Thématique : Les leviers de la Paix au Congo
Chers Amis de l’Observatoire Ï _de la Cité congolaise,
Chers compatriotes,
Je voudrais avant tout propos exprimer, au nom de notre Mouvement et en mon nom personnel, mes sincères remerciements à tous les membres de votre Observatoire pour avoir répondu favorablement à ma sollicitation et dire combien je suis sensible à cette marque d’attention.
Je voudrais profiter de l’opportunité que vous m’offrez pour exprimer, sans ambigüité, notre soutien à votre respectable organisation. En tant que francs maçons, vous représentez une tradition philosophique qui, en n’en point douter, a pris une part importante dans le monde, à l’élaboration et à la diffusion des idées républicaines et contribué aux grandes avancées de notre humanité dans plusieurs domaines. Permettez-moi de dire que bien qu’étant moi-même profane, je sais que l’engagement maçonnique s’inscrit dans l’héritage des Lumières. Lumières de la raison, de la tolérance, de la solidarité humaine, lumières de la liberté, la liberté absolue de conscience. La Franc-maçonnerie congolaise représente donc à nos yeux un maillon important dans l’approche globale de la question de la Paix, de l’unité nationale, de la dignité, de la démocratie, de la construction de la nation et du développement dans notre pays.
Chers Amis de l’Observatoire Ï _de la Cité congolaise,
Chers compatriotes,
J’ai sollicité cette rencontre au nom de notre jeune mouvement, le Mouvement pour l’Unité et le développement du Congo, en sigle M.U.D.C, dont je suis le Secrétaire général, pour faire appel à votre sagesse et parler avec vous de la question de la Paix dans notre pays. Car je sais que vous êtes très écoutés. Comment construire la Paix au Congo, ou plus précisément, quels sont les leviers de la Paix au Congo ? C’est une question à laquelle il faut réfléchir et à laquelle nous réfléchissons tous, j’en suis sûr.
Avant tout, je voudrais tout de même fixer le cadre pour dire que la paix ne découle pas seulement de l’absence de guerre et de conflits armés. Dans un Etat, lorsque la population est victime des injustices, des privations des libertés et des violations massives des droits de l’homme, il y a menace contre la paix. Dans un Etat où le régime règne par la terreur, l’absence des remous sociaux ou de révolte populaire n’est pas synonyme de la Paix. Dans un Etat où le chef de l’Etat est constamment soumis aux arbitrages entre sa famille, ses amis et l’intérêt national, il est difficile de parler de la Paix. Autrement dit, la Paix n’est pas seulement synonyme d’absence de guerre ou d’absence d’une menace de nature militaire, c’est-à-dire principalement le silence des armes. Bien au contraire. La Paix est tout un état d’esprit. Il est donc important de bien saisir tous les aspects de cette notion de la Paix.
Nous pensons que c’est important de le souligner, parce que l’usage du mot « Paix », quand il est fait référence à notre pays, est devenu depuis la fin de la guerre du 5 juin 1997 le fondement sémantique récurrent de la politique du régime en place à l’égard de notre peuple. Strictement sémantique, car la pratique même du pouvoir de ce régime, son attitude méprisante à l’égard du peuple, qui est volontairement paupérisé et abandonné, sans travail, sans électricité, sans eau, sans les soins décents, sans l’école ; la privation des libertés fondamentales et les violations massives des droits de l’homme ; l’absence de démocratie, la concentration de tous les pouvoirs et des postes de décisions entre les mains d’une seule famille ; le bâillonnement de la presse, la marginalisation de la société civile ; l’instrumentalisation de la loi et de la justice qui ont favorisé les phénomènes de clientélisme, de concussion et d’abus de pouvoir ; la caporalisation des richesses du pays par un clan au détriment de l’ensemble de la population ; les violations répétées de la Constitution ; le refus d’organiser les élections de manière transparente et d’assurer l’alternance démocratique. Bref, un vaste système de corruption et de malversation qui montre l’étendue d’un phénomène qui touche aujourd’hui tous les pans de l’Etat et de la société et dont le principal terreau est la perversion politique initiée au plus haut niveau de l’Etat. Résultat : la corruption et la malversation ont été érigées en un véritable système de dépravation politique et économique qui a permis l’enrichissement illicite des tenants du pouvoir au détriment du peuple ; ce qui freine le développement économique et saborde les fondements mêmes de notre société.
A titre d’exemple, aujourd’hui notre pays a un petit « directoire » composé quasi-exclusivement des membres de la famille présidentielle et qui contrôle toute la manne financière du pays. Nous voulons parler, bien sûr, du fameux comité de pilotage qui décide de tout et qui exclut tout le monde du processus de décision.
En plus, depuis le forum organisé en 1998, chaque négociation politique contient une asymétrie fondamentale : l’opposition fait des concessions, qui sont tangibles ; le pouvoir en place fait des promesses, qui ne sont jamais tenues. Tout cela relève, et vous conviendrez avec nous, bien peu de la conduite que doit adopter un pouvoir lorsqu’il veut la Paix.
Pourtant, à chaque discours, à chaque événement dans notre pays, on fait allusion à la Paix chèrement acquise. Tout le monde parle de la Paix mais en réalité nombreux ne veulent pas de la Paix. Il ne s’agit que d’un épouvantail, en fait une fuite en avant qui n’apportera pas la Paix car on ne peut arriver à aucune Paix si on ne le veut pas. Ceci pour vous dire que parler de la Paix, est donc devenu un artifice destiné à masquer de l’hostilité même de ce régime pour la Paix.
Quels sont les obstacles à la paix définitive dans notre pays ?
Je pense que tous autant que nous sommes ici présents dans cette salle, nous sommes au moins d’accord pour dire que de tous les maux dont souffre le Congo depuis sa proclamation en novembre 1958 jusqu’à ce jour, il en est un qui traduit le coté sombre de la politique congolaise : l’ethnocentrisme. Là est la première cause de nos maux.
En vérité là est le fond du problème ! N’ayons pas honte de le dire, l’ethnocentrisme est indiscutablement notre talon d’Achille. Depuis cette date en effet dans notre pays, l’appartenance ethnique est au cœur des débats politiques et les principaux conflits que nous avons connus ont tous une importante dimension ethnique.
Ce phénomène qui s’était un peu estompé sous le parti unique, s’est davantage amplifié à l’issue de la Conférence Nationale Souveraine de 1991 qui, disons-le clairement, a eu pour corrélât inattendu le renforcement de l’identité ethno-régionaliste au sein de l’espace public national. Depuis, les vieux démons ont refait surface. Les rapports ethniques et l’attachement à l’origine régionale sont alors devenus les mots d’ordre dans notre société post-conférence nationale de 1991. Comme par une sorte d’effet boomerang, cette exacerbation des divisions ethno-régionalistes a provoqué, dans chaque camp, le renforcement des rapports ethniques ainsi que les sentiments de peur et de haine des uns à l’égard des autres.
C’est dire combien la Conférence nationale de 1991 laisse un profond goût d’inachevé, notamment pour n’avoir pas su prévenir le danger de la création des partis politiques reposant essentiellement sur des bases purement régionalistes et ethniques ; ce qui à l’évidence ne pouvait qu’être une sérieuse menace pour la paix.
En effet, si l’on revient en arrière, il s’avère que la Conférence nationale de 1991 qui avait pourtant prévu toutes les structures à mettre en place pour asseoir la démocratie, avait omis de placer cette question de l’ethnocentrisme parmi les sujets centraux à traiter avec sagesse ; dans un contexte de pluralisme politique naissant, un tel manquement ne pouvait avoir un autre résultat que la guerre.
C’est ainsi que, dès les élections de 1992, la vie politique congolaise s’est organisée essentiellement autour des trois pôles constitués de l’UPADS (Union panafricaine pour la démocratie sociale) de Pascal Lissouba, dont les membres sont presque exclusivement des ressortissants des régions dites du Nibolek dans le sud du pays, le PCT (Parti congolais du travail) de Denis Sassou-Nguesso, qui regroupe essentiellement les originaires du Nord, et le MCDDI (Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral) de Bernard Kolelas, considéré comme le parti de l’ethnie Lari du Pool dans le sud-est du pays et à Brazzaville.
La suite, nous la commençons tous. Cela nous a plongés dans une décennie de guerres civiles à répétition qui ont fait de nombreuses victimes et provoqué d’importants dommages collatéraux.
Aujourd’hui encore cette division ethnique du paysage politique congolais est une donnée qu’il serait vain de nier. Résultat : les institutions démocratiques ont été dévoyées par ce phénomène d’ethnicisation de la politique et la privatisation de l’Etat qui en découle. Autrement dit, dans notre pays la politique reste un enjeu de rapport de forces entre ethnies et d’enrichissement personnel. Cela est à l’origine des antivaleurs dont nous avons parlés plus haut et qui minent le pays aujourd’hui (favoritisme, laxisme, corruption, violence politique…).
Le mal est si profond, à tel point que certains l’utilisent pour attiser davantage les haines. Par exemple, certains originaires du Sud sont persuadés que ceux du Nord exploitent leurs richesses et vivent donc beaucoup mieux qu’eux, dans une sorte de paradis. Ce qui est, reconnaissons-le, tout à fait absurde. Car s’il est vrai que l’entourage de l’actuel chef de l’Etat est essentiellement Mbochi de son ethnie d’Oyo dans la Cuvette au nord du pays, cette ethnicisation du pouvoir ne profite pas à tous les originaires du Nord du pays.
Cependant, il est vrai que le Nord soutient Denis Sassou-Nguesso, sans doute parce qu’il est perçu, à tort ou à raison, comme le seul rempart à la folie vengeresse du Sud. Et au Sud, les exclus du système se résignent et considèrent qu’ils sont de l’autre coté du pouvoir ou plus exactement de l’autre coté du Congo.
Pourquoi cette situation est restée sans issue depuis plus d’un demi-siècle ?
La situation est restée sans issue parce que la volonté de construire l’unité de la nation n’existe pas chez la majorité des politiques de tous bords. Parce que leurs efforts portent, non pas sur l’unité nationale, la construction de la Paix définitive, la construction de la nation ou le développement harmonieux du pays, mais sur la mise au point de moyens toujours plus machiavéliques et toujours plus cyniques pour avoir raison de ceux qui ne sont pas de leur ethnie ou de leur région. Parce que l’enseignement de la haine perdure dans tous leurs enseignements et qu’ils fabriquent des générations qui détestent les autres, les entrainant dans des actions d’une rare animosité à l’égard des autres congolais. Ce sont là autant de brûlots sur le chemin de la réconciliation.
La situation est restée sans issue parce que chacun a une idée bien arrêtée sur le règlement du problème, et cette idée est en général en opposition avec celle de l’unité nationale et de la construction de la nation. Car après toutes les guerres civiles que nous avons connues depuis la proclamation de la république du Congo, en 1958, s’il existait une réelle volonté commune d’arriver à régler ce problème d’ethnocentrisme, il l’aurait été depuis longtemps. En vérité, il y a beaucoup de mauvais génies de la politique qui utilisent cette arme de la division ethnique pour asseoir leur domination politique.
Dès lors la question est : Les populations, éduquées à la haine depuis plus d’un demi-siècle, s’accommoderaient-elles soudain de propositions de l’unité nationale et de construction d’une nation, qu’ils ont refusées dans le passé ? Rien n’est moins sûr. Pour s’en convaincre, il suffit de voir que l’opposition ne s’illustre ni par son unité de pensée ou d’action, ni par son soutien raisonné à l’idée même de la construction de la nation comme le socle de notre identité commune.
Notre opinion est qu’en vérité, l’autre problème de fond, c’est celui de la construction de la nation. Plus de cinquante ans après sa proclamation, en 1958, notre pays n’a pas pu créer les conditions de la formation d’une véritable Nation, le socle d’une identité commune et d’un développement possible. La question centrale, la question de fond est donc celle de la construction de la nation congolaise. Pour cela, il nous suffira de créer les conditions qui nous permettront d’enlever définitivement de notre subconscient collectif cette division artificielle du pays en Nord et Sud hégémoniques et antagonistes, qui seraient condamnés à ne jamais s’entendre. C’est tout l’enjeu de notre combat commun.
Ce ne sera pas facile, nous le savons. D’autant plus que les guerres civiles post-conférence nationale ont apporté des peurs, des résignations qui cachent des douleurs, des haines, des passions, des rancœurs à peine dissimulées qui engendrent à leur tour le ressentiment, le renoncement national, le découragement et qui nous éloignent finalement encore plus de la nation, de la république et de la démocratie.
Et du coté du pouvoir en place, et surtout de ses courtisans, c’est la raison d’Etat qui prévaut. Pour eux, « tout va bien ». En réalité le pouvoir actuel fait l’autruche, il refuse de voir la réalité en face. Cette attitude ne résiste jamais à l’histoire, nous le savons tous. Et pour cause ! Depuis le forum organisé en 1998, placé sous les thèmes de la réconciliation et de la paix, on revient toujours sur les mêmes annonces sans résultats concrets. Même la célébration du cinquantième anniversaire de l’indépendance était elle aussi placée sous l’annonce de la réconciliation nationale, l’esprit du dialogue, de tolérance, d’amour, de paix et de communion nationale, toujours sans emprise réelle sur le peuple.
Pendant ce temps, les tenants du régime en place, solitaires dans leurs idées, avec leurs courtisans, parce qu’ils bénéficient du pouvoir de nomination et de distribution des postes, murés dans leurs certitudes et galvanisés par leur longévité aux affaires (près de trois décennies, presque sans discontinuer), par leur victoire militaire et de leurs victoires électorales successives, toujours acquises d’avance, sont passés du coup d’état constitutionnel en 1997, au pouvoir flexible de 1997 à 2002, à la nouvelle espérance et au chemin d’avenir sans séquence, une opération digne d’illusionnistes, une opération de passe-passe pour ne jamais avoir à rendre des comptes, hermétiquement fermés à l’appel du peuple, à l’appel de la nation qui les interpelle. Et pendant ce temps les problèmes des Congolais restent là, têtus, non résolus, notamment la question de la cohésion nationale, de la cohésion sociale.
Le pays n’est donc pas sorti de ce forum de 1998 réconcilié et cela à cause de l’insuffisance des résultats obtenus. La raison en est simple, tout c’était passé comme si la question de la réconciliation, et donc de la paix, était laissée à la seule responsabilité des vainqueurs de la guerre, c’est-à-dire du pouvoir actuel.
On voit donc que le Congo a un besoin crucial d’opérer une profonde mutation pour aller de l’avant. Cela est nécessaire, et à nos yeux d’ailleurs cela est inéluctable d’autant que nous vivons aujourd’hui dans un monde qui bouge beaucoup et la situation n’a jamais été aussi lourde depuis des décennies.
Quelles pistes faut-il percer pour construire la Paix dans notre pays ?
Pour construire durablement la Paix dans notre pays, nous proposons quelques pistes que nous considérons comme étant, à notre sens, les principaux leviers de la Paix au Congo. Bien évidemment, ceux-ci ne sont pas exhaustifs.
Cela commence par l’organisation d’un grand « forum national sur l’état global du pays ». Notre conviction profonde est que seules les « discussions de famille » qui auront lieu au cours de cette rencontre créeront un élan de rassemblement et de communion nationale, nous aideront à exorciser nos rancunes passées, nées des différents conflits qui ont déchiré notre pays depuis sa proclamation en 1958 et permettront ainsi aux uns et aux autres d’oublier les frustrations. Chacun pourra alors dire que le temps de la discorde et de l’amertume est passé et l’heure est venue d’oublier définitivement ce chapitre sombre de notre histoire pour aller de l’avant.
Vous l’aurez compris, contrairement à la Conférence nationale de 1991 où les passions et les haines l’avaient finalement emporté sur l’idée de la construction de la nation, ici l’objectif n’est pas de faire que tel camp gagne sur tel autre mais que la Paix, l’unité nationale et la nation sortent renforcées. Il s’agit donc de faire un diagnostic complet de l’état de la nation, lancer le nécessaire processus de vérité-réconciliation et réconcilier définitivement les Congolais avec leur pays. Nous sommes convaincus qu’en se parlant, sans tabou, sans l’esprit de vengeance, en considérant la synergie de l’ensemble des facteurs politiques, économiques et socioculturels qui minent le pays depuis 1958 à ce jour, nous pourrons faire émerger un Congo nouveau et permettre l’essor économique de notre pays. Il nous faut redresser l’image de notre cher beau pays.
Au fond, il n’y a qu’une question qui compte : l’état actuel du pays exige-t-il un changement profond ou doit-on continuer dans la même voie ? Notre certitude est qu’il faut un changement profond, d’idées, des habitudes, d’attitude et de mentalités. Et force est de reconnaître que ce changement, ceux qui ont l’habitude de se succéder aux affaires depuis 1963 n’en veulent manifestement pas. Donc, pour y parvenir, non seulement il ne faut rien attendre de ceux-là mais surtout il ne faut rien devoir d’eux.
Loin de nous l’envie d’aller en guerre contre tout le monde. Bien au contraire. Nous avons toujours dit qu’il doit s’agir d’une démarche intergénérationnelle. Nous devons constituer une majorité cohérente, une majorité du courage, qui sera formée autour de ce projet de relèvement du Congo. Tous ceux qui y participeront auront toute leur place dans le nouveau Congo que nous appelons de nos vœux. Tous les démocrates et les réformistes de toute sensibilité doivent prendre leurs responsabilités. Nous devons donc fédérer toutes les sensibilités autour d’un seul thème, la construction de la démocratie et de la Paix définitive dans notre pays. Oui, construire la démocratie, pour que le Congo ait enfin une classe politique qui soit respectée et pour en finir avec les élections tronquées qui entraînent des violences et des guerres civiles.
Nous n’avons d’autre choix que de nous renforcer et de tenir jusqu’à ce que les esprits et les rapports de forces se transforment, jusqu’à ce que l’acceptation de la démocratie et de l’Etat de droit se fasse dans les esprits et dans les cœurs. Tel doit être le sens de notre combat.
En deuxième lieu, nous l’avons dit, il faut un changement profond, d’idées, des habitudes, d’attitude et de mentalités. Pour cela, nous préconisons de prendre le problème à la racine, c’est-à-dire dès la petite enfance, où s’acquièrent et se construisent les consciences et les bases de la vie. Il faut s’attaquer en priorité, dès la petite enfance, aux sources du phénomène de l’ethnocentrisme, inculquer aux enfants du Congo des valeurs d’éthique et de la nation. Cette stratégie est fondamentale car le destin de la nation se jouera à ce niveau, en particulier lors de l’apprentissage de la lecture. Cela passe par des actions de communication d’envergure, la création d’une chaine de télévision éducative dédiée aux enfants, mais aussi par une refonte des dispositifs de pilotage pédagogique de l’enseignement primaire et secondaire. C’est un défi majeur si nous voulons mettre un terme aux clivages ethniques et construire une nation.
Nous le disons avec insistance, la construction de la nation congolaise est une nécessité et c’est un projet qu’il faut défendre, quelle que soit l’appartenance politique de chacun. Il s’agit de construire des esprits, des volontés, des capacités. Aujourd’hui nous avons une partition du pays qui ne dit pas son nom. Dans notre subconscient collectif, il y a le Nord et le Sud, sans Est ni Ouest. La difficulté consiste donc à modifier cet état des choses dont se servent les politiques pour diviser le pays en Nord et Sud hégémoniques et finalement politiques. C’est cette répartition qui fait le plus de mal à notre pays depuis la proclamation de la république en 1958.
La construction de la nation congolaise est donc un problème très profond et chacun conviendra avec nous que ce ne sont sans doute pas les fameuses municipalisations tournantes, copiées sur le Gabon voisin, et qui les a lui-même abandonnées depuis, faites à la sauvette et limitées dans le temps, qui vont arriver à bout de ce problème. Plus d’un demi-siècle après la proclamation de la république, c’est un véritable projet de construction nationale, un grand projet intégrateur qu’il faut pour notre pays. Il faut un véritable plan Marshall tant le pays demeure totalement à construire.
Voilà ce dont notre pays a besoin après son long passage à vide qui dure depuis plus d’un demi-siècle. C’est le projet que devraient défendre tous les Congolais si nous voulons sortir notre pays de l’impasse dans lequel il se trouve. Mon opinion est que seul un grand projet de construction nationale permettra de faciliter les échanges, les déplacements de biens et de personnes et les Congolais briseront enfin cette épaisse glace qui les séparent en bloc Nord/Sud. Ils se connaîtront mieux et s’apprécieront mutuellement. Par exemple, comment comprendre qu’aujourd’hui pour aller au Nord du pays par la route, il faut obligatoirement passer par Oyo ?
Compte tenu de ce qui précède, nous pouvons affirmer que depuis plus de 50 ans, nous avons fait du Congo, un grand fleuve d’égoïsmes, un champ d’intrigues, de divisions et de rivalités. Mais surtout il est resté un champ d’expérimentation de la pauvreté. Nous avons donc montré notre incapacité à construire une Paix définitive et à mener le pays vers son unité et son développement. Aujourd’hui, il faut avoir le courage de reconnaître cet échec collectif et changer de cap.
En définitive, le constat général qui ressort de ce que nous venons de dire est le suivant : le peuple congolais est incapable aujourd’hui de regarder son passé en face à cause du climat de ressentiment généralisé. Or le ressentiment a toujours été le moteur de l’Histoire. Le peuple congolais est aussi incapable d’envisager l’avenir à cause d’un pouvoir qui le manipule, l’effraie et ne lui donne aucune perspective d’avenir.
A notre humble avis, c’est l’impasse totale aujourd’hui. Alors la question est : comment en sortir ? C’est pour cela que, faute d’autres moyens, nous utilisons les tribunes comme celle que vous nous offrez aujourd’hui, pour informer, expliquer et dénoncer.
En guise de conclusion, nous énumérons ci-après quelques leviers de la Paix dans notre pays :
1. L’actuel président de la république et le « commando » de ses amis, qui sont aux commandes du pays presque sans discontinuer depuis trois décennies doivent mettre en avant l’intérêt supérieur du pays et accepter de sortir des facilités et des privilèges du pouvoir en acceptant l’alternance démocratique ;
2. Respecter scrupuleusement la double limitation constitutionnelle qui fixe à deux le nombre de mandats présidentiels et à 70 ans l’âge limite des candidats à l’élection présidentielle, et ne pas prendre le risque de modifier la Constitution pour garder le pouvoir à vie ;
3. Instauration d’une règle d’équilibre gouvernemental où chaque gouvernement de la République ne peut compter plus de 25 membres, et tous les départements du Congo doivent y être équitablement représentés par deux ministres au minimum ;
4. Professionnalisation de l’armée et toutes les composantes des forces de défense et de sécurité pour assurer la préservation de l’intégrité territoriale. Les forces de défense et de sécurité doivent être des remparts exclusivement au service du pays tout entier et ne peuvent en aucun cas servir les intérêts privés du Président de la république ;
5. Mise en place d’un Conseil Supérieur de la Paix et de l’unité nationale, composé de douze sages, originaires des douze départements du pays (dont Brazzaville). Une équipe qui se forgera dans le creuset du désintéressement et qui ne doit donc pas abdiquer face au Diktat de l’argent, car cela crée un climat de sérénité. Ils doivent être au-dessus de la mêlé et de toutes les considérations ethniques. La sagesse et la probité morale sont les qualités essentielles qui vont jouer pour leur désignation. Ils auront une autorité morale et seront les garants de l’unité et de la stabilité du pays. Toutes leurs décisions seront prises à l’unanimité, en toute âme et conscience, en toute indépendance et seront guidées exclusivement par l’intérêt supérieur de la nation et la sauvegarde des valeurs cardinales que sont la Paix et l’unité nationale, sans quoi notre pays ne peut se développer. En cas de litige électoral ou autre, ils décideront en dernier ressort et leurs décisions sera sans appel ;
6. Institutionnalisation du statut de l’opposition. Il s’agit là d’une question fondamentale dans notre pays. L’opposition doit être dotée d’un statut qui lui garantisse les moyens politiques, juridiques et financiers de pouvoir se conduire comme un contrepouvoir réel face à la majorité au pouvoir. Ce statut devra comprendre notamment des droits d’information, des droits protocolaires, le droit de créer une commission d’enquête ; ce qui signifie la reconnaissance du statut de l’opposition comme un moyen de pression et d’encouragement du pouvoir en place. Le statut de l’opposition doit être reconnu et garanti car il constituera un grand progrès pour l’exemplarité de notre démocratie ;
7. Obligation pour le gouvernement de la république de publier chaque année l’ensemble des revenus tirés de nos ressources naturelles, dans le souci permanant de transparence et de bonne gouvernance. Cela permettra également de renforcer la discipline budgétaire de l’Etat ;
8. Création d’une Commission « ressources stratégiques » au niveau de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui sera en quelque sorte l’assurance-vie de la nation. L’objectif, vous l’aurez compris et nous le disons avec fierté, est de renforcer notre souveraineté, car jusqu’à présent notre pays n’a fait que s’adapter à des décisions prises son lui. Distincte de la Commission des Finances, elle sera un organe de contrôle en amont et en aval qui aura mission d’analyser avec un œil d’expert et de valider tous les contrats portant sur les ressources stratégiques du pays. Elle pourra contrôler la conformité des contrats passés et pourra également les annuler si elle ne les juge pas assez favorables à l’intérêt du pays. Elle sera en quelque sorte notre « consensus républicain » et notre gage de bonne gouvernance permettant de mieux contrôler les ressources stratégiques nationales. Sa présidence reviendra à l’opposition et devra être prévu dans le statut de l’opposition, car c’est une garantie supplémentaire d’une démocratie irréprochable ;
9. Concrétisation de l’effectivité de la décentralisation des compétences de l’Etat, pour rendre performants les services publics à l’intérieur du pays. Une allocation budgétaire équitable sera versée à chaque département afin de lutter contre les inégalités, tout en favorisant la concurrence par une compétition saine entre les différents départements du pays. Cette redistribution équitable de notre richesse nationale est en effet le défi majeur que les gouvernements successifs n’ont jamais voulu concrétiser depuis de nombreuses années ;
10. Prise en compte de nos compatriotes qui vivent à l’étranger et qu’on appelle communément la diaspora. Comme chacun le sait, ils contribuent à la Paix sociale dans notre pays par les transferts d’argent qu’ils envoient à ceux restés au pays. Cette solidarité constitue une précieuse source de revenu pour ceux qui n’ont pas d’emploi et dans notre pays où le chômage bat des records, il ne fait en effet aucun doute que si la diaspora ne jouait pas ce rôle de pourvoyeur de fonds, les tensions sociales seraient légion. Il est inadmissible qu’un maillon aussi important soit totalement marginalisé, considéré comme un danger pour le pays et exclu du droit de vote.
Je vous remercie
Bienvenu MABILEMONO
S.G. du Mouvement pour l’Unité et le Développement du Congo (M.U.D.C.)