En effet, tout indique que le Burkina Faso en prendrait le chemin. Mardi, des centaines de milliers de Burkinabés sont descendus à Ouagadougou, la capitale, pour dénoncer un projet de révision constitutionnelle permettant le maintien au pouvoir du président Blaise Compaoré, 63 ans.

Ce dernier dirige le pays depuis vingt-sept ans et le putsch de 1987 au cours duquel Thomas Sankara, à la tête de la révolution burkinabée et icône du panafricanisme, a été assassiné. Compaoré achèvera l’an prochain son deuxième quinquennat (2005-2015), après avoir effectué deux septennats (1991-2005).

Hostilité. La marche géante organisée mardi à Ouagadougou aurait rassemblé «un million» de personnes, selon l’opposition. Cette marche a été marquée par des affrontements en fin de matinée entre manifestants et forces de l’ordre, selon le correspondant de l’AFP. L’Assemblée nationale doit en effet examiner, jeudi, un projet de loi controversé, visant à réviser l’article 37 de la loi fondamentale pour faire passer de deux à trois le nombre maximum de quinquennats présidentiels. Ce changement permettrait à Compaoré, qui devait achever en 2015 son dernier mandat, de concourir à nouveau à la présidentielle. L’opposition craint que ce changement constitutionnel, non rétroactif, conduise le chef de l’Etat, élu quatre fois avec des scores soviétiques, à accomplir non pas un, mais trois mandats supplémentaires, lui garantissant quinze années de plus au pouvoir et… quarante-trois ans en tout à la tête du pays.

Le scénario est classique sur le continent africain. En effet, ces dernières années, il a été employé dans au moins neuf Etats : Algérie, Tchad, Cameroun, Togo, Gabon, Guinée-Equatoriale, Angola, Ouganda, Djibouti. Au Burkina Faso, ce projet suscite l’hostilité de l’opposition, d’une grande partie de la société civile et de nombreux jeunes – plus de 60% des 17 millions d’habitants ont moins de 25 ans et n’ont jamais connu d’autre dirigeant. L’opposition et une immense partie de la société appellent à la «désobéissance civile». Signe que le gouvernement prend au sérieux ces menaces, écoles et universités ont été fermées toute la semaine par crainte de débordements.

Leadership. Compaoré est un partenaire majeur de la communauté internationale en Afrique, avec un rôle clé de médiateur dans plusieurs crises, notamment entre les groupes armés du Nord-Mali et le pouvoir central de Bamako. Mais il a perdu son leadership régional ces six derniers mois au profit de la diplomatie algérienne, qui semble revenue au premier plan dans la zone sahélienne. Malgré sa proximité avec les ex-dictateurs libyen Muammar al-Kadhafi et libérien Charles Taylor, et son soutien aux rebelles ivoiriens désormais au pouvoir, le président burkinabé a toujours joui d’une solide image à l’étranger, notamment en France et ce nonobstant son putsch de 1987.

Allié des démocraties occidentales, Compaoré serait le rempart réel et fantasmé contre une internationale jihadiste qui a fini par emporter le Nord-Mali et menace désormais tout le Sahel. Les années Compaoré ont certes été marquées par une croissance soutenue et un recul de la pauvreté, mais aussi par l’élimination d’opposants, dont en 1998 le journaliste Norbert Zongo.

Jean-Louis Le Touzet

Libération.fr

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